Après Monsieur Schmidt et Sideways, Alexander Payne dresse à nouveau, dans The descendants, le portrait attachant d’un homme ordinaire à un tournant de sa vie. Si le ton est moins caustique et satirique que dans les précédents, le film frappe au coeur avec cette histoire familiale portée par un excellent George Clooney.
En choisissant pour cadre de ce sujet dramatique l’archipel paradisiaque d’Hawaï, Payne pratique d’emblée l’art du décalage, du contre-pied dont on sait qu’il maitrise le dosage afin de désamorcer des situations tragiques qui pourraient virer au larmoyant. Une répartie comique, une intervention décalée, un soupçon de burlesque peuvent cohabiter dans la même scène avec un ton mélancolique ou triste.
Après une exposition un peu longuette, Payne lance la petite famille dysfonctionnelle (en l’absence de son épouse le personnage de Clooney doit gérer et apprendre à connaître ses filles adolescentes) sur les routes hawaïennes dans la traque tragi-comique de l’amant de madame, une enquête qui les mènera sur les traces de leurs aïeuls. Au final ce trio, auquel se joint l’impayable petit-ami de l’aînée, va se réappropier leur histoire.
En père de famille devant assumer ses responsabilités de chef de tribu, George Clooney, dans un ses meilleurs rôles qui pourrait lui valoir un Oscar après un Golden Globe amplement mérité, s’y révèle aussi à l’aise dans le registre comique (la scène hilarante où il épie son rival sur la plage) que dans l’expression du désarroi ou du chagrin (intense performance lors reproches énoncés à sa femme plongée dans le coma). L’acteur américain porte ce joli petit film aux côtés d’une révélation, la jeune Shailene Woodley.
Révélé par Monsieur Schmidt , Alexander Payne s’est illustré comme un des réalisateurs « indé » de la néo vague US (P.T Anderson, D.O.Russell, D.Gray …) il y a quelques années. Egalement producteur inspiré (la série Hung) ou moins (Cedar Rapids), il est ce qu’il y a de plus intéressant dans le cinéma US moderne, de plus en plus aseptisé et trop « calibré » indé pour le coup. Après le savoureux Sideways, on attendait beaucoup de The Descendants.
Choix judicieux et presque évident d’adapter le roman de Kaui Hart Hemmings tant le lieu principal de l’histoire (Hawaï) correspond au côté iconoclaste de Payne. Le décorum installé Payne s’attache comme à son habitude à travailler ses personnages, les inscrire dans des relations, ici familiales, fortes où chacun est amené à changer au contact des autres. L’intérêt des îles hawaïennes est qu’elles permettent au réalisateur de faire un parallèle géographique entre ce qui sépare les membres de la famille formellement et intérieurement. Passage rapide mais utile afin de comprendre, par ellipse, le passé de cette famille.
Tout le travail de Payne est là, donner au spectateur, les identités de ses personnages par un travail intelligent et simple de l’ellipse et de la métaphore. Un non-dit est le symbole d’une souffrance effacée. Certes la trame psychologique est banale ; l’éternel personnage entre la vie et la mort, qui indirectement, remet les rapports de l’entourage en question. Effet très mode dans le 7ème art ces derniers temps, le film n’en est pas moins une réussite là où certains échouent dans de nombreux effets tire-larmes et clichés. Payne, aidé par un casting à l’unisson, apporte son savoir faire, cet humour léger, décalé, à contre-courant.
En décidant de travailler plus le rapport entre chaque personnage que la psychologie de chacun, Payne arrive à donner une certaine légèreté à son film. Le désire d’éviter tout pathos est alors fondé sur cette démarche simple, éviter toutes réactions classiques que le film, pas son schéma narratif « déjà-vu », pourrait nous offrir. Aider par un George Clooney de plus en plus « corsé ».
Sans avoir l’ambition de bouleverser le genre Alexander Payne continu de faire ce qu’il avait entamé sur ses deux précédents longs-métrages, faire grandir ses personnages, à tout âge.
Côté casting, George Clooney en lice pour l’Oscar du meilleur comédien, défend d’un naturel confondant sa nomination. On admettra qu’il joue sur son facteur charme mais ce dernier n’aurait aucun impact si le comédien ne savait s’imprégner (comme à chaque fois) du rôle qu’on lui donne à jouer. Parfait de maîtrise, étonnant de naturel, il dégage alors ce que peu de comédiens donnent à voir de nos jours, un réel talent d’interprétation entre facilité et travail. On s’attachera également à Shailene Woodley qu’on devine comme une valeur sûre des années à venir tant la jeune comédienne est éblouissante dans son jeu confondant de naturel.
The Descendants ne sera donc pas forcément le film de l’année mais Alexander Payne en fait un petit film à la légèreté prononcée et donne par une direction d’acteurs précise un film tendre, plus par sa maîtrise que sa mise en scène innovante. On ne demande pas plus à ce genre de cinéma.
Test blu-ray
Technique
L’image magnifique permet d’apprécier la beauté des décors hawaïens comme le jeu des acteurs, George Clooney en tête.
Les pistes son en DTS HD Master Audio assurent un confort d’écoute avec une présence essentiellement frontale, les voix étant bien en avant comme la musique traditionnelle hawaïenne.
Bonus
Un florilège de featurettes plutôt sympathiques, entre exercice promo et module informatif sur le tournage et la culture hawaïenne, sont au programme de cette édition blu-ray de The descendants.
Tout le monde aime George Clooney (7′) et Travailler avec Alexander Payne, le réalisateur (14′) consistent en une litanie de compliments sur l’acteur, toujours prêt à plaisanter et le réalisateur qui outre le fait d’être un spécialiste de l’omelette cuisinée régulièrement pour ses collaborateurs s’avère être un directeur d’acteurs très à l’écoute. Travaillant avec la même équipe depuis des années, Payne y déclare sa volonté de proposer « une certaine approche documentaire du film de fiction ».
Le casting (10′) et le tournage (17′) permettent d’en savoir plus sur le processus de casting pour les seconds rôles et les conditions idéales de tournage marqué par un accueil chaleureux des hawaïens dans des décors magnifiques.
Dans le prolongement de la précédente featurette Les contraintes à filmer dans l’eau (14′) et Attendre la bonne luminosité (3′) montrent les difficultés techniques inhérentes à un tournage sur l’océan et de manière générale en décors naturels. Précisons que l’ambiance sur le plateau reste détendue (ce n’est quand même pas Waterworld!) malgré l’attente pour capter la bonne lumière ou la contrainte technique liée au tournage sur l’eau. La légende du surf Laird Hamilton vient faire un petit tour pour évoquer son petit rôle.
Les authentiques Hawaïens (13′) est un bel hommage au peuple hawaïen, son histoire, ses traditions à travers le portrait de deux familles de propriétaires. De même The World Palace, Hawaii (film muet – 10′) est un touchant court-métrage documentaire muet sur Hawaï au début du 20ème siècle, un efficace spot publicitaire vantant les beautés et les traditions de l’île.
Entretien avec George Clooney et Alexander Payne (12′) est une intéressante conversation, en toute décontraction, entre les deux hommes qui évoquent aussi bien le tournage où le rire le disputait à l’émotion, le jeu d’acteur, le choix du cadre comme certains de leurs films préférés et la série TV Hung réalisée par Payne.
2 scènes inédites avec introduction du réalisateur (4′) dont une belle scène de complicité entre père et fille clôturent la section bonus de cette édition combo ( DVD du film inclus) éditée par FPE.