Les derniers mois tumultueux du mandat du 16e Président des États-Unis. Dans une nation déchirée par la guerre civile et secouée par le vent du changement, Abraham Lincoln met tout en œuvre pour résoudre le conflit, unifier le pays et abolir l’esclavage. Cet homme doté d’une détermination et d’un courage moral exceptionnels va devoir faire des choix qui bouleverseront le destin des générations à venir.
L’avis de Fabien:
Génie de l’entertainment, Steven Spielberg a également, au cours de sa prolifique carrière, abordé des sujets graves et des pages dramatiques de l’histoire us, mondiale : le racisme dans La couleur pourpre (1985), la Shoah dans La liste de Shindler (1993), l’esclavagisme dans Amistad (1997) et les conflits mondiaux avec le récent Cheval de guerre (2011) pour la grande guerre, Il faut sauver le soldat Ryan (1998) , l’Empire du soleil (1997) sans oublier ses productions TV, les mini-séries Band of brothers et The pacific pour la seconde guerre mondiale.
Fasciné depuis l’âge de 7 ans par le personnage de Lincoln, Spielberg a utilisé comme base de son biopic un livre biographique sur le 16ème Président des Etats-Unis écrit par Doris Kearns Goodwin, Team of Rivals, découvert par le réalisateur de E.T en 1999. Le récit est concentré sur les 4 derniers mois de la vie d’Abraham Lincoln et son combat pour faire adopter le 13ème amendement, l’abolition de l’esclavage, par la chambre des Représentants.
Avec une profusion de personnages républicains comme démocrates, une succession de débats parlementaires, de tractations politiques et des moments plus reposants dans l’entourage familial du président, Spielberg a pour ambition de mêler le politique et l’intime, de parler de l’homme derrière le mythe. La narration étourdissante de Lincoln détaille par le menu son combat acharné aboutissant à l’adoption de cet amendement qui a changé l’Histoire, le point culminant étant le matin du vote, une séquence riche en émotions fortes menée de main de maître par ce conteur hors pair qu’est Spielberg.
Abondamment dialogué, le film est d’un intérêt croissant par la force des enjeux dramatiques (le 13ème amendement doit être voté avant que la guerre de Sécession s’achève sinon l’abolition de l’esclavage tomberait dans l’oubli), entre la Maison Blanche et la Chambre des représentants, et la prestation majuscule de Daniel Day-Lewis.
S’effaçant derrière ce personnage mythique, l’acteur irlandais traduit avec brio les convictions chevillées au corps lors d’ interventions charismatiques, l’humour de l’orateur qui aimait raconter des histoires à son auditoire médusé mais aussi les douleurs rentrées (le chagrin lié à la perte d’un enfant, les inquiétudes quant au destin de son aîné) d’un homme épuisé à la fin de cette mémorable aventure par l’exercice exigeant du pouvoir. A la fin de ce combat historique, d’une pâleur inquiétante, vieilli prématurément, Lincoln paraît se dissoudre dans l’image terne façonnée par le fidèle chef opérateur Janusz Kaminski. Dans les derniers plans, l’homme qui avait évoqué son souhait de gagner Jérusalem marche vers son destin, l’éternité.
Lincoln est assurément un grand Spielberg, une page essentielle de l’histoire us que l’on suit passionné, médusé par la prestation de l’ immense Daniel Day-Lewis.
L’avis de Manuel Yvernault:
A force d’être identifiable, le cinéma de Steven Spielberg devient avec les années de plus en plus formaté, sinon répétitif. On ne remet pas en cause son génie (passé ?) mais sa capacité à enlever cette notion quasi panthéiste de faire du cinéma. C’est souvent élégant mais terriblement posé, voire de plus en plus académique (E.T et Jaws nous manquent terriblement).
Dans Lincoln, l’appuie et le génie de Daniel Day-Lewis contribuent heureusement à soutenir l’œuvre mais de justesse. Film très loquace qui pose un regard sans contrepartie sur une Amérique qui se voudrait bien pensante, désireuse de se faire pardonner un lourd passé ; filmée par un réalisateur qui oublie parfois de tempérer son sujet dans le but de l’esthétiser. A ce titre, la musique de John Williams, identifiable comme toujours, finit de provoquer les dernières boursoufflures formelles de l’ensemble.
