Patriote idéaliste et enthousiaste, le jeune Edward Snowden semble réaliser son rêve quand il rejoint les équipes de la CIA puis de la NSA. Il découvre alors au cœur des Services de Renseignements américains l’ampleur insoupçonnée de la cyber-surveillance. Violant la Constitution, soutenue par de grandes entreprises, la NSA collecte des montagnes de données et piste toutes les formes de télécommunications à un niveau planétaire.
Choqué par cette intrusion systématique dans nos vies privées, Snowden décide de rassembler des preuves et de tout divulguer. Devenu lanceur d’alerte, il sacrifiera sa liberté et sa vie privée.
En juin 2013, deux journalistes prennent le risque de le rencontrer dans une chambre d’hôtel à Hong Kong. Une course contre la montre s’engage pour analyser les preuves irréfutables présentées par Snowden avant leur publication.
Les révélations qui vont être faites dans cette pièce seront au cœur du plus grand scandale d’espionnage de l’histoire des États-Unis.
Avis de Manu
Pour qui connaît les dessous de l’affaire Snowden, l’évidence semble s’imposer d’elle-même quant à la paternité d’un biopic réalisé (et écrit) par Oliver Stone. Le réalisateur moins en forme depuis le début des années 2000 ; W, World Trade Center, Wall Street : l’argent de ne dort jamais ne rendaient pas justice, ni ne mettaient en valeur le travail d’un des metteurs en scène les plus talentueux de la fin des années 80 et 90. Seul Alexandre semblait devoir être réévalué dans sa version director’s cut.
On y croyait toujours un peu, mais son retour semblait de plus en plus se figer comme une ombre lointaine. Snowden semblait donc au premier abord le sujet évident dans les mains du plus sarcastique et piquant des réalisateurs américains. Sa liberté de ton en a fait un metteur en scène utile et nécessaire du 7ème art. Les héros de Stone ne sont pas de cape et de collants. Cela a toujours été les citoyens américains (principalement) qui luttaient contre un système, pourfendeurs d’une bonne conscience made in USA.
Comme souvent chez Stone, le casting étoilé a toujours son importance, autant de par la composition de ce dernier que par le rôle principal régulièrement tenu par un comédien, doué et charismatique. Comme le mimétisme de Val Kilmer dans The Doors, d’Anthony Hopkins dans Nixon, Joseph Gordon-Levitt endosse parfaitement le rôle d’Edward Snowden. C’est ce qui marque en premier lieu. Pour qui a pu voir Citizenfour (excellent documentaire oscarisé sur l’affaire Snowden), dès les premiers plans, Joseph Gordon-Levitt embrasse son rôle d’un accord majeur. Voix identique, mimiques, gestes, tenue et façon de s’exprimer, nous bluffent. Tout semble être réuni pour faire de Snowden le film attendu.
L’intelligence de Stone est d’avoir voulu rendre immédiatement accessible cette affaire aux contours parfois complexes. Aussi il ne s’embarrasse pas d’instants de vie à rallonge pour ce qui n’est en rien un biopic (uniquement centré sur l’affaire et les années post scandale) et réussit de manière très explicite à mettre son personnage dans un contexte limpide (malgré certaines séquences purement inventées pour le bon déroulement de la fiction). Et l’idée majeure du film, basée sur la vraie relation de Snowden et Lindsay Mills (brillamment interprété par Shailene Woodley), est certainement d’avoir fait de son personnage un citoyen américain lambda, l’humaniser et le confronter à ses convictions politiques et ce au sein même de son couple, discret fil conducteur de ce combat pour la liberté. A l’instar de Ron Kovic dans Né un 4 juillet, Snowden est la réplique 2.0 de ce soldat tombé au combat, déchu par ses rêves d’un idéal faussé par des mensonges d’état. Oliver Stone ne se répète pas mais redevient le cinéaste que nous avons connu et tant apprécié. Il ne dénonce pas mais démontre, ne prouve rien mais fournit les armes pour comprendre et éveiller les moins informés. Objecteur de conscience d’une politique libérale et capitaliste, le metteur en scène réalise avec saveur un film nécessaire pour comprendre les dessous d’une affaire majeure dans l’atteinte à nos libertés. Moins rentre dedans que par le passé, en témoignent la subtilité et la finesse injectées dans son film dont le fil rouge serait la relation sentimentale du couple Snowden-Mills, pierre angulaire du film pour démontrer le sacrifice que son héros a dû faire.
Brillant le film l’est assurément, bien que peu spectaculaire (heureusement), le concentré délivré ici est bien plus subtil, sans pour autant réduire la complexité des évènements qui ont amené Snowden à devenir la figure d’une certaine liberté de toute une génération, d’une époque.
Et, afin de donner un impact majeur à son récit, une dernière surprise s’offre au spectateur afin de lui rappeler que ces deux heures de fiction sont proches d’une réalité qui nous concerne tous. Et si le «…je n’ai rien à cacher… » de Lindsay Mills nous renvoie directement à un raccourci de pensée qu’il faudrait mieux éviter, en simplement quelques mots, Oliver Stone confronte intelligemment le spectateur à son propre statut de citoyen, à la subjectivité de sa pensée, de sa conscience, et semble être définitivement de retour.