Sebastiàn Lelio est de retour derrière la caméra pour continuer sa gracieuse filmographie sur l’image de la femme moderne. Après le poignant Une Femme Fantastique et l’obsédant Désobéissance, le cinéaste argentin revient avec l’un de ses premiers amours en tournant le remake de son propre film Gloria sorti en 2013. Depuis son arrivée fracassante dans le cinéma américain indépendant avec Désobéissance, le cinéaste décide d’observer son personnage emblématique de Gloria, cinquantenaire célibataire en quête de bonheur, non plus au travers de problématiques sociétales chiliennes mais américaine. Une plongée dans une génération pleine de ressources, en constante recherche de repère, dans un monde en perpétuel changement, renouvellement.
Notre article sur l’édition Blu-ray de Gloria Bell se divisera en deux parties :
I) La critique de Gloria Bell
II) Les caractéristiques de l’édition Blu-ray
L’avis de Quentin :
I) La critique de Gloria Bell
Gloria Bell est le remake du film Gloria réalisé en 2013. Les deux films ont été réalisés par le même cinéaste : Sebastiàn Lelio. Une alliance peu commune entre le réalisateur et son interprète principale pour Gloria Bell a fait de cette réinterprétation d’une oeuvre encore jeune, une belle réussite.
Pour porter ce rôle révélateur d’une société en crise, basé sur l’obsolescence prématurée des femmes, Lelio choisit Julianne Moore. Cette dernière se révèle éblouissante tout au long du film.Elle parvient à révéler une oeuvre qui ne se pouvait d’exister que de par le talent indéniable de son interprète principale. Elle parvient à jouer la moindre des émotions du désespoir à la joie tout en passant par la tristesse, les larmes, la colère, l’incompréhension, mais surtout et avant tout l’espoir puis la quiétude. Pour l’accompagner dans ce rôle de femme moderne, nous retrouvons John Turturro en très grande forme. L’acteur depuis sa présence dans Mia Madre de Nanni Moretti ne cesse de surprendre à chacune de ses apparitions et sa présence dans Gloria Bell est particulièrement réussie. Ce dernier campe le rôle d’un cinquantenaire célibataire, laissant penser savoir vers quel type de vie il prétend se diriger, alors qu’en réalité, son personnage se trouve être un père vampirisé par ses deux filles et son ex-femme. Il ne parvient pas à s’extirper d’une vie passée, se trouvant dans l’impossibilité de prendre son existence, son avenir en main.
Le film possède une identité propre, s’affirmant à travers un soin des images et tout particulièrement ses couleurs révélant l’identité d’un personnage fascinant. Le réalisateur chilien rend le personnage de Gloria fascinant l’incorporant dans des icônes nocturnes bercées de néons mariant le bleu, le violet, le jaune, le noir et le blanc. Une danse où se mêle les différents traits de caractère d’une héroïne qui ne peut nous laisser insensible. Cette extension de la personnalité par le choix des couleurs et jeux de lumière permet de plonger entièrement dans la complexité de l’existence de Gloria avec entrain.
Le cinéaste n’oublie rien dans ce portrait. Il parle à une génération nouvelle, naît dans les années 60, et ne se calquant plus sur le modèle du couple inséparable des siècles précédents. Le divorce s’est démocratisé laissant apparaître un grand nombre de cinquantenaires, avec la volonté de débuter une nouvelle vie après un premier mariage et des enfants. Néanmoins, là où le célibat de la cinquantaine s’avère plus simple à transformer pour la gente masculine. Les femmes, elles, se trouvent bien souvent dans un creux où les hommes d’âge similaire se tournent vers des compagnes plus jeunes. Une difficulté se présente alors, là où nous vivons dans une société ne faisant que proclamer et réclamer la recherche de l’amour.
