L’avis de Margaux :
C’est en 1974 que Tobe Hooper sortait le grand et inoubliable Massacre à la Tronçonneuse, véritable monument du cinéma. Difficile d’oublier cette expérience, c’est donc 12 ans plus tard que le cinéaste réalise le second volet. Produit par la Cannon (société de production ayant connu ses heures de gloires dans les années 80), Hooper a carte blanche pour faire ce nouvel opus. Cependant, et malgré quelques contraintes budgétaires, il parvient à signer un film tout aussi unique que déjanté.
Tobe Hooper décide, pour cette suite, de partir dans une toute autre direction. En effet, dans le premier volet, la violence tellement palpable n’était pas représentée par des effets gores mais plutôt par une mise en scène viscérale et une atmosphère dérangeante. Dans Massacre à la Tronçonneuse 2, le réalisateur fait le choix presque inverse, et ne lésine pas sur le sanglant. Les effets spéciaux signés Tom Savini sont particulièrement réussis. Le ton n’est effectivement plus tout à fait le même, le spectateur embarque dans une expérience comique et grand guignolesque. Malgré cette volonté il n’en est pas moins dérangeant à la vision. C’est le cas de la scène où la jeune Stretch, ligotée dans le sous-sol de la famille Leatherface, se retrouve à porter, tel un masque de carnaval, la peau fraîchement découpée de son collègue de travail. L’absurdité de cette scène et la violence qu’elle suscite génère une atmosphère sordide où l’on hésite clairement entre le rire et le dégoût.
Les personnages sont encore une fois très charismatiques (si l’on peut dire ça…). Chop-Top, incarné par Bill Moseley, joue le frère de Leatherface ancien combattant du Vietnam touché au crane dont une plaque métallique vient combler le trou de la blessure. Dennis Hopper vient s’ajouter au casting et incarne le lieutenant Lefty, venu pour venger des membres de sa famille sauvagement tués dans le premier volet. Son sérieux à retrouver les coupables se transforme petit à petit en une folie destructrice. A la fin du film, il parvient à retrouver la planque de la famille, sorte de parc d’attraction souterrain désaffecté. Il se pare d’une paire de tronçonneuses, soigneusement testées dans un magasin de bricolage, et se jette déterminé dans l’antre du mal pour en finir une bonne fois pour toute.
Tobe Hooper va jusqu’à reproduire la scène du repas du premier volet avec la jeune Stretch. Le grand père est de retour et tente à nouveau d’assommer la jeune femme à coup de marteau. La comparaison est inévitable et le ton décalé ne permet pas d’atteindre le degré de malaise de la séquence initiale. Le film finit sur les cris incessants de la jeune victime noyés dans un brouhaha de tronçonneuse, la séquence un peu trop hystérique s’étire jusqu’à n’en plus finir. Ce bémol ne gâche cependant pas le plaisir de retrouver cette charmante famille.
Le film a certainement dû marquer quelques générations de cinéastes, on pense évidemment au cinéma de Rob Zombie dans lequel on retrouve de nombreuses similitudes : le décor de fête foraine de La maison des 1000 morts, le visage arraché pour ensuite être porter en masque dans la suite The Devil’s Rejects ainsi que son personnage de flic fou habité par la seule idée de se venger d’une famille de dégénérés. Bill Moseley est d’ailleurs présent au casting de ces deux films jouant, étrangement, l’un des membres de cette famille de bourreaux.
Le symbole d’une société malade dans l’Amérique des années 70 que proposait le premier volet est encore bien présent. C’est ce que montrent toutes ces figures, comme par exemple le traumatisme évident de la guerre du Vietnam incarné par le personnage de Chop-Top. Hooper choisit, pour cette fois, une autre manière de le mettre en scène, foncièrement plus comique qu’il était prévu pour le premier film.
En résumé Massacre à la Tronçonneuse 2 est un film déjanté, avec ses séquences parfois même jubilatoire, à condition bien sûr de ne pas le comparer à son prédécesseur. La nouvelle version qu’offre le Chat qui fume permet de redécouvrir, dans de superbes conditions, un film fou et hystérique à l’humour noir bien assumé.
L’avis de Quentin :
Massacre à la tronçonneuse, film culte, tout autant de par son titre que de de par sa réputation. La bande-annonce d’époque clamait haut et fort : « Quand vous aurez fini de crier, vous en parlerez ». Véritable œuvre charnière du cinéma du genre moderne, le long métrage de Tobe Hooper de 1974 aura su marquer les esprits ainsi que les générations s’imposant décennie après décennie comme l’antre du mal.
