Synopsis : Pierre Perdrix vit des jours agités depuis l’irruption dans son existence de l’insaisissable Juliette Webb. Comme une tornade, elle va semer le désir et le désordre dans son univers et celui de sa famille, obligeant chacun à redéfinir ses frontières, et à se mettre enfin à vivre.
L’avis de Quentin :
Perdrix est le premier long-métrage de Erwan Le Duc. Néanmoins, il n’en est pas à son coup d’essai, le cinéaste français c’était déjà fait remarquer avec un drame, Le Soldat Vierge en 2016 à La Semaine De La Critique. Pour son nouveau film, le réalisateur décide de renouer avec la comédie et de développer le potentiel fascinant de son court-métrage Le Commissaire Perdrix Ne Fait Pas Le Voyage Pour Rien. On revient dans le petit village paisible où le commissaire de gendarmerie Perdrix, joué par Swann Arlaud, effectue ses fonctions. Au milieu de ce calme assourdissant fait l’irruption de Juliette Webb, interprétée par Maud Wyler, se faisant voler sa voiture par un nudiste révolutionnaire. Cette dernière, personne insaisissable, va remettre de l’ordre dans cette ville endormie et aveuglée par son quotidien morne et sans saveur.
Le réalisateur français dynamite de cette manière toutes les valeurs de la nation de la famille, à la gendarmerie jusqu’à l’histoire du pays. L’actrice principale ne recule face à rien et parfait la mise en scène à chacune de ses interventions. Swann Arlau, quant à lui, est la pièce maîtresse du film, la clé qui parviendra à réveiller la ville, à la seule et unique condition qu’il se recentre au cœur de son existence et qu’il ne vive plus pour l’entièreté des individus qu’il côtoie. Une reconstruction à la fois humaine et amoureuse débute, nous guidant à la fois entre douceur, âpreté, euphorie et réalité.
Ainsi, le cinéaste va jouer sur de nombreux concepts et faire en sorte de confronter la perception des uns et des autres pour proposer une définition nouvelle. Il traitera de cette manière les notions de famille, d’amour, de solitude, ou bien d’amitié. Il fera ainsi s’affronter l’isolement et la solitude, l’isolement étant une mise à l’écart par un un groupe là où la solitude est la volonté de s’éloigner d’autres individus. A force de mêler, d’embrasser les mots, les analyses de ses personnages, Perdrix parvient à créer son propre vocabulaire, un véritable tour de magie dans le triste monde de la comédie française.
Il dresse le portrait d’une famille dépassée par son existence, se reposant entièrement sur Perdrix, fils ,frère et oncle de la famille. On y découvre une Fanny Ardant, mère, prisonnière de la perte de son mari, trouvant son réconfort dans sa famille et donnant l’amour charnel qu’elle ne peut plus donner à son défunt mari à ses multiples amants. Un personnage qui fascine et appuie sur l’importance d’aimer ainsi que d’être aimé pour l’être humain. De plus, on retrouve Nicolas Maury, qui ne cesse de s’imposer comme un acteur important dans le paysage cinématographique français, dans le rôle d’un père ne comprenant plus réellement les tenants et les aboutissants de son existence, ne sachant comment développer sa relation avec sa fille, s’en remettant toujours à son frère, Perdrix. Une famille que nous ne sommes pas prêts d’oublier à ranger aux côtés de celles de La Famille Tenenbaum et Little Miss Sunshine.
L’arrivée de l’actrice principale ne consiste qu’à donner un léger petit coup de pouce à Perdrix, pour qu’il puisse reprendre le contrôle de sa vie et engendrer un effet boule de neige à travers toute la ville afin de dynamiser et insuffler de la vie à Plombières-Les-Bains. Les non-dits qui ont paralysé la bourgade durant de nombreuses décennies commencent à surgir, blessant tout d’abord pour ensuite ressusciter les êtres à travers le burlesque, l’absurde ou bien le comique de situation. Un mélange prodigieux qui parvient à déjouer tous les pièges du genre, ne faisant aucun faux pas et nous émerveillant constamment, rappelant le caractère simple et pourtant merveilleux d’un cinéma plein d’humour et de tendresse.
Ce premier effort d’Erwan Le Duc, en tant que réalisateur, donne un nouvel espoir pour la comédie française lui apportant à nouveau ses lettres de noblesse. Désormais, avec Erwan Le Duc aux côtés de cinéastes tels que Antonin Peretjatko (La Loi De La Jungle, La Fille Du 14 Juillet) ou encore Bruno Dumont (Ma Loute, P’tit Quinquin) nous pouvons demeurer confiant envers l’avenir et oublier la médiocrité des comédies françaises de ses quinze dernières années.
Perdrix est une très belle comédie se servant du drame quotidien pour nous révéler la beauté et la joie que peut nous procurer la vie, en nous couvrant d’humour. Il est de ces films qui permettent de relativiser sur nos existences. De cette manière, le réalisateur français nous prend par la main et nous donne sa vision du monde, pour nous réconcilier avec cette dernière. Un enchantement.