Les pires méchants de l’univers DC Comics réunis dans un même film.
C’est tellement jouissif d’être un salopard ! Face à une menace aussi énigmatique qu’invincible, l’agent secret Amanda Waller réunit une armada de crapules de la pire espèce. Armés jusqu’aux dents par le gouvernement, ces Super-Méchants s’embarquent alors pour une mission-suicide. Jusqu’au moment où ils comprennent qu’ils ont été sacrifiés. Vont-ils accepter leur sort ou se rebeller ?
Avis de Manu
David Ayer cède à la tentation des studios. Sur le papier, un joli pari, une belle aventure dans l’univers DC Comics tenue de main de maître par un cinéaste qu’on pourrait considérer comme auteur. Mais ça c’était avant. Avant que les studios ne mettent à leur tête des costards-cravates, option commerce de masse, et leur donne le droit d’intervenir dans la création artistique des films, sur les blockbusters (qui n’en portent plus que le nom, la saveur et la qualité du genre étant décédées).
En résulte une bouillie visuelle indigne de son metteur en scène. On pense à un futur director’s cut qui viendrait réparer les nombreux dommages fait au film. Comme amputé de 30 minutes, minimum, on a bien du mal à comprendre l’avancée figurative des personnages dans un espace pseudo urbain et moyennement post apocalyptique. Du mal à comprendre certes, mais les problèmes durant la production (et post-production) semblent en effet être les facteurs majeurs de ce désastre esthétique. On le sentait et le Hollywood Reporter vient confirmer ce sentiment. Scénario écrit et réécrit, producteurs en trop grand nombre et indécis, David Ayer qui n’a pu s’approprier son film jusqu’à la fin, éjecté du montage (tiens, étonnant, devant ces images mises les unes à la suite des autres sans aucun sens). Comme hélas souvent évoqué ici, voici le résultat lorsque les messieurs tiroir-caisse d’Hollywood prennent en main l’usine à image…oublions carrément l’Histoire du Cinéma qui se retourne dans sa tombe. R.I.P. Suicide Yourself.
Pourtant le sujet semblait être parfait pour David Ayer, l’adrénaline masculine version fratrie armée, le passage obligé de la rédemption avant la mort et la camaraderie fondée sur les cendres de la guerre et/ou du combat, il faut apprécier certes mais c’est sa marque d’auteur. Viril en soit mais souvent traité avec intelligence dans ses précédents films (Hard Times, End of Watch, Fury) les principaux thèmes de l’univers d’Ayer pouvaient se retrouver dans un monde des super-mauvais-héros. Hélas, même s’il est difficile de trouver un seul coupable le film fuit tous les poncifs du genre (comics de qualité) et ne reste figé que dans un enchaînement de séquences qui n’ont parfois pas grand-chose à voir les unes à la suite des autres. Egalement surpris de voir au montage John Gilroy, dépossédé de son talent ici, et plutôt doué sur ses précédents films (Narc, Warrior, Night Call…) dont il avait su élever le découpage de chacun de ses réalisateurs. Comme quoi aucun artiste n’a pu finir le film, les banquiers s’en sont apparemment chargés. On suppose donc fortement que le duo réalisateur-monteur a dû céder aux tentacules nauséeux des nababs des studios hollywoodiens.
Tout pose problème dans Suicide Squad : aucune épaisseur dans les personnages, trop nombreux de toutes façons, les scènes d’exposition pour les plus chanceux ne sont là que pour remplir le film quand certains, eux, sont carrément jetés dans l’action comme par enchantement. On est stupéfait de ce naufrage. Là où le film pouvait promettre de se démarquer, il ne reste rien, des bad guys qui ne le sont pas, aucune épaisseur dans les caractères de chacun…c’est plat et vide. Mais lorsque qu’un vide est là il faut bien le remplir, alors on enchaîne sans aucune cohérence des scènes d’action plutôt bien mise en scène mais salement montées les unes à la suite des autres. Même le Grand Guignol de service vendu comme un personnage important du film semble effectivement le « Joker » exposé de manière parfaitement cadencée tout au long du film, ça et là, sans aucune logique où à base de flashbacks maladroits. Embarrassant.
Suicide Squad n’est pas forcément le navet de l’été, reste quelques punchlines bien senties, quelques séquences réussies, mais plutôt le naufrage d’une industrie, l’échec et l’énième exemple de l’incapacité d’un cinéma de divertissement à se renouveler. Le pire, les éléments semblent être à chaque fois là pour combattre cette déchéance artistique dans les abîmes et du dégoût, mais comme dans chaque industrie du 21ème siècle, en allant vers le profit on y perd souvent son âme. Et ici, le spectateur et surtout celle d’une certaine forme de cinéma presque déjà enterrée.