Un film à la fois redoutable, violent, suant, crasseux qui laissait en grande partie le cauchemar s’intensifier au travers de l’art de la suggestion. Le long-métrage aura mis cinq ans à dépasser la censure pour arriver dans nos salons français en 1979 chez René Chateau.
Plusieurs années plus tard, le mal avait fait son chemin au travers des rayons des vidéo clubs, Leatherface désormais comme égérie du mal.
Il n’en fallut pas plus pour que les studios ne se penchent sur une suite. Le statut de mythe, imposé par le premier opus, avait su prévoir le terrain pour un nouveau film sur la famille Sawyer.
Après de nombreux retards et pertes de réalisateur, Tobe Hooper passe de nouveau la casquette de réalisateur.
En 1986, le boogeyman texan est de retour dans les salles obscures avec un film qui aujourd’hui divise encore, dans les rangs des fanatiques de Leatherface.
Après de nombreuses sorties à la fois en VHS, puis en DVD, l’oeuvre de Hooper revient d’entre les morts avec une toute nouvelle édition remasterisée tout droit sortie de la grange, du désormais incontournable Le Chat Qui Fume.
13 ans après le premier Massacre à la tronçonneuse et son Texas suintant de toutes parts, nous retrouvons la famille Sawyer. La première chose qui nous saute aux yeux dès la première scène : la famille a bien grandi sur l’échelle du macabre mais également du grotesque.
Nous quittons l’époque du Flower Power, des hordes de hippies écervelés pour trouver une Amérique violente, qui ne doute plus de sa violence, de sa radicalité ainsi que de sa surenchère.
Tobe Hooper ose et ne recule désormais devant rien. Le gore, l’horreur n’a plus de limites. Il troque l’épouvante, le glauque par le macabre et l’ultraviolence. Il échange le premier degré par le burlesque, le caricatural.
Les personnages représentent différentes facettes des Etats-Unis des années 80 avec ironie mais aussi brio.
On retrouve une héroïne prenant le contre-pied face à celle du premier épisode. Désormais, la proie quitte son rôle de victime, de bête apeurée et préfère prendre son destin en main quitte à devoir traquer et prendre les armes pour terrasser le mal. Caroline Williams remplit ainsi un rôle de femme forte et indépendante réussi qui la vaudra le prix de la meilleure actrice au festival international du film de Catalogne.
Face à elle, le célèbre Dennis Hopper porte le chapeau du ranger texan en quête de vengeance. Un homme qui, comme il le dit, « a dépassé la peur » et peut être le seul pour affronter l’abominable famille Sawyer. Il réussit à interpréter ce rôle de gros bras ne reculant face à rien. Hooper interprète une Amérique patriarcale et désarçonnée face à une nation qui leur échappe, trouvant refuge dans l’alcool et les armes. Son personnage de ranger alcoolique apporte une dimension comique au film, avec de nombreux moments d’anthologie à la clé tel qu’un combat de tronçonneuse contre notre tueur préféré Leatherface.
La famille Sawyer quant à elle a bien grandi.
Leatherface n’est plus ce monstre enfantin, il a intellectuellement évolué, il n’est plus dans la peur et la répression du patriarche. Il écoute désormais son cœur. Il quitte l’enfance et se dirige vers l’âge adolescent et les tiraillements entre à la fois les hormones mais aussi la famille. L’amour s’est emparé de la bête. Ne vivrions-nous pas une réinterprétation bouffonne de La Belle Et La Bête ?
En ce qui concerne le frère de la famille, il s’agit du seule membre de la famille n’ayant pas vraiment évolué. A l’exception qu’il se vêtit désormais à la mode Flower Power, totalement dépassée , qu’il a dû voler sur la dépouille de ses victimes, du premier film. Cette petite attention dénote l’intention de Hooper de nous montrer que malgré la volonté d’adaptabilité de la famille à son époque, ils seront toujours en retard d’une décennie, lançant ainsi un coup de projecteur direct sur la communauté redneck. Nous recroiserons Bill Moseley quelques années plus chez Rob Zombie quelques années.
Le père de famille, est également de retour, sous les traits de Jim Siedow; son personnage est traité dans la continuité du premier film, l’homme préparant de nombreuses charcuteries les vendant dans sa station service. Désormais, il est devenu détenteur du meilleur Chili de tout le Texas et nourrit la douce Amérique de ses propres concitoyens. Le traitement amer de l’industrie alimentaire américaine y est ici cinglante.
Enfin, nous retrouvons l’emblématique figure du grand-père instituant la rigueur et inaltérabilité des valeurs familiales.
Massacre à la tronçonneuse 2 est en quelques sortes un bonbon acidulé que l’on prend plaisir à voir mais qui pourra lasser de par son hyperactivité mais également de par son humour qui parfois trop potache peut faire décrocher le spectateur de ce spectacle macabre.
