Joe Rolfe, ancien détenu, est soupçonné dans l’attaque d’un fourgon blindé, organisée par un ex-flic, Tim Foster. S’étant mis hors-la-loi, il prend l’identité d’un escroc décédé et infiltre le gang de Foster afin de prouver son innocence…
Petite pépite du film noir proposée par Rimini en blu-ray, Le Quatrième homme (Kansas City Confidential), réalisé par Phil Karlson en 1952, met en scène avec originalité un faux coupable sur la piste de gangsters masqués ignorant l’identité des autres.
Réalisateur assez méconnu, Phil Karlson a réalisé dans les années 50 de remarquables films noirs où affleurent une prédilection pour les sujets de société comme la corruption et une dimension politique : The Phenix City Story (1955) cité par Martin Scorsese dans son indispensable Voyage à travers le cinéma américain, Tight spot (1955) et The Brothers Rico (1957). Sa filmo comportent également des Charlie Chan, des westerns comme Gunman’s walk (1958) et un film avec Elvis Presley, Kid Galahad (1962). A la fin de sa carrière, il reviendra au genre où il est le meilleur, le film noir, avec deux longs métrages interprétés par Joe Don Baker, Walking tall (1973) et Framed (1974).
Son Kansas City Confidential débute avec une efficacité redoutable : le premier quart d’heure est consacré au recrutement des malfrats par un mystérieux homme masqué et à l’exécution du braquage d’un fourgon blindé. Le reste du long métrage, l’après braquage, met en scène avec originalité le « pigeon » du casse interprété par John Payne, un fleuriste, ex-taulard qui va remonter la piste des gangsters jusqu’au Mexique pour laver son honneur, figure classique du faux coupable, développée notamment par Hitchcock dans The Wrong Man (1957), qui veut prouver à tout prix son innocence ou se venger. Puis dans son dernier tiers le récit va se resserrer sur trois personnages, le fleuriste, le cerveau du casse Foster et Helen, la fille de ce dernier : machinations, mensonges menacent de ternir les relations d’amitié ou d’amour familial entre ces trois individus. Au récit ramassé du hold-up et à la traque implacable des gangsters par le faux coupable succède le drame où Karlson s’attache aux conflits intérieurs de ses personnages principaux, sans oublier l’intrigue policière et ses jeux de masques qui vont tomber les uns après les autres lors de la réunion des malfrats pour le partage du butin.
Le fait qu’aucun bandit n’ait connaissance du visage des autres, sauf le cerveau de l’affaire, apporte du suspense (le spectateur en sait plus que les personnages) et de nombreuses péripéties, chacun avançant masqué et tentant de duper l’autre. Le film développe le motif du jeu, le jeu de cartes et de dés prisés par les personnages et surtout le jeu sur l’identité, les jeux de dupes. « Les gens sont rarement ce que l’on imagine » déclare l’unique personnage féminin incarné par Collen Gray, apportant un peu de douceur dans ce monde brutes où s’affrontent des gueules de cinéma comme Lee Van Cleef ou Jack Elam.
La mise en scène nerveuse de Phil Karlson joue habilement de la profondeur de champ avec cadres dans le cadre où on y observe et surveille constamment, des jeux d’ombre comme dans tout bon film noir et de la fonction dramatique du gros plan pour faire monter la tension. Basé sur des faits réels situés le 17 janvier 1950 à Boston comme l’annonce le prologue, le scénario est bien ficelé, avec une tension dramatique assurée jusqu’à la conclusion de cette affaire noire interprétée solidement par John Payne, Preston Foster, Lee Van Cleef et co.
Dans le sous-genre du film de casse, Kansas City Confidential est à ranger à côté de Asphalt Jungle et The killing, classiques des années 50; il a marqué bon nombre de réalisateurs contemporains dont Quentin Tarantino pour Reservoir Dogs et Bryan Singer pour Usual Suspects.
Une très belle (re)découverte indispensable pour les amateurs de film noir.
Technique
L’éditeur Rimini propose une restauration effectuée à partir d’une copie 35mm de bonne qualité, avec format 1.33 respecté (16/9 compatible 4/3). Le piqué est satisfaisant, avec un grain présent sans être trop envahissant et des contrastes corrects. Les noirs sont profonds, les blancs très clairs, parfois trop sur certains plans larges peu détaillés. Quant à la partie sonore, la piste originale, seule proposée, est de bonne facture, à noter quelques craquements mais rien de gênant. Rimini nous offre une belle copie pour (re)découvrir cet excellent film noir en blu-ray.
Bonus
Rimini a conçu un combo Blu-ray + DVD, avec un livret de 32 pages riches en photos et chapitres sur Kansas City Confidential et son réalisateur Phil Karlson.
L’unique supplément du disque HD est une intéressante introduction à l’oeuvre de Phil Karlson par Jean-François Rauger (11 min), présentation de l’oeuvre du réalisateur à l’occasion de la rétrospective consacrée au cinéaste par la Cinémathèque en novembre 2014.