Cependant, le réalisateur réussit un tout autre pari avec Gloria, femme pleinement indépendante qui ne cesse d’occuper sa vie d’un quotidien orienté vers le positivisme, la joie de vivre. Gloria aime ses proches, chante son quotidien, rit son existence, danse sa vie. Elle semble épanouit à moins que le sentiment de vide, instauré par une société orientée vers les couples, ne se révèle. Elle est une personne se suffisant à elle-même, qui arrive à concevoir son propre bonheur dans un monde où la recherche d’un partenaire est constamment mise en avant, semblant inévitable. Elle vit ainsi, dans un premier temps ses passions en espérant que lors de leur exercice, elles parviendraientt à éveiller le regard d’un homme. C’est ici que le cinéaste intervient en transformant cette perception de la vie. Il parvient à concevoir une femme forte s’assumant dans ses choix et ses goûts pour elle-même et non plus pour prouver quoique ce soit à qui que ce soit.
Ce qui touche le plus dans la mise en scène du cinéaste reste la place privilégiée du spectateur. Nous pouvons connaître Gloria comme personne ne le peut. Le film donne à voir son quotidien, son intimité, sa vie de femme ou encore ses loisirs. Ce façonnement du quotidien du personnage principal permet de dépasser son rôle sociétal de mère, d’épouse ou ex-épouse pour dévoiler une femme libre, indépendante. Une liberté que ses proches ne parviendraient pas à imaginer.
Enfin, pournous porter dans le parcours de vie de Gloria entre ses amis, sa famille, son travail, ses échappées nocturnes en discothèques, l’accent a été mis sur une bande-son orientée entre années 70-80. Une musique dont les paroles ne cessent de façonner, représenter les étapes que traverse le personnage principal.
En somme, Gloria Bell est un hymne à la femme moderne, à sa libération du modèle patriarcal qu’on ne peut que aimer. Un portrait de femme qui émerveille, sublimé par la caméra de Sebastian Lelio fasciné par l’interprétation d’une Julianne Moore au sommet de sa forme. Une fois le film terminé il ne nous reste plus qu’à chanter Gloria et penser le monde à travers son regard.
II) Les caractéristiques de l’édition Blu-ray
Image :
Gloria Bell dans son édition Blu-ray, offre une image douce et délicate qui saura appuyer les échappées nocturnes bercées par cette aura, si simple et pourtant apaisante, pleine de néons. Le niveau de détails n’est certes pas le plus époustouflant en matière de haute définition mais reste cependant une proposition faisant passer en avant la qualité de ses contrastes, jeux de lumières. Il ne faut non plus oublier les scènes en extérieur qui offrent de belles images ne cessant d’émerveiller un peu plus le parcours de Gloria. A l’image du film et de son atmosphère intimiste la proposition que nous fait Blaq Out en partenariat avec ESC à travers ce master est convaincante !
Note image : 4/5
Son :
Blaq Out et ESC nous proposent pour cette sortie hexagonale deux versions audios du film :
- Anglais (DTS-HD 5.1) : La version originale du film, tout en respectant l’aspect intimiste de l’oeuvre, nous porte mêlant les musiques du film qui nous poussant à partager les émotions de cette aventure exaltante, tout en assurant un mixage sur les voix, fin et réussi, des interprétations de Julianne Moore et John Turturro. Il n’y a rien à redire tant cette piste sied à merveille à l’oeuvre.
- Français (DTS-HD 5.1) : Pour une fois, la piste française n’est pas en retrait. Elle nous offre une véritable réussite à la hauteur de sa version originale. Néanmoins, même avec tout le travail du monde aucun doubleur ne pourra vaincre la voix des interprètes originaux là où la doublure de Moore excelle, celle de Turturro, changeant à travers les années, a du mal à saisir.
Note son : 4/5
Suppléments :
Pour cette sortie le partenariat entre Blaq Out et ESC n’aura cependant pas offert des suppléments à la hauteur de la réalisation du réalisateur ainsi que de son oeuvre.
Un unique bonus nous est présenté accompagné de la bande annonce du film.
- Présentation de Gloria Bell par l’équipe du film : Le supplément retrace les perceptions et analyses des personnages à travers les témoignages des acteurs, du réalisateur mais également des producteurs. Un supplément sonnant assez creux où l’on apprend que très peu d’informations sur les modalités de conception de l’oeuvre et sa force.
Note suppléments : 1,5/5