L’avis de NicoH :
Si l’on a souvent parlé des mauvais traitements infligés à Batman avant que Christopher Nolan ne le récupère pour le résultat que l’on sait, son confrère Superman restait lui désespérément en retrait. Se remémorant sa gloire passée sous les traits de Christopher Reeve ou, dans une moindre mesure, Dean Cain (Tom Welling n’ayant jamais enfilé le costume), il attendant patiemment qu’on vienne le chercher et le hisser à la hauteur du Chevalier Noir. L’heure est-elle arrivée ?
Malheureusement non. Ca coupe un peu le suspense, n’est-ce pas ? Mais malgré des atouts évidents ici et là, c’est avec tristesse qu’on est forcé d’admettre que Zack Snyder et Christopher Nolan, respectivement réalisateur et producteur, ont quelque peu manqué le coche.
Pourtant, tout part sous les meilleurs sous le soleil de Metropolis, Smallville et Krypton (reboot oblige, la jeunesse de Clark Kent et le destin de sa planète sont également au programme). A commencer par les acteurs. Henry Cavill surtout, le bougre portant à merveille le slip rouge le costume bleu, et incarnant parfaitement l’Homme de Fer, secondé par des acteurs qui lui tiennent la dragée haute (Michael Shannon, Russel Crowe, Christopher Meloni…). Amy Adams, elle, assure son job, mais force est d’admettre que sa Loïs Lane manque d’épaisseur (la faute aux scénaristes, non à l’actrice).
Côté grand spectacle également, le contrat est bien rempli. Le film a bénéficié d’un budget conséquent qui se voit à chaque instant à l’écran. De la nouvelle version de Krypton (étonnant mélange de Matrix et Avatar) jusqu’à la destruction massive de Metropolis (vlà le spoiler de ouf !), on en prend vraiment plein les mirettes.
Alors pourquoi la mayonnaise ne prend-elle pas ? Question de rythme, avant tout. Ce reboot a beau dépasser les deux heures, le scénario manque cruellement de rythme et de véritables grands moments dans son déroulement, au point que les scènes de grand spectacle tombent régulièrement à plat, provoquant même parfois l’ennui. Oui, l’ennui ! Dans un Superman ! En même temps, quand on se permet de foirer la scène de l’apparition du costume si symbolique, c’est vraiment qu’il y a un problème… Quant à l’intrigue, elle finit par franchement faire sourire, au même titre que le duel final qui semble tout droit sorti de Matrix Révolutions.
Un reboot qui ne mettra pas tout le monde d’accord, c’est un fait (cette critique non plus, par conséquent). Mais qu’on y adhère ou non, il est indéniable que ce nouveau Superman n’atteint pas la maestria de Batman, ni même de réussites comme les débuts des X-Men, Iron Man ou Spider-man (pas l’Amazing, celui de Raimi !). La faute à l’absence d’un véritable souffle dramatique et super-héroïque que l’on était en droit d’attendre d’une pareille Dream Team (Nolan et Snyder, quoi !), malgré toute les difficultés d’adaptation que le personnage représente. Maintenant, soyons francs, le film n’est pas non plus mauvais, et devrait satisfaire les spectateurs les moins exigeants. Quant aux autres, ils se consoleront en se disant que Superman Returns n’était finalement pas si mauvais, que l’Homme de Fer est juste un peu rouillé et que le deuxième volet saura rectifier le tir. On l’espère sincèrement, en tout cas.
L’avis de Manu Yvernault :
Depuis de nombreuses années, le problème des blockbusters est qu’ils nourrissent une attente qui sera un facteur indéniable dans l’avis que le public s’en fera par la suite. Une attente moyenne sur un film qui remplit son contrat pourra donner un film « plutôt efficace » alors qu’une attente poussée sur un film « moyen » rendra une copie de très faible qualité de l’avis général.
Man of Steel partait avec de nombreuses attentes. Nouveau reboot après l’échec du précédent Superman de Bryan Singer, Christopher Nolan à la production, Zack Snyder derrière la caméra et casting très solide. S’il convient de souligner certaines faiblesses du film, l’attente mise de côté donc, et s’il ne remplit pas pleinement son contrat, Man of Steel s’avère un divertissement bien au-dessus de la moyenne, mise en scène par Zack Snyder qui commence à prendre une vraie maturité cinématographique.
