Librement inspiré de l’histoire de Goethe, Alexandre Sokourov réinterprète radicalement le mythe. Faust est un penseur, un rebelle et un pionnier, mais aussi un homme anonyme fait de chair et de sang conduit par la luxure, la cupidité et les impulsions.
L’avis de Manuel Yvernault:
Libre interprétation du conte populaire germanique, Faust doit se regarder comme un objet esthétique et non un film. Une expérience artistique qui ouvre le champ des possibles. Tel un voyage initiatique Faust et Méphistophélès(- Moneylender), ici sous les traits d’un usurier (belle idée), parcourent et traversent les cadres, suivent un itinéraire sous la forme de lignes de fuite, telle une peinture. Fuite en avant à la recherche du désir absolu.
Si on ne comprend pas l’ensemble du film, les dialogues se veulent parfois essentiellement et expressément abscons, un certain culot est imposé à nos yeux sous un aspect formel poussif et fascinant. Difficile de s’étendre dans les méandres de la mise en scène de Sokourov, mais le réalisateur offre l’adaptation la plus survoltée du mythe de Goethe. Viscéral et presque poussif, toujours dans l’exagération esthétique, surtout dans sa forme, les cadres sont « cropés » et /ou anamorphosés, la photo d’une beauté attrayante, les décors presque fantastiques et l’interprétation magistrale. Faust, qui ne sera pas à mettre entre toutes les mains, offre un film certes élitiste dans sa création mais parfaitement lisible pour qui désire se laisser happer par un surréalisme appuyé, opérant presque par magie d’une mise en scène enchanteresse. Difficile mais sublime.