Cependant, ce second opus dirigé par Tobe Hooper a réussi à la fois à concevoir une nouvelle mythologie du cinéma d’horreur à travers une Amérique dégénérée, dérangée qui a su trouver sa glaise dans le 2000 Maniacs de Herschell Gordon Lewis et perdure encore aujourd’hui à travers l’imagerie des œuvres de Rob Zombie (La maison des 1000 morts, 31).
De plus il s’intègre parfaitement dans son époque de la fin des années 80 et l’âge d’or du cinéma gore burlesque aux côtés des biens nommés Re-Animator, Braindead, Street Trash ou encore Basket Case.
En cela, Massacre à la tronçonneuse 2 est une œuvre imparfaite, bâtarde, surprenante, envoûtante, parfois ridicule qui aura réussi à créer des moments d’anthologie du cinéma d’horreur. Le film nous porte au-delà de l’oeuvre originale ne reprenant que les personnages emblématiques, déstructurant la mythologie du premier film pour la réinventer. Cette démarche, si rare dans la monotonie du cinéma d’horreur, est à saluer !
Analyses caractéristiques de l’édition Bluray/DVD :
Le combo Bluray / DVD proposé par Le Chat Qui Fume nous est livré dans une somptueuse édition digipack 3 volets avec un étui cartonné comme à leur habitude.
On pourra y retrouver le film en version Bluray, le film en version DVD et enfin un disque DVD avec de nombreux bonus.
Image 4/5 :
La master présent sur le Bluray est de très bonne facture offrant des couleurs resplendissantes et éclatantes. Les visages des personnages sont particulièrement bien détaillés et retranscris faisant oublier les précédentes éditions du film, lui rendant enfin hommage.
Le grain du film a également été conservé offrant une dimension bis particulièrement agréable.
Il ne nous reste plus qu’à réclamer les volets 3 et 4 dans les mêmes conditions !
Son 4/5 :
Le film est proposé en Anglais 2.0 / Français 2.0 / Français 1.0 en DTS-HD MA (BLURAY) et Dolby Digital AC3 (DVD) avec un super rendu.
On pourra reconnaître au Chat Qui Fume la volonté de ne pas faire apparaître une version 5.1 retravaillé des années plus tard préférant se tourner vers un 2.0 d’origine autant en VF qu’en VO. Cette décision allant dans le sens d’un éditeur de niche cherchant à offrir les conditions optimales à un public de passionnés, de puristes !
Bonus 5/5 :
Comme à son habitude, Le Chat Qui Fume propose des éditions chargées en bonus nous permettant à la fois de répondre aux questions de l’œuvre qui vient d’être visionnée, mais pas seulement, ces derniers permettent bien souvent de posséder pleinement le film, le maîtriser dans sa compréhension ainsi que dans ses finalités.
Pour cette édition, on nous propose deux commentaires audio distincts judicieux avec d’un côté le commentaire audio de Tobe Hooper et de l’autre ceux de Caroline Williams, Bill Moseley et Tom Savini.
Cette présentation bipartite des commentaires audio est appréciable permettant de séparer l’avis du créateur de l’œuvre de celui des interprètes.
De plus, le fait d’ajouter Tom Savini aux commentaires nous donne une vraie profondeur à la discussion. Le bonhomme ayant officié sur les effets spéciaux de films cultes tels que Evil Dead 2 ou encore Phantasm 2.
De plus, Le Chat a su nous proposer 3 documentaires avec :
- Le documentaire « C’est De Famille » déjà présent sur la sortie de Arrow Films est un apport sympathique à l’appréciation du film incorporant de nombreux témoignages de l’équipe du film.
- « La maison de la douleur ».
- « Le Texas De Tobe de Julien Sévéon », un bonus exclusif à l’édition française proposé par Le Chat Qui Fume où tout un chacun pourra trouver des pistes de compréhension pour percer les mystères du cinéma de Tobe Hooper et de son cinéma texan.
Il nous est également proposé 11 minutes 30 de scènes inédites.
Enfin, comme dans chaque édition de Le Chat Qui Fume, il nous est proposé la bande annonce d’origine du film.
Petite surprise pour les aficionados de l’éditeur, les films annonces des deux prochaines sorties pour le 1er trimestre 2019 avec La Saignée et La Rose Écorchée de Claude Mulot !
Pour conclure l’éditeur parisien nous offre un film culte dans des conditions optimales, autant sur le plan visuel que sonore et nous gâte de bonus d’exceptions. Certainement la plus belle édition, qu’il puisse exister, de ce film dégénéré sentant fort l’Amérique de Trump.