De retour dans sa maison d’enfance, à Santa Cruz sur la côte Californienne, Adelaïde Wilson a décidé de passer des vacances de rêves avec son mari Gabe et leurs deux enfants : Zora et Jason. Un traumatisme aussi mystérieux qu’irrésolu refait surface suite à une série d’étranges coïncidences qui déclenchent la paranoïa de cette mère de famille de plus en plus persuadée qu’un terrible malheur va s’abattre sur ceux qu’elle aime. Après une journée tendue à la plage avec leurs amis les Tyler, les Wilson rentrent enfin à la maison où ils découvrent quatre personnes se tenant la main dans leur allée. Ils vont alors affronter le plus terrifiant et inattendu des adversaires : leurs propres double.
L’avis de Quentin :
Le début de l’année a été assez calme du côté du cinéma d’horreur, mais cela est révolu. L’heure du retour de Jordan Peele a sonné. Le jeune réalisateur remarqué avec son sympathique Get Out est de retour pour de nouveau faire trembler la terre de l’oncle Sam. Us a été réalisé dans la discrétion la plus totale. Le film fut annoncé il y a tout juste trois mois et depuis les fans du genre n’attendent qu’une seule chose : la confirmation du statut de Peele comme nouveau pilier de l’horreur.
L’oeuvre n’a cessé d’intriguer au fur et à mesure qu’elle donnait des détails au compte goutte sur sa création, jusqu’à indiquer les films que les acteurs ont dû regarder pour préparer leurs rôles. C’est ici, que les premières excitations se font sentir autour de l’entité Us. Les films de référence sont tout juste incroyable avec d’un côté Les Oiseaux de Hitchcock, de l’autre Funny Games de Haneke, en passant par Braindead de Jackson ou encore It Follows de Robert Mitchell mais surtout la bête noire qu’est Martyrs de Pascal Laugier. Une question survient alors : comment Jordan Peele réussira-t-il à insérer de telles influences en partant du timide mais réussi Get Out, tout en réussissant à conserver son univers ?
C’est justement le pari insensé que réussit à exécuter le réalisateur américain. Il impose de nouveau sa patte si moderne, léchée, esthétique tout en parvenant à extirper l’essence même de ses références. Il ne tourne pas une seule fois le dos au cinéma qui l’a rendu célèbre mais en complexifie avec maestria son contenu. Nous sommes alors de nouveau devant un film d’horreur politique qui sait se jouer des codes, parvenant à prendre le spectateur par la main et l’emmener dans les moindres de ses névroses, rien ne nous est épargné.
L’esthétique du film est irréprochable et influencera sans doute une grande partie du cinéma d’horreur à venir. Il impose une justesse dans son cadre. Peele parvient de manière adroite à faire en sorte que sa caméra devienne prédatrice, laissant au spectateur le rôle de proie. Sa manière si chirurgicale de filmer la terreur saura faire cauchemarder puis réfléchir les générations à venir quant à l’esthétique du cinéma de genre.
Cette fois-ci, le film nous propose d’aborder la fracture sociale de plus en plus vive aux USA. Il y a d’une part une Amérique dorée, héritière du rêve américain, de la réussite sociale, représentant la société consumériste. De l’autre une Amérique oubliée, abandonnée, qui est en train de bouillir, attendant le faux pas de la classe aisée pour se révolter, réclamer le bonheur auquel ils aspirent. Le long-métrage donne à voir une véritable stratification du système américain où les classes aisées ont écrasé les classes populaires, les ont oublié. Nous sommes face à une Amérique ayant oublié sur quelles bases leur nation a été créée.
Sur ce fond d’horreur sociale, le jeune réalisateur va nous mener dans son univers parvenant à nous effrayer, nous épouvanter, nous tétaniser. Il n’est jamais dans la surenchère, l’horreur servant le développement scénaristique. L’oeuvre vise juste et ne s’embarrasse pas de scènes inutiles. Il parvient à développer une multitude de sous-textes, de problématiques, amenant les spectateurs d’un simple slasher jusqu’à la véritable terreur alimentant le sol US.
Le casting y est fabuleux et nous ne cesserons de remercier Lupita Nyong’o (12 years a slave) pour sa double performance d’une très grande maîtrise. Cependant, elle n’est pas la seule à briller car Winston Duke (Black Panther) parvient à apporter une dimension comique à l’oeuvre avec ce père de famille ne parvenant pas à accepter tout ce qu’il voit et faisant passer l’horreur par la dérision. Quant aux enfants de la famille, Shahadi Wright Joseph et Evan Alex, les deux jeunes acteurs, ils sont particulièrement convaincants et saisissants.
La mise en scène est servie par une bande-son en or mêlant la composition habile de Michael Abels et les plus grandes références RNB des années 90.
Jordan Peele compose avec Us, une pierre angulaire du cinéma d’horreur des prochaines années, replaçant l’esthétisme ainsi que l’analyse humaine au centre des attentes. On peut désormais laisser dernière nous ces quelques années de films sur la possession et autres démons, car comme nous l’a montré le réalisateur de Get Out, la seule terreur à craindre n’est pas dans l’inconnu, elle est en nous. Un grand film de genre qui laissera son empreinte sur la prochaine décennie. La fin du rêve américain, le début du cauchemar ricain, un nouveau maître de l’horreur est né : Jordan Peele.
Technique
La définition est au scalpel, la luminosité éclatante et la palette chromatique riche avec des noirs profonds et de superbes tons orangés.
De nombreux effets sonores (cris, coups…), le formidable travail sur la voix de Lupita Nyong’o, le score angoissant signé Michael Abels et des tubes musicaux comme I Got 5 On It cohabitent harmonieusement sur la piste VO en Dolby Atmos comme sur son homologue française en 7.1 DD+.
Bonus
Le disque blu-ray de Us édité par Universal comporte de nombreux suppléments pour en savoir plus sur l’excellent film de Jordan Peele, à commencer par 4 modules de making-of (27′) où sont abordés le travail des acteurs pour leur double rôle, l’apparence des Reliés, le mythe du double ou bien encore les films qui ont inspiré le réalisateur pour sa mise en scène (2 soeurs, les oiseaux, Alien, Génération perdue…). Dans Us Peele déclare avoir voulu « parler de notre dualité en tant qu’êtres humains et des péchés et de la culpabilité qu’on enfouit tout au fond de nous ».
Le module « Devenir Red » (4′) dévoile des plans inédits de Lupita Nyong’o en Red, plans filmés entre les prises témoignant de la grande implication de l’actrice dans son double rôle.
Sont également proposées 3 scènes décortiquées par le réalisateur (8′), analyse passionnante de son travail sur 3 grandes scènes horrifiques du film.
6 scènes coupées dispensables (6′), une compilation d’impros sur la plage entre 2 acteurs dont Winston Duke (6′) et la séquence intégrale de danse située à la fin du long-métrage (5′) complètent la section des bonus de ce disque HD de Us.