MAJ 06/18 : cliquez ici pour le test du DLC Hours of Darkness
Comme tous les deux ans depuis le troisième opus, la licence Far Cry nous revient aujourd’hui avec un nouveau volet qui, après les tropiques, l’Himalaya et une parenthèse préhistorique, nous emmène cette fois au cœur du Montana sauvage. Au menu : Amérique profonde, secte religieuse et gameplay affiné, le tout pour une expérience toujours aussi barrée. Alors, Far Cry 5, touché par la Grâce ?
Pour ceux qui l’ont découvert en 2004 avec son premier volet, la licence Far Cry a connu bien des évolutions. Un premier volet faisant office de vitrine technique pour le studio Crytek, puis un deuxième opus développé par Ubisoft et dont les défauts ont amené le studio à sévèrement revoir sa copie pour Far Cry 3… Véritable tournant de la saga, offrant une liberté d’action et de gameplay digne d’un GTA sous acides, ce troisième opus reste encore aujourd’hui un jeu charnière, celui qui a permis à Far Cry de trouver sa formule magique tout en donnant raison à Hitchcock : « meilleur est le méchant, meilleur est le film (ou le jeu) ». Car oui, aussi bon soit le gameplay des Far Cry depuis le 3, il faut bien avouer que la licence ne serait pas la même aujourd’hui si les équipes d’Ubisoft n’avaient pas eu le flair d’offrir à Michael Mando (Nacho dans Better Call Saul) le rôle du désormais mythique Vaas Montenegro. Un rôle créé sur mesure pour l’acteur, qui avait bluffé l’équipe lors d’une audition pour un autre personnage, et qui a tant marqué la licence que désormais, chaque Far Cry met davantage en avant son méchant que son héros jusque sur la jaquette. Et Far Cry 5 ne fait pas exception à la règle.
Ainsi, après un cultissime Vaas et un Pagan Min stylé, mais sous-exploité, Far Cry 5 mise aujourd’hui sur la fratrie Seed, constituée de trois frères et sœur menés par le quatrième frère, Joseph Seed. A la tête d’un culte fanatique faisant la part belle à la mort, la destruction et la manipulation (à grands renforts de drogues hallucinatoires), Joseph Seed se positionne comme un prophète à la fois posé et totalement givré, manipulant les mots et les foules comme personne. Si le personnage en lui-même n’est pas fondamentalement menaçant sur le plan physique, sa force et son influence sur le plan psychologique a de quoi régulièrement faire froid dans le dos. Quant à ses frères et sœur, ils bénéficient chacun d’un traitement particulier leur épargnant les allures de subalternes lambda. Point commun aux quatre personnages : chacun nous offre au fil de l’aventure son lot de séquences hallucinées et hallucinantes aux influences diverses. De quoi assurer le quota de folie propre à la licence, depuis l’introduction forte en émotions, en passant par une aventure certes décousue, mais variée et riche en moments et personnages forts (et oui, Hurk et Willis sont de retour !), jusqu’à un final aussi couillu que proprement apocalyptique qui devrait faire date.
Bref, vous l’aurez compris : sur le plan des méchants et de l’intrigue, si il ne la révolutionnera pas, Far Cry 5 reste au moins dans la (bonne) tradition de la licence. De même sur le plan de la durée de vie (15-20h pour la campagne, le double avec les quêtes annexes et défis) et des décors, si bien qu’on vous met au défi de ne pas être tenté de partir dans le Montana pour vos prochaines vacances. Après l’Himalaya de Far Cry 4 et la Bolivie de Ghost Recon Wildlands, Ubisoft confirme son talent dans la création des environnements sauvages, autant en termes de flore que de faune (attention aux loups et aux grizzlis !). On regrettera juste que le Montana de Far Cry 5 ne soit pas aussi varié que l’Himalaya de Far Cry 4. Au rang des autres bémols, outre certains combats de boss ratés (coucou Faith Seed !), on citera quelques légers bugs ici et là, une physique parfois étonnante (ah, la poésie d’un bateau qui s’envole dans les cieux) et une IA ennemie bancale (notamment si vous la jouez infiltration), mais qui reste tout de même apte à offrir son lot de séquences mouvementées. En somme, bien peu de choses comparé à la réussite de l’ensemble. D’autant que non content de reprendre plusieurs ingrédients-clés de la licence (dont l’éditeur de niveaux), Far Cry 5 se met également en danger en apportant son lot de nouveautés.
En premier lieu, on citera l’enchaînement des missions. Une fois l’introduction terminée, les trois régions du jeu (chacune dirigée par un des trois frères/sœur de Joseph Seed) seront accessibles, ainsi que leur lot de missions principales comme secondaires (accessibles à la demande des PNJ alliés ou de votre exploration spontanée) et que vous pourrez remplir au gré de vos envies. Pour imager, il sera ainsi possible de compléter les missions d’une région, puis passer à la suivante et ainsi de suite, ou bien alterner entre les missions des trois régions. La bonne idée de Far Cry 5 étant de faire progresser l’intrigue principale (notamment les rencontres avec les Seed) indépendamment de ces missions. En effet, au fur et à mesure que vos exploits remettront leur influence en cause, ce sont les Seed eux-même qui viendront vous chercher des noises entre deux missions. Un système à la fois original et bien trouvé, mais qui donnera parfois lieu à des transitions capillotractées (il est arrivé à votre serviteur d’être en pleine séance de wingsuit dans les cieux avant de se réveiller brusquement aux mains d’un Seed). Côté déplacement, on saluera l’arrivée des avions et des hélicoptères de transport ou de combat. Les cieux étant tout aussi surveillés que les routes, inutile de dire qu’il vous faudra savoir jouer du manche à balai pour survivre. Pas de panique toutefois : outre les véhicules terrestres, aériens et maritimes, les points de déplacement rapide sont aussi de retour, accompagnés de la possibilité d’effectuer un largage aérien (pratique pour la wingsuit, surtout compte tenu de la verticalité moindre des niveaux comparé à Far Cry 4), même si il faudra passer par l’arbre de compétences pour le débloquer.
