À la veille de la guerre civile espagnole, un groupe d’enfants insensibles à la douleur est interné dans un hôpital au coeur des Pyrénées. De nos jours, David Martel, brillant neurochirurgien, doit retrouver ses parents biologiques pour procéder à une greffe indispensable à sa survie. Dans cette quête vitale, il va ranimer les fantômes de son pays et se confronter au funeste destin des enfants insensibles.
Film en Compétition Nouveau Genre à la dix-huitième édition de L’étrange festival
Avis de Manuel Yvernault :
Juan Carlos Medina, jeune réalisateur, livre son premier long métrage sous l’estampe du cinéma ibérique mais d’une production française, montée sur plusieurs années avec persévérance. La force du cinéma espagnol est l’habileté à manier les genres dans une même œuvre. Insensibles en est le reflet parfait. Le réalisateur fait preuve d’une maturité marquée dès son premier long métrage, maîtrise parfaitement son art du récit mêlant avec appui un fond et une mise en scène protéiforme d’une qualité rare. Les multiples versants de son récit s’entremêlent habilement, valsant entre plusieurs genres et donnent au spectateur les clés d’un dédale entre faits historiques et drame humain.
La force de Medina est condensée dans cette proportion à nouer de façon précise son film entre flashbacks et genres. Ainsi le fantôme du franquisme espagnol est une fois de plus mis en avant comme si tout un panel du cinéma ibérique devait panser les plaies d’un passé national en souffrance. En réfère le cinéma de Guillermo Del Toro (et de ses productions) Alex de la Iglesia (Balada Triste De Trompeta).
Dans cette proportion à se répéter, certains y verront donc une redite narrative des productions espagnoles récentes là ou il serait plus à même de souligner un engagement et un acte nécessaire.
Or, c’est dans cette masse d’émotions et de mise en scène extrêmement riche qu’Insensibles pourrait également laisser perplexe. Si le film porte une vraie empreinte sous la direction de Medina et de son équipe artistique, le fond, plus que la forme bien sûr, peine à se détacher de cette redondance de narration, ces films avec enfants où planent un mystère, le poids de l’histoire en parallèle d’un drame familial. Tout cet ensemble donne au film un goût de déjà-vu. Il est donc difficile, malgré toutes les qualités inhérentes au film, de foncer tête baissée et de crier au chef d’œuvre. Si Insensibles montre tout le talent d’un réalisateur on serait alors en droit d’attendre un tel traitement sur un sujet nouveau.
En outre, Medina qui construit son drame avec lenteur et un mystère qui flirtent régulièrement avec les frontières du fantastique, ne se perd jamais dans les ambitieux récits de son histoire. D’un découpage mesuré et fluide, il en ressort une mise en scène assurément mâture et passionnée, avec une photo qui nous ramène à Guernica ou le travail des peintres sous le franquisme.
Ensemble d’un aspect graphique, parfois violent, mis en valeur par la musique de Johan Söderqvist qui avait déjà magnifié de sa composition la bande son de Morse.
Juan Carlos Medina nous conte et confronte aux affres de l’enfance, de la paternité, et met en parallèle, la recherche d’identité d’un pays et celle d’un homme à la reconnaissance d’un passé. D’une qualité équilibrée, subtile et prometteuse.