Chassés de leur terre algérienne, trois frères et leur mère sont séparés. Messaoud s’engage en Indochine. A Paris, Abdelkader prend la tête du mouvement pour l’Indépendance de l’Algérie et Saïd fait fortune dans les bouges et les clubs de boxe de Pigalle. Leur destin, scellé autour de l’amour d’une mère, se mêlera inexorablement à celui d’une nation en lutte pour sa liberté…
L’avis de Fabien (critique cannoise)
Précédé par une polémique lancée par un député ayant eu accès au scénario jugé partisant et anti-français, Hors la loi, le nouveau film de Rachid Bouchareb et son équipe sont arrivés sur une Croisette sous haute surveillance policière et curieuse (les festivaliers du moins) de découvrir cette œuvre coûteuse (20M d’euros de budget) sur un sujet brûlant en période de débat sur l’identité française.
La projection presse révèlera un film qui, si l’on met de côte le volet historique, oui c’est une fiction inventée à partir de faits réels et documents d’époque qui ne cherche pas à recréer le passé avec une exigence documentaire, cache sous son esthétisme léchée sous influence américaine (Il était une fois en Amérique est souvent cité par Bouchareb comme référence) un manque de tenue dans le scénario et une absence dommageable de souffle romanesque et épique.
Après un court prologue centré sur l’enfance des 3 héros, l’histoire débute de manière violente avec le massacre de Sétif, séquence d’une grande brutalité d’une durée initialement prévue de 30’ et ramenée à 6′ dans la version finale avec ce que cela peut impliquer de simplifications et de raccourcis quant à la représentation de cet évènement dramatique (les émeutes de Sétif firent officiellement 102 morts européens et 1165 morts algériens).
Dans la grande Histoire, celle de la décolonisation française, Bouchareb plonge 3 frères en travaillant sur des archétypes (caractères opposés avec rivalités à la clé) et des codes du cinéma américain (borsalinos, fusillades à la mitraillette, jolie pépée blonde platine…) qu’il ne parvient jamais à sublimer ou à dépasser la faute à un scénario faible et à des personnages peu nuancés et sympathiques. Si Roschdy Zem s’en sort bien, comme toujours, que dire de la crédibilité de Jamel Debbouze avec son personnage d’ancien mac reconverti dans les cabarets et les matchs de boxe arborant cigare, borsalino et nerveux comme un affranchi scorsesien et du manque de conviction de Bouajila en leader révolutionnaire. A la différence d’Indigènes difficile d’être en totale empathie pour ces personnages sans aspérités englués dans une violence tragique : le film à ce sujet renvoie finalement, à sa décharge, dos à dos l’armée française et le FLN. L’exécution, le développement de cet engagement révolutionnaire (fonctionnement des réseaux, relais de l’info) est souvent difficile à saisir, le film étant comme englué dans une logique feuilletonnesque dans un Paris de studio, récrée en Tunisie dans les studios de Tarak Ben Amar.
Hors la loi ne parvient à tirer le meilleur de son sujet, la faute à un scénario bancal et un manque de souffle lyrique pour rendre passionnante et bouleversante cette saga familiale.