Espagne, 1944. Fin de la guerre. Carmen, récemment remariée, s’installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal, capitaine de l’armée franquiste. Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre près de la grande maison familiale un mystérieux labyrinthe. Pan, le gardien des lieux, une étrange créature magique et démoniaque, va lui révéler qu’elle n’est autre que la princesse disparue d’un royaume enchanté. Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra accomplir trois dangereuses épreuves, que rien ne l’a préparé à affronter…
L’avis de Fabien
Dans l’Echine du diable (durant la guerre civile espagnole un jeune orphelin, placé dans un établissement catholique austère, s’efforce de communiquer avec le fantôme errant d’un ancien pensionnaire) et Hellboy (le héros de comics est à la base un démon invoqué par les nazis pour devenir une arme de guerre) Guillermo Del Toro a déjà rôdé à la confluence de deux genres à priori antagonistes : le fantastique et la reconstitution historique. Dans ce conte cruel sur l’enfance sacrifiée qu’est ce Labyrinthe de Pan, il parvient magistralement à superposer ces deux réalités pour livrer un film très personnel et assurément le plus abouti de sa carrière vouée au genre fantastique.
Comme chez ces grands conteurs que sont Burton et Gilliam l’onirisme s’empare avec fluidité du réel. Pour fuir une réalité sordide la jeune Ofelia s’enfonce avec délectation dans l’univers des contes, dans un univers merveilleux dont un grand faune lui promet le trône si elle se soumet à trois épreuves. L’imaginaire exalté de Del Toro vole de Lewis Carroll à Goya (Saturne dévorant ses enfants) en passant par l’univers tourmenté de Lovecraft dont on retrouve le goût pour un bestiaire sympathique et monstrueux : mandragore, faune, mante religieuse, crapaud obèse, ogre albinos dont les yeux ont migré vers les paumes.
Ofélia évolue dans l’univers du conte avec ses adjuvants, ses nombreux ennemis à surmonter au gré d’épreuves à franchir (clé à trouver, portes à débusquer et in fine labyrinthe à parcourir dans une course effrénée à la Shining). Del Toro établit des correspondances entre le conte et l’histoire personnelle : le pire monstre est bien sûr le beau-père, expert es torture traquant sans relâche les opposants au régime de Fanco (troublant Sergi Lopez dans l’expression du Mal).
Ce labyrinthe de Pan constitue une version horrifique d’Alice au pays des merveilles pris comme métaphore fantasmagorique de la barbarie de l’Espagne franquiste. Au gré de séquences merveilleuses et historiques très stylisées qu’il superpose habilement, Del Toro exalte le pouvoir de l’imaginaire et de la capacité d’émerveillement comme rempart, du moins réconfort, face à la cruauté et à la barbarie.
L’épilogue de ce grand film, désenchanté et féerique, inscrit Ofélia parmi les inoubliables jeunes héroïnes tragiques du 7ème art et de la littérature victimes de la folie des adultes.
Le labyrinthe de Pan
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