Si Lincoln flirte aisément avec la notion d’œuvre (maîtrisée et plaisante à voir), il ne faut pas en rester à ce simple constat. Le film, bavard parfois, ne prend pas toute la mesure du conflit de cette guerre civile qui a dévasté les Etats-Unis. Certes les principaux faits énoncés s’avèrent véridiques mais beaucoup trop embellis par la mise en scène de Spielberg qui en oublie certains versants qu’il aurait été intéressant de traiter. Là est sans doute l’ambivalence du film. Malgré ses qualités cinématographiques, on peut aisément admettre que n’importe quel réalisateur n’aurait pu rendre un tel hommage au 16ème président des Etats-Unis, il aurait sans doute été bon de mesurer l’envolée de certaines séquences, plus cinématographiques que véridiques sur un plan historique.
Alors Lincoln n’est pas un film mauvais ou trop long, mais simplement un film qui manque parfois de recul, très démonstratif, sur un sujet d’une si grande ampleur, qui essaye de résumer un acte fondateur par un grand homme/politicien du 19ème siècle. En dernier lieu, reste tout de même la prestation XXL de Daniel Day-Lewis, si habité, si majestueux qu’il réussit à donner corps et vie au Président Lincoln et porter le film dans ses plus beaux moments. Au final et avec méfiance, Lincoln est donc relativement recommandable, ne serait-ce que pour la prestation d’un comédien imprégné de l’âme de son personnage.
Test blu-ray
Tourné en 35mm puis travaillé en post-production numérique 4K, Lincoln affiche une image blu-ray splendide avec un tout d’abord un remarquable étalonnage des couleurs, de la séquence d’ouverture pendant la guerre aux nombreuses scènes d’intérieur richement décorées avec mobiliers, costumes d’époque. Les contre-jours sont magnifiques et le piqué se révèle optimal, avec une beau rendu des visages (impressionnant Daniel Day-Lewis), dans des plans magnifiquement composés.
Les pistes sonores, la vf non hd se défendant bien, offrent un ensemble audio délicat constitué essentiellement de dialogues, agrémentés de bruits d’ambiance intimiste et de la musique puissante de John Williams.
Bonus
Cette édition blu-ray FPE propose comme suppléments 6 documentaires dont l’addition forme un intéressant making-of produit par Laurent Bouzereau.
Toutes les étapes du film sont détaillées à commencer par le travail de pré-production dans le module Pourquoi Spielberg a voulu faire Lincoln (9′). Est évoqué le travail d’adaptation par le scénariste Tony Kuschner (Munich) de l’ouvrage de Doris Kearns Goodwin, Team of Rivals et l’intérêt du réalisateur de E.T pour ce personnage historique dont il a voulu raconter avec un souci d’authenticité les quatre derniers mois de sa vie. La performance exceptionnelle de Daniel Day-Lewis récompensée par un Oscar est louée dans L’incroyable travail d’acteur de Daniel Day-Lewis (10′). Toute l’équipe du film y va de son petit compliment pour l’acteur anglais et sa méthode d’immersion impressionnante.
Puis un focus est fait sur le tournage à Richmond (4′) : la production a réussi à tourner dans les bâtiments du gouvernement, dans la capitale du coeur de la Confédération en Virginie.
Le souci de l’authenticité (10′) donne la parole à la costumière du film et au chef décorateur Rick Carter qui déclare avoir travaillé à base de photographies anciennes pour recréer avec un souci poussé du détail le mobilier, les accessoires ou encore les rideaux des intérieurs d’époque. Carter recherchait un « réalisme expressionniste » avec des décors chargés de refléter les émotions de Lincoln; son travail a été récompensé par un Oscar des meilleurs décors.
Les étapes de la réalisation (27′) révèlent, à base d’extraits du tournage et d’interviews, la démarche artistique de Spielberg et de ses collaborateurs à savoir une authenticité et un respect historique. Sur le plateau où régnaient calme et concentration les acteurs étaient appelés par le nom de leurs personnages. Le directeur de la photo Janusz Kamiński a voulu une lumière naturaliste pour ce film historique où Spielberg a cherché à raconter l’histoire par les mots et non par l’image comme à l’accoutumée.
Enfin le moduel Dans les pas de Lincoln (16′) est axé sur la post-production avec interventions du monteur Michael Kahn, du designer sonore Ben Burtt et du légendaire compositeur John Williams.