Avis de Manu
Tom McCarthy délaisse un peu le cinéma indépendant et se consacre à un cinéma d’une plus grande envergure. Fort de ses réussites passées (Le chef de gare, The visitor, Win Win) et mettant de côté son petit loupé The Cobbler, McCarthy prend un virage plus intéressant puisque riche dans son apport dans un cinéma moderne en perditions vénales. Spotlight signe un retour au cinéma des années 70, le film d’investigation journalistique dans ses plus grandes lettres.
Avec une structure proche des grands classiques hollywoodiens, le dernier film de Tom McCarthy distille avec minutie un parfum d’antan où les œuvres cinématographiques étaient loin d’un brouillon visuel. Le temps est millimétré, les pauses, nécessaires, présentes exactement comme il faut afin de créer un tempo parfait pour le genre. Le film journalistique est devenu rare et son retour avec la qualité qui l’accompagne donne des airs de bien être à ce que doit (peut) être un récit fleuve et investi. Fort de son scénario, tiré de faits réels, comme souvent dans le genre, Spotlight s’affirme par la richesse de ses détails, son histoire et la force de son sujet principal, la pédophilie au cœur même du corps ecclésiastique. Toute la dramaturgie nécessaire à cet ensemble est ici présente pour que la réussite soit au rendez-vous, rebondissements, personnages fouillés et un effet prononcé par son aspect documenté, rappel aux bons souvenirs du Les hommes du Président, un classique en soi, et Network par certains aspects de traitement.
Les rebondissements, nombreux, soutiennent avec encore plus de force le rythme haletant du film de McCarthy et effacent presque d’un seul coup les quelques complexités de l’histoire (personnages nombreux, tout va très vite…). Dix ans derrière nous les faits semblent hélas très, trop, actuels et avoir un écho encore proches. Malgré un aspect sulfureux et honteux, aucune rhétorique n’est convoquée ici pour illustrer au mieux le corps journalistique, au contraire, dans la plus grande simplicité le réalisateur ménage l’ensemble avec une fluidité et une sorte de gloire au journalisme d’investigation. C’est simple, efficace et percutant. Cela nous sort presque de cette info média actuelle où l’information véhiculée est toujours contrôlée par des grands groupes financiers. De cette ode à l’indépendance et à l’information ressort en parallèle un bel hommage au classicisme du cinéma.
Mais au final c’est bien la pédophilie qui est dénoncée au cœur d’une Eglise qui se moque éperdument des « mots » qu’elle défend. Avec, lors d’un générique fin, une piqûre de rappel de ce désastre qui n’a pas de frontières physiques, et encore moins moral.
Et puis sans aucun effet tape à l’œil dans un minimalisme total de mise en scène, de musique, de montage, ressort en haut lieu l’interprétation de l’intégralité d’un casting qui semble être habité par le rôle à jouer dans chaque interprétation. Une sorte de cinéma vérité s’en dégage, un cinéma classique, solide et percutant. Si Tom McCarthy est donc un très bon directeur d’acteurs, il semble également maîtriser une mise en scène avec les codes classiques d’un cinéma qu’on aime voir et revoir. Au final, au-delà de la forme, le film s’avère nécessaire tant sur ce qu’il dénonce que par le regard qu’il porte sur le journalisme. Spotlight en refusant le spectaculaire pour viser le réalisme et l’authenticité touche autant sur le plan émotionnel que formel. Fort et parfait.