Premier point novateur, la psychologie du personnage : si les doutes du super héros n’ont pas été mis de côté, les questionnements perpétuels, figure même du sens de la vie de Superman, sont ici traités de manière épurée, directe et assez mâture. Christopher Nolan et David S. Goyer ont heureusement bien compris qu’on ne peut plus s’attarder longuement comme dans le premier opus de Richard Donner ou le dernier de Bryan Singer, sur la place de Superman sur Terre. Ce changement est présent, essentiel au personnage, mais épuré et fouillé dans le meilleur des sens. Ensuite, la bonne idée d’introduire le film par l’explication de la présence de Superman sur notre planète et son rôle de demi-dieu, devient un fait notable du récit. On rend organique, physiologique, les forces internes et externes du héros. Ce qui a pour effet direct de rendre plus lisible et compréhensible tout un pan de l’histoire.
Si on pouvait être enchanté de voir Zack Snyder à la tête de cette nouvelle adaptation, on pouvait également émettre une réserve quant à la propension du réalisateur à faire de la surenchère dans la destruction massive. Heureusement, nous sommes très vite surpris par les séquences dites émotionnelles où le savoir faire du cinéaste prend place.
Soutenu lors de ces effervescences affectives par un casting de très grande qualité, Kevin Costner en tête (mais hélas pas assez présent) et Russel Crowe dans les rôles des pères d’adoption et biologique sont d’une justesse touchante.
C’est un des paris réussit par ce reboot, rendre crédible et émotionnelle une histoire dont chacun connaît déjà les ressorts. On peut aussi lire le penchant biologique inscrit dans cette version. Le rapport à l’origine, le « vrai » père serait un père biologique ou adoptif ? L’origine des pouvoirs ? encore biologique. Tout ceci pour ancrer le film de super héros dans une réalité plus imprégnée.
Si ce n’est pas une révolution, une qualité d’écriture s’en ressent, peut-être cependant au dépend d’une cohésion narrative, car certaines ellipses marquent une coupure nette dans le rythme du film.
Mais la force de Man of Steel doit être avant tout de plaire au plus grand nombre par le côté spectaculaire de son action. C’est ici que le talent déjà consommé de Zack Snyder rentre en scène, des premières minutes sur Krypton, véritable réussite de scènes d’actions, parfaitement réalisées, jusqu’à la dernière demi-heure, d’une fureur destructive comme rarement vu au cinéma, tout est maîtrisé avec soin et plaisir coupable d’abattre des buildings et bâtiments divers sur des kilomètres.
Le reboot de Superman servi dans les grands plats aurait une saveur vraiment plus délicate si l’interprétation de son personnage principal s’était avérée mineure, or, Henry Cavill, mal servi dans Sans Issue et peu convaincant dans Les immortels s’avère parfait dans le rôle ; entre retenue, sérieux, rage et ironie que le personnage demande, afin d’apporter une touche d’humour pour rester en cohésion avec l’esprit du comics. Autour de lui donc, Russel Crowe, juste et grave, Kevin Costner qu’on apprécie de plus en plus revoir, s’ajuste dans un registre émotionnel par son charisme naturel. Amy Adams et Michael Shannon eux, confirment encore une fois tout le bien qu’on pensait d’eux et ajoutent encore un type de jeu à leur panel personnel déjà bien complet.
Si Man of Steel n’est sans doute pas le blockbuster ultime face à l’attente suscitée, il est avant tout un reboot intelligent, précieusement mise en scène par un réalisateur ayant pris de la maturité et un casting, personnage principal en tête, très crédible afin de relancer la franchise.
Si on reste dans la découverte plus que dans l’attente démesurée, ce Superman version « Christopher Nolan » n’a pas la hauteur majestueuse d’un Batman (The Dark Knight) mais s’en approche sur plusieurs points, en emprunte l’esprit et l’émotion tout du moins.