Les Vierges nous conte le portrait de cinq jeunes filles qui vont perdre leur virginité.
L’avis de Quentin :
Nous revenons aujourd’hui au cœur de la rétrospective dédiée à Jean-Pierre Mocky par l’éditeur français Esc. Il y a quelques semaines, nous vous proposions, la critique de l’hystérique et chahuté L’ibis Rouge. C’est désormais au tour de Les Vierges, d’être décrypté par Cinéalliance.fr. Un film à sketchs de 1963, dressant le portrait de cinq jeunes femmes en quête d’une place dans une société entièrement pensée par les hommes.
Cet article se divisera en deux parties :
I) La critique de Les Vierges
II) Les caractéristiques techniques du DVD
I) La critique de Les Vierges
Jean-Pierre Mocky ne recule devant aucun tabou, ni excès. C’est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse du réalisateur français. Les Vierges fait parti du tout début de sa foisonnante filmographie. Comme bien souvent dans sa carrière, il a su s’entourer du meilleur casting possible. Nous retrouvons Charles Aznavour, fort du succès de Tirez sur le Pianiste, Gérard Blain, Jean Poiret et Stefania Sandrelli.
De nos jours, Les Vierges est un film témoin d’une époque pré-68. Le long-métrage permet de parfaitement saisir les enjeux de la société mais surtout la volonté des femmes de vouloir sortir d’un schéma réducteur, humiliant, celui de la femme objet.
Mocky parvient à parfaitement saisir le portrait d’une période de transition dans les rapports hommes-femmes. Il nous propose une plongée à la fois du point de vue masculin mais également féminin. Il y aborde cinq problématiques de la société française au travers de portraits de femmes issues de différents milieux sociaux et culturels.
Il nous propose d’aller à la rencontre de jeunes femmes voulant profiter de la vie, cherchant à mieux connaître les hommes avant de se retrouver mariées avec l’un d’entre eux. On y verra alors comment la gente masculine, interprètant à sa manière le désir de modernité sociale et amoureuse de la gente féminine, la traitant de « putain » et la repoussant, alors qu’elle ne cesse de papillonner, de draguer, de faire l’amour à la moindre inconnue. La femme est réduite à entretenir la maison et à n’avoir connu aucun homme avant le mariage. La volonté de pureté est de nombreuses fois mise en avant.
Mocky aborde le portrait de la femme objet, de la femme parure, n’étant utile pour les hommes qu’à l’unique condition d’être montrée. Néanmoins, il questionne sur la sexualité de ces couples unilatéraux où l’intimité n’a aucune finalité dans le cas d’une relation ne servant qu’à simplement briller en public. Une analyse et proposition fascinante.
Nous assistons aussi à la création d’un couple et leur conception « moderne ». Les deux jeunes tourtereaux ne cessent de chercher un moyen de célébrer leur amour en dehors des codes traditionnels tel que le mariage. Cependant, le réalisateur interroge sur les modalités pour s’aimer librement dans un pays où l’amour n’est réservé qu’aux personnes mariées. Aujourd’hui, cette analyse tiendrait presque de la dystopie. Nous touchons un monde paraissant inconcevable.
Une galerie de personnages nous est proposée allant du dragueur lambda jusqu’à l’homme d’église en passant par le bon père de famille. Ils donnent leurs opinions réductrices sur ces femmes ne réclamant qu’une chose : une liberté égale à celle des hommes. Le long-métrage propose également des avis de femmes dénigrant la gente féminine. Des femmes rongées par le secret qui ont pourtant ressenti au même âge cet appel à la liberté, à la découverte de l’autre sexe. Un attrait repoussé, refusé, ou parfois accepté puis enfoui derrière les années. Le monde qui nous est peint, n’est pas un monde où il fait bon d’être femme.
Les Vierges est une comédie grinçante, sachant mettre le doigt où ça fait mal. Une grande réussite sachant jouer sur de nombreux tableaux passant par le drame, la satire, la comédie, frôlant parfois l’érotisme.
On reconnait immédiatement la main artistique du cinéaste avec des plans vifs et tranchants ne permettant pas au spectateur de s’échapper, l’obligeant à prendre part. Vous êtes désormais prévenus, dès la première seconde film, vous ne pourrez plus échapper à ce brûlot annonciateur de mai 1968.
Les cinq histoires contés sont toutes réussies et permettent de définir tous les maux d’un pays.
La bande-son est signée Jean Labussière. Le compositeur de Tchao Pantin et Thérèse Desqueyroux, propose des mélodies parfaitement adaptées portant et captivant notre attention au détour de chaque notes.
Mocky termine son oeuvre en ayant foi en l’amour, en l’avenir, en l’émancipation des couples ainsi que des codes sociaux. En une phrase : « Faut être moderne quoi ! »
Un film qui se découvre comme un bonbon acidulé parfois doux, parfois piquant, une oeuvre essentielle pour les années 60, un film de patrimoine de nos jours. Un chef d’oeuvre du genre, une pièce maîtresse de l’oeuvre de Jean-Pierre Mocky. Le travail du cinéaste est un long-métrage sur les français et leur sexualité dans les années 60 certainement, une pamphlet politique assurément. Une très grande oeuvre de cinéma qui mérite d’être reconnue à sa juste valeur.
II) Les caractéristiques techniques du DVD
Image :
Esc ne nous propose ici qu’un DVD, en l’absence d’un master HD. Cependant, nous pouvons nous réjouir de ce beau master qui recouvert d’un grain prononcé, propose un niveau de détail plus que convenable pour un DVD. Une très belle copie faisant honneur à un film merveilleux.
Ne reculez donc pas vers cette unique sortie sur DVD vous risqueriez d’être agréablement surpris !
Note image : 3,75/5
Son :
La piste française Mono 2.0 Dolby Audio rend tout à fait hommage au film avec une balance équilibrée entre les voix et la bande son. Cependant nous pourrons regretter les quelques saturations au niveau des voix et tout particulièrement lors de la scène du manège hanté.
Cependant ce petit désagrément, et le léger bruit pouvant parfois s’inviter en fond ne gênent en rien le plaisir de découverte d’une telle oeuvre.
Note son : 3/5
Suppléments :
Esc nous propose un très intéressant entretien avec Mocky qui revient sur les raisons de création du film, comparant le procédé de réalisation avec son premier film Les Dragueurs. Il parle également de cette époque où les écrits de Sartre ou Camus appelaient la jeunesse à vivre leurs vies et à se libérer des codes sociaux régulant leurs vies, leurs sentiments, leurs envies, leurs sexualités. Il revient sur le succès du film, et sur les intervenants ayant fait du film ce qu’il est aujourd’hui. Une interview intéressante permettant de mieux contextualiser l’oeuvre lors de sa création.