Lorsque, à l’occasion du mariage de sa soeur Rachel, Kym revient dans la maison de son enfance, elle replonge aussitôt dans une longue tradition familiale de crises et de conflits. Alors que s’annonce un week-end de fête, Kym, avec son esprit acéré et son don pour sortir les cadavres des placards, va faire exploser les faux-semblants pour enfin révéler au grand jour tout ce qui mine sa famille depuis si longtemps…
L’avis de Fabien
Scénarisé par la fille du grand Sidney Lumet, Jenny Lumet, Rachel se marie (Rachel getting married) marque le retour inspiré derrière la caméra du réalisateur du Silence des agneaux Jonathan Demme après une décennie à alterner remake dispensables (La vérité sur Charlie/2003, Un crime dans la tête/2004) et documentaires sur Neil Young (2006 & 2009) et Jean Dominique, un journaliste haïtien militant pour les droits de l’Homme et créateur de la station de radio libre Radio Haïti.
Reprenant le format choisi pour son documentaire sur Jimmy Carter (Jimmy Carter man from plains/2007), Demme a tourné son nouveau film en vidéo sur le principe du Dogme fixé par Lars Von Trier.
Dans cette recherche d’authenticité le réalisateur a recruté des amis pour composer les invités au mariage (le réalisateur Roger Corman qui l’a fait débuter entre autres) comme a fait jouer de la musique live sur le plateau où le chanteur du groupe TV on the radio Tunde Adebimpe interprète le personnage du marié Sidney face aux actrices Anne Hathaway et Debra Winger.
Ne vous fiez pas au titre Rachel se marie n’est pas une énième comédie romantique où est testée la solidité des sentiments des futurs mariés mais un drame familial centré sur la relation compliquée entre deux soeurs, mélange de jalousie, de reproches et d’affection.
Cette chronique familiale douce-amère a pour héroïne le personnage de Anne Hathaway, une ex-mannequin qui sort de cure de désintoxication pour assister au mariage de sa soeur aînée la Rachel du titre. Emotionnellement instable et imprévisible, la soeur cadette est l’élément perturbateur de cette réunion de famille où plages de bonheur et de rires alternent avec des moments de crises et de pleurs.
D’un côté le personnage de Rachel n’aspire rien de tel qu’au bonheur et à la joie d’un tel évènement quand sa soeur, porteuse d’un lourd passé, cherche le pardon et l’écoute pour échapper à une spirale auto-destructrice. Si son père et sa soeur cachent leurs douleurs et leurs blessures occasionnées par la perte d’un membre de la famille Kim a besoin de l’extérioriser pour exorciser ses démons qui la rongent depuis de nombreuses années.
Incarnée magnifiquement par Anne Hathaway qui prouve qu’elle est autre chose qu’un charmant minois vu dans Le diable s’habille en Prada et Max la menace (nomination aux derniers oscars amplement justifiée), Kim déroute tout d’abord par la complexité de son comportement qui va de la manipulation à l’affection pour s’avérer très attachant au fil de cette réunion familiale chaotique qui est en fait un retour à la vie. Car Kim ne cherche qu’en fait à faire la paix avec elle même en se faisant pardonner par les siens.
Si l’ambiance est souvent électrique l’idée de convivialité et de festivité n’est pas absente de cet événement familial.
Le réalisateur Jonathan Demme intercale en effet entre des moments cruels (la dispute avec la mère) ou des confessions bouleversantes de purs moments de comédie comme le concours minuté de remplissage de lave-vaiselle (séquence inspirée à la scénariste par l’affrontement amusé entre son père et le réalisateur Bob Fosse) ou de liesse familiale avec la party post mariage.
Sa caméra à l’affût de la moindre larme comme sourire enregistre sans effets l’émotion qui va crescendo : les sentiments exprimés par ces personnages complexes superbement interprétés sonnent vrais et sont accompagnés idéalement par une musique jouée live sur le plateau.
Demme peaufine une ambiance réaliste en jouant sur la durée d’une séquence (les toasts aux mariées) et en capturant sur le vif les réactions des convives.
Filmé en liberté, Rachel se marie est un beau film intimiste pas loin d’accomplir (petit problème de rythme avec un bon quart d’heure lassant par l’accumulation de remerciements et autres discours laudatifs) les ambitions de Demme et du directeur de la photo Declan Quinn d’être » la plus belle vidéo amateur jamais filmée « , comme si elle avait été tournée avec une caméra numérique par un ami, ou même par le fantôme d’un personnage dont la mort hante cette famille ».