Evocation des années de guerre d’Oskar Schindler, fils d’industriel d’origine autrichienne rentré à Cracovie en 1939 avec les troupes allemandes. Il va, tout au long de la guerre, protéger des juifs en les faisant travailler dans sa fabrique et en 1944 sauver huit cents hommes et trois cents femmes du camp d’extermination de Auschwitz-Birkenau.
Dans le registre documentaire Nuit et brouillard (1955) d’Alain Resnais et Shoah de Claude Lanzman s’étaient emparés avec force du sujet de la Shoah. Nonobstant une mini-série de 1978 intitulée Holocauste avec Méryl Streep, La liste de Shindler réalisé par Steven Spielberg en 1993 est la première fiction à traiter de l’extermination des juifs d’Europe.
Partant du roman de Thomas Keneally, Spielberg mettra 10 ans à développer le scénario de La liste de Shindler, son film le plus personnel (sa famille est d’origine polonaise) où il évoque de manière frontale, sans artifices artistiques, par le prisme de la fiction basée sur des faits réels, ses origines et l’une des pages les plus graves de l’Histoire du 20ème siècle.
Spielberg parle de l’Histoire, la Shoah, à travers le destin exceptionnel d’un industriel, homme d’affaires inscrit au parti nazi (plus par opportunisme, tisser des relations professionnelles, que par conviction), qui prend conscience de l’horreur de la situation et décide de sauver des juifs. Loin d’être idéalisé par le réalisateur, Shindler est présenté comme un anti-héros, un personnage un peu alcoolique et névrosé, en quête de reconnaissance sociale, riche industriel en apparence dandy égocentrique qui va s’éveiller au sort des autres et faire acte de bonté envers un peuple opprimé en sauvant 1600 juifs.
Liam Neeson, bloc de charisme et au jeu subtil, trouvera ici le rôle de sa vie face à l’excellent Ralph Fiennes, le terrible Amon Goeth saisi lui aussi avec nuances; loin du bourreau psychopathe caricatural, il est joué par l’acteur anglais comme un officier méthodique et appliqué dans son ignoble travail, surnommé le boucher d’Hitler, un exécutant diaboliquement efficace mais torturé, coupable d’accès de violence barbare alors qu’il donnait l’impression quelques secondes avant d’être compréhensif et capable de modération. Autre personnage important, Itzahl Stern est interprété magnifiquement par Ben Kingsley dont les scènes avec Neeson sont très réussies : après un sentiment de méfiance leur relation va donner lieu à une amitié inattendue. Leur dernière scène en commun est à cet égard particulièrement poignante.
Afin de restituer au mieux ces évènements dramatiques, La liste de Shindler a été tourné à Cracovie, le sublime n & b ciselé par Januz Kaminski apportant de plus une touche documentaire adaptée au projet. Sur le plan de la mise en scène, Spielberg et son équipe technique ont opté pour des caméras à l’épaule afin d’accentuer le caractère insoutenable des scènes de rafle notamment la terrible séquence de la liquidation du ghetto de Cracovie; le montage très structuré proposent également des plans plus classiques, loin des virtuoses mouvements d’appareils des films précédents (en 1993 Spielberg conjugait alors le tournage de La liste et la post-production de Jurassic Park), pour installer une froideur terrible, celle de l’appareil nazi incarné par Goeth. Le style pleinement maîtrisé par Spielberg, affirmé dans les classiques de l’entertainment que sont Les dents de la mer ou Indiana Jones et les aventuriers de l’arche perdue, est au service d’une recherche de réalisme implacable dicté par un tel sujet dramatique.
L’émotion nous assaille par la force des images et du montage qui dépeignent de manière brute, sans fioritures (une touche de couleur dans deux séquences avec la fillette à la robe rouge qui symbolise l’Innocence face à la tyrannie, une musique de John Williams utilisée à juste mesure) le bruit et la fureur de ce génocide.
Récompensé par 7 Oscars, La liste de Shindler est le grand film humaniste de son auteur, un chef d’oeuvre nécessaire à (re)découvrir d’urgence.
Test blu-ray
Technique
Pour les 20 ans du film, La liste de Shindler a bénéficié d’une restauration supervisée par Spielberg, lancée en 2012 sur des titres prestigieux Universal dans le cadre des 100 ans du studio : le négatif original a été scanné en 6 K.
En résulte un résultat optimal au niveau des contrastes, avec des noirs solides, un piqué redoutable, des détails précis sur les vêtements, les textures des peaux, les cheveux. La précision du master décuple ainsi la force dramatique du film. Tourné en 35mm, le film conserve sur cette image hd un léger grain cinéma respectant ainsi les choix artistiques du réalisateur et de son chef opérateur.
La version anglaise DTS-HD Master Audio 5.1 propose un bon mixage, une présence essentiellement centrale avec voix, cris (terribles scènes dans le ghetto et le camp de concentration) se mêlant pour dire l’horreur. Pas d’effets acoustiques démesurés donc, le sujet appelant une certaine sobriété. La VF s’avère légèrement en retrait en terme de mixage pour la restitution des effets d’arrière-plan.
Bonus
A film exceptionnel édition blu-ray exceptionnelle.
Pour la première fois le film est contenu sur un disque. Dans un magnifique packaging, l’édition collector blu-ray édité par Universal comprend : un livret de photographies du film (16 pages), un livret sur l’histoire du tournage (16 pages), 3 cartes recto/verso avec images et citations du film, l’affiche du film et un DVD de bonus reprenant les suppléments présents dans l’édition DVD sortie en 2004.
DVD bonus :
« Les voix de la liste » : la vision personnelle des témoins de l’Holocauste, illustré d’images d’archives (77′). Ce documentaire est constitué d’interviews issues de l’Archive Historique Visuelle de la USC Shoah Foundation. Des personnes sauvées par Shindler se remémorent leur expérience de survie.
Présentation de la Fondation USC Shoah créée en 1994 (2012 – 4′)
Présentation du programme pédagogique IWitness développé par la Fondation USC Shoah (2012 – 4′)
Spielberg raconte dans ces modules comment le tournage de La liste de Shindler lui a donné l’idée de créer la USC Shoah Foundation dans le but d’enregistrer et conserver les témoignages de survivants et témoins de cette tragique page d’Histoire. Avec ses 51 696 témoignages enregistrés dans 56 pays dans 32 langues différentes l’Archive Historique Visuelle de la USC Shoah Foundation est la plus grande collection numérique sur ce sujet au monde.
Pour conclure cette édition blu-ray collector s’avère indispensable, le sublime packaging renfermant une oeuvre majeure du 7ème art à la copie restaurée avec soin et accompagnée de suppléments numériques comme papiers bien choisis.