Dans un garage de banlieue, quatre ingénieurs passent leur temps libre à travailler sur des brevets qu’ils espèrent commercialiser pour leur propre compte. Deux d’entre eux, Abe et Aaron, développent en secret une machine capable de réduire la masse des objets. Ils vont alors découvrir une capacité inattendue de ce qu’ils appellent « la boîte ». L’échelle temporelle ne serait pas la même à l’intérieur et à l’extérieur. Ils s’empressent d’en construire un modèle suffisamment grand pour en expérimenter les effets sur eux-mêmes. Il leur suffirait, ont-ils calculé, de « reculer » chaque jour de quelques heures pour manipuler leurs placements boursiers selon les données déjà publiées avant l’expérience. Très vite, ils se sentiront dépassés par ce qui leur arrive.
L’avis de Krismery :
Un jour, cent fins.
Avec son statut d’ingénieur et son diplôme universitaire en mathématique, Shane Carruth est davantage un scientifique qu’un réalisateur. Toutefois, lorsqu’il présente son premier long métrage Pimer, il fait très rapidement parler de lui au festival Sundance.
A l’instar de films tels que The following (Christopher Nolan) ou El mariachi (Roberto Rodriguez), le faible budget bride forcément les possibilités et n’empêche pas un rendu bricolé. Néanmoins, l’absence d’effets spéciaux et l’interprétation parfois approximative n’amoindrissent pas l’effet, car en plus d’une esthétique soignée et d’un travail méticuleux sur la photographie, les filtres et les cadrages, il propose principalement une analyse pertinente du voyage dans le temps.
L’histoire débute sur les travaux d’Aaron (référence à la Bible) et son amis Abe, qui tentent d’inventer une machine réduisant la masse des objets et qui s’aperçoivent progressivement lors des tests, qu’elle possède une autre capacité, celle de se projeter dans le passé.
Le récit se décompose en trois parties bien distinctes, et passe progressivement du pseudo documentaire au thriller labyrinthique. Cela débute avec la conception, chapitre complexe tant il est chargé de dialogues très techniques que les protagonistes alignent vivement laissant supposer que l’auteur n’hésite pas à lâcher les spectateurs profanes ou insensibles à cette forme de dialogue. Mais ce qui parait être un étalage vaniteux de culture est surtout une épreuve, sévère mais habile forçant le spectateur à la vigilance et la concentration, pour mieux appréhender le calcul et le caractère des personnages lors des interactions. Après une exposition dûment complétée et la création de l’objet divin, on glisse vers une réflexion philosophique sur les immenses possibilités qu’il offre.
Contrairement à d’autres films à la même thématique (la saga Retour vers le Futur), La narration de Primer s’interdit la redite et élude le montage explicatif, préférant nous perdre dans ce récit aux multiples boucles, pour mieux nous imprégner du trouble qu’elles provoquent tout en évoquant le pouvoir que confère l’objet. Une causalité problématique dont les conséquences contre nature et paradoxogènes finissent par l’imposer progressivement comme principal sujet, ce qui nous amène à la conclusion, livrée en morceaux, tel un puzzle à reconstituer et qui reflète clairement les interrogations d’un Aaron (donc Shane), partagé entre ses ambitions et sa morale.
Si l’auteur demande de l’investissement pour apprécier son œuvre, c’est qu’il la considère suffisamment sincère et profonde, pour ne pas devoir s’attarder sur son accessibilité. On ressort tout de même grandi de cette errance, conscient d’avoir apprécié une œuvre aussi irritante que fascinante et au moins convaincu d’une chose, on n’a pas perdu notre temps.