John Ruth compte bien toucher la prime pour sa dernière prise, Daisy Domergue. Sur la route qui doit le mener à Red Rock, il est rejoint par le Major Marquis Warren, ancien soldat noir devenu lui aussi chasseur de primes, puis Chris Mannix, le nouveau shérif à qui il devra livrer sa prisonnière une fois arrivés.
Déroutés par le blizzard vers l’auberge de Minnie et Dave, ils y rencontrent 4 autres occupants. Celle-ci, le temps de la tempête, va s’avérer être le huis-clos de révélations et règlements de comptes plus ou moins définitifs.
Préambule
Nous avons eu la chance d’assister à la projection du dernier opus de Quentin Tarantino dans le format qu’il a voulu pour son exploitation. Pellicule photochimique de 70mm ultra Panavision (2:76) avec ouverture et entracte et 8 (!) minutes supplémentaires. Une seule copie du film dans ce format a été distribuée en France par SND, elle achèvera prochainement sa tournée dans l’hexagone (seuls 5 cinémas ont pu l’accueillir) par le Gaumont Marignan de Paris où elle restera en exploitation lors de la sortie nationale.
Ce format « extralarge », qui n’avait été utilisé que pour 10 films auparavant, était dans les années 50 le summum de ce qui se faisait, sa résolution nettement supérieure au 35mm permettant des écrans de taille gigantesque pour une immersion totale (un peu l’ancêtre, pour les spectateurs de l’époque, de la 3D d’aujourd’hui). Le film argentique vient avec son éternel scintillement et ses sauts d’image, ce qui donne une réelle patine au film, des plus agréables.
De fait, il est un peu dommage que les décors extérieurs soient si rares, et on vivra plus cette projection comme un hommage aux films de la grande époque du Western que comme ayant un réel intérêt cinématographique (on ne perd donc rien à le voir en numérique, si ce n’est la magie 😉 )
L’avis de Taz
Dans un pays ou les cadavres de la guerre de Sécession sont encore tièdes, vont devoir cohabiter mercenaires, hommes de lois, confédérés, noirs… Le décor est planté: une seule pièce, pas d’issue, sept hommes et une femme se méfiant tous les uns des autres, des têtes mises à prix, des rancœurs, du racisme, des flingues et du café… Tout est là pour que les esprits s’échauffent et que les barrières tombent. On retrouve ici les codes qui ont fait les films du réalisateur tels que Reservoir Dogs, Kill Bill ou plus récemment Django Unchained: Variations de rythme, monologues, trahisons, exécutions sanglantes (on ne gâchera pas le suspense en révélant qu’ils ne ressortiront pas tous sur leurs deux pieds), rebondissements et bande originale. Car oui, cela s’entend dès les premières minutes, paysages neigeux plein cadre ultra panavision, la musique a été composée spécialement par d’Ennio Morricone himself.
Kurt Russell excellant en chasseur de prime bougon et impartial et Samuel L Jackson retrouvant un rôle de « Noir dans un pays dominé par les Blancs » qu’il semble affectionner particulièrement, tiennent le film par leur présence et les seconds rôles apportent ce qu’il faut de mystère pour que la tension reste toujours présente. On peut toutefois regretter certaines scènes à la limite du burlesque et les longues tirades dithyrambiques, chère à Tarantino, alourdissant parfois le rythme.
Pour son huitième film, Quentin Tarantino a voulu faire plaisir, tout autant à lui qu’aux spectateurs. En tournant dans un format mythique pour rendre hommage aux films de western qui l’ont marqué, en faisant appel à un compositeur mythique pour sa bande originale et en revenant à une mise en scène et des ressorts scénaristique qui ont fait le succès de ses précédentes réalisations, il ravira sans doute les afficionados mais risque une fois encore de dérouter les visiteurs de passage…
Avis de Manu
8ème film pour Quentin Tarantino. Depuis Reservoir Dogs le cinéaste continue à chaque sortie de bouleverser le cinéma et ses codes par une filmographie aussi talentueuse que parfois narcissique. Car « QT » n’a de cesse de mettre sur pellicule (allergique au numérique) des films références, des hommages au cinéma de genre auquel il a été biberonné. Ici John Carpenter semble plus que convoqué au festival visuel et narratif du dernier film du réalisateur.
Comme toujours chez Tarantino la déflagration vient avant tout du récit, des dialogues, car c’est bien de dialogues dont il s’agit, de joutes verbales, de répliques composées avec une fulgurance folle, un souci du détail et un sens du rythme qui semble indépassable actuellement. Même si le réalisateur en joue frontalement et force bien sûr le trait à chaque nouveau film, son empreinte, estampillée dès lors comme telle, n’est qu’une savoureuse aventure auditive, intellectuelle, pleine de subtilités et de savoir-faire. Certains trouveront l’aventure dithyrambique mais la délicieuse proposition « tarantinesque » passe encore probablement pas ces détours.
Lors de ce nouveau voyage, Tarantino au lieu de se répéter tente cette fois la plus haute radicalité. Terminé les effets de mise en scène cabotin, ici tout est centré sur la candeur des cadres, des mouvements de caméra dans un huis clos théâtral, comme si le mot passe partout « maturité », devait être cité pour ce film dans son sens le plus définit. Radicalité esthétique également, Les 8 salopards étant son film le plus gore, pas forcément le plus violent mais le plus trash lors de certaines séquences comme pour coller au genre sans en aseptiser la réalité d’une époque, quitte à verser parfois dans la surenchère, presque drôle, afin de suivre les embardés d’humour que le récit s’autorise parfois.
Quant au casting et la direction d’acteurs, les deux sont au rendez-vous de l’ensemble du film, chacun jouant avec les ressorts qu’il maîtrise le mieux. C’est simple, les « 8 » jouent chacun une prestation immense et rend parfaitement justice au texte.
Difficile de dire si c’est son meilleur film comme on peut lire ça et là, c’est probablement dans une période post-Oscar un des films qu’il faudra mettre dans le top 10 de fin d’année.
Avec Les 8 salopards Quentin Tarantino ne rend plus hommage mais inscrit définitivement son nom dans un genre, le western, autant par amour que sincérité. Mais si la notion de maturité surgit plus dans son dernier film que dans les précédents, c’est probablement qu’en parallèle de la forme du récit, cette fois, Tarantino tente avec une jolie réussite la critique politique et sociale d’un pays pour lequel il semble encore et toujours avoir des choses à dire.
On ne peut objectivement parler de meilleur film mais à ce stade Les 8 salopards est au minimum un très grand film, brillant, comme ceux qu’on apprécie de voir sur toile, tourné en pellicule et toute l’originalité qui émane de son apparence est plurielle, des dialogues en forme de balles aux impacts de la mise en scène le spectacle cinématographique dans ses lettres les plus classiques est total.