Édimbourg 1874. Jack naît le jour le plus froid du monde et son cœur en reste gelé. Le Docteur Madeleine le sauve en remplaçant son cœur défectueux par une horloge mécanique. Il survivra avec ce bricolage magique à condition de respecter 3 lois: premièrement ne pas toucher à ses aiguilles, deuxièmement maîtriser sa colère et surtout ne jamais Ô grand jamais, tomber amoureux. Sa rencontre avec Miss Acacia, une petite chanteuse de rue, va précipiter la cadence de ses aiguilles. Prêt à tout pour la retrouver, Jack se lance tel un Don Quichotte dans une quête amoureuse qui le mènera des lochs écossais, à Paris jusqu’aux portes de l’Andalousie.
L’avis de Fabien
Avant d’arriver sur les écrans début 2014, cette adaptation du roman de Mathias Malzieu Jack et la mécanique du cœur aura connue une gestation difficile : lancée en 2008, la production sera retardée après la liquidation judiciaire de la société d’effets spéciaux Duboi avant que la société de Luc Besson Europacorp relance la machine, avec le savoir-faire de Walking the dog, société belge spécialisé dans la 3D (Un monstre à Paris).
Mathias Malzieu joue la carte du romanesque échevelé avec l’histoire de ce jeune garçon pas comme les autres (une horloge mécanique remplace son cœur défectueux) qui se lance sur les routes d’Europe pour retrouver l’objet de son affection, une petite chanteuse de rue croisée lors d’un jour triste à Edimbourg. Mais ce sentiment amoureux qui le transporte pourrait être l’instrument de sa perte : Jack survivra avec cette horloge mécanique à la place du coeur s’il respecte 3 règles essentielles dont la dernière est ne jamais tomber amoureux.
Jack et la mécanique du cœur est une histoire d’amour impossible, avec ces amants maudits (belle référence aux amants de Vérone dans le petit film réalisé par Georges Méliès auquel Jean Rochefort prête sa voix) qu’un romantisme adolescent précipite dans les affres de la passion : on y tombe amoureux d’un regard, déclare sa flamme en lévitation, donne la clé de son coeur à son amoureuse bref on y aime passionnément au risque de se consumer. Les plus chagrins risquent de trouver cela naïf mais pour qui s’abandonne au romantisme funèbre de Malzieu le film s’avère redoutablement enchanteur.
D’autant que la direction artistique est très soignée avec un univers visuel très riche où les décors sont contrastés à merveille : des tons grisâtres pour Edimbourg, ses lignes déformées, son ambiance gothique vs les tons chauds de l’Andalousie où se déploie l’histoire d’amour entre Jack et miss Acacia, deux êtres singuliers à leur place dans ce cirque espagnol abritant une amusante galerie de freaks (siamoises, nains…), hommage à Tod Browning et surtout Tim Burton dont on retrouve ici l’attachement pour les personnages différents, étranges qui font de leur singularité une force.
L’animation des personnages est également réussie avec une recherche de photo-réalisme au niveau des yeux pour traduire des émotions qui s’expriment notamment en chansons. Le récit est en effet innervé de chansons pop-rock énergiques ou mélancoliques avec les voix de Mathias Malzieu (jubilatoire clin d’oeil à son groupe Dionysos dans une citation des Noces funèbres), Olivia Ruiz, Grand Corps Malade ou le regretté Alain Bashung.
Ce romantisme funèbre porté en étendard par Mathias Malzieu dans ce récit très personnel trouve son acmé dans une conclusion d’une poésie touchante et renversante. Coup de coeur assuré!