« Je venais d’avoir 19 ans en mai 1982. La vie était belle. J’étais amoureux. Ensuite on m’a demandé de partir sur une base militaire et d’être le tireur du premier tank à traverser la frontière libanaise. Cela devait être une mission d’une journée toute simple mais ce fut une journée en enfer. Je n’avais jamais tué quelqu’un avant cette terrible journée. Je suis devenu une vraie machine à tuer. Quelque chose là-bas est mort en moi. Sortir ce tank de ma tête m’a pris plus de 20 ans. C’est mon histoire. »
L’avis d’Umungus:
Lebanon, le second film de Samuel Maoz, a reçu en 2009 le Lion d’Or à la 66e Mostra de Venise.
L’action se situe en 1982, alors que les israéliens occupent le sud du Liban pour venir à bout des attaques palestiniennes de l’OLP qui menacent le nord d’Israël. Une opération commando est organisée pour « nettoyer » un village préalablement bombardé et le rayer définitivement de la carte. Le commando doit traverser ce village, éliminer les derniers éléments hostiles et rejoindre une résidence hôtelière du nom de Saint-Tropez, un peu plus au Nord.
Lebanon est avant tout atypique de par sa forme puisqu’il plonge le spectateur pendant 92 minutes dans un char israélien. Et ce n’est qu’à la toute dernière image, qui donnera également cette magnifique affiche, qu’il sortira de cet amas de ferraille pour pouvoir enfin reprendre son souffle. En effet, ce huis-clos entre les quatre membres d’équipage de ce tank est étouffant. L’exiguïté de l’endroit est retranscrite de façon saisissante, on pourrait quasiment sentir les odeurs d’huile, de gaz d’échappement, de sueur et de pisse! Le seul moyen de s’en échapper est la visée du canon, l’unique lucarne sur le monde extérieur. Cet enfermement et la difficile cohabitation qui viennent s’ajouter au stress du combat ne laissera personne indemne. Cela commence par cette libératrice envie de pisser pour déboucher sur la perte de raison du commandant du char, comme une ultime manière d’échapper à cette réalité et ce char…
Ce film est également atypique dans le sens où il s’agit certes d’un film de guerre, mais qui n’est à la gloire d’aucun camps, à l’image des conflits sans fin du Moyen-Orient. Le réalisateur donne une vision froide et sans concession des troupes israéliennes qui tiennent ici le rôle d’agresseur. La phrase peinte à l’intérieur du char et qui revient à plusieurs reprises est ironique:
L’homme est d’acier, le tank n’est que ferraille
En effet, ces jeunes soldats sont en proie au doute et constamment tiraillés par leur conscience (hésitations à ouvrir le feu, scène de la femme nue, empathie envers le prisonnier).
Par ailleurs, les scènes de combat et de mouvements du char sont bluffantes de réalisme, on s’y croirait! Tous ces éléments font de Lebanon un film qui se visionne avec les tripes et d’où l’on ne ressort pas indemne…