Précisons d’ailleurs que, outre les upgrades habituels, c’est désormais l’arbre de compétences qui gérera les diverses améliorations autrefois liées au craft d’animaux (notamment concernant la quantité d’armes/munitions que vous pouvez porter), de quoi faire plaisir quand on se rappelle les longues heures passer à chasser en quête d’une vulgaire peau de tatou dans les précédents volets. Autre bon point, la disparition des tours radio pour dévoiler la map, remplacées par la libération des camps ennemis (où vous trouverez également des cartes de la région). De même, outre les missions secondaires, le monde de Far Cry 5 contient bon nombre de quêtes aléatoires (libération d’otage, destruction de matériel ennemi…) qui, bien que répétitives, viendront régulièrement pimenter vos déplacements. Enfin, abordons le système de compagnons qui vous permettra, parmi une liste donnée, de sélectionner un PNJ (humain ou animal) qui vous accompagnera dans votre quête et à qui il se possible de donner des ordres simples (suivre, aller à une position, attaquer un ennemi…). Chaque compagnon ayant ses compétences propres (ex : le chien permet de marquer les ennemis proches de lui, le pilote peut attaquer depuis les airs) et considérant que vous pouvez diriger simultanément jusqu’à deux compagnons, leur aide sera rapidement très précieuse. Et si aucun ne répond à vos souhaits, il restera possible de recruter certains acolytes lambda sur le bord de la route ou de jouer en coopération avec un ami. D’ailleurs, concernant la route, signalons le retour de l’option de conduite automatique qui donnera souvent lieu à des scènes de poursuite/tir assez endiablées, lesquelles ne seront pas sans rappeler les fleurons du film d’action.
Pour conclure sur un aspect plus technique, impossible de ne pas aborder le moteur Dunia qui fait une nouvelle fois des merveilles, notamment en termes de rendu des décors et des lumières (on sera souvent tenté de s’arrêter simplement pour regarder le paysage). Mention également au rendu des éléments enflammés. Par contre, on ne dirait pas non à un petit upgrade au niveau de la modélisation et l’animation des visages, mais c’est vraiment pour pinailler tant le rendu actuel n’entache en rien le jeu des acteurs. A ce titre, si la VF est correcte, on vous conseille de jouer en VOST pour profiter au mieux de la performance des comédiens. Le reste de l’aspect sonore n’est d’ailleurs pas en reste, depuis le rendu des armes et véhicules jusqu’aux bruitages liés à la faune et la flore qui finissent de rendre ce Montana virtuel réellement palpable. Enfin, impossible de ne pas citer la musique originale, proprement envoûtante, et joliment secondée par des musiques tierces très bien choisies. Un autre ingrédient de la recette Far Cry, toujours au rendez-vous depuis Skrillex dans Far Cry 3.
A bien des égards, Far Cry 5 reprend la plupart des ingrédients-clé qui font le succès de la licence depuis le troisième opus. Mais plutôt que de reproduire la recette à la lettre en se contentant d’en changer le plat de service, ce cinquième volet prend enfin des risques, corrigeant les éléments qui méritaient de l’être, ajoutant de nouveaux ingrédients qui viennent pimenter l’aventure (la progression non-linéaire, le système de compagnons…) tout en retirant ceux qui laissaient un arrière-goût mitigé (les tours-radio, le système de craft…). L’ensemble n’est pas encore totalement parfait, la faute à quelques soucis de dosage (l’IA ennemie, quelques bugs ici et là), mais l’effort et le résultat sont bien là et permettent à la licence Far Cry de conserver son sans-faute depuis Far Cry 3, ainsi que son titre de licence AAA la plus barrée et jouissive d’Ubisoft.
DLC : Hours of Darkness
Après nous avoir entrainé dans l’Amérique profonde contemporaire, Far Cry 5 opère un petit voyage spatio-temporel en nous envoyant en pleine guerre du Vietnam le temps de ce premier DLC, baptisé Hours of Darkness (toute référence à un certain documentaire sur Apocalypse Now serait évidemment fortuite… ou pas). L’occasion d’une incursion en pleine jungle après que votre hélicoptère se soit fait abattre par ce bon vieux Charlie et que vous retrouviez enfermé dans un camp de prisonniers. Si ce début d’intrigue de Hours of Darkness laisse espérer un scénario dans la veine de Voyage au Bout de l’Enfer, il suffit de quelques instants de jeu pour comprendre que ce DLC est en fait assez chiche sur le plan de l’histoire, celle-ci se résumant, une fois enfui du camp de prisonniers, à rejoindre votre point d’extraction à l’autre bout de la map et… c’est à peu près tout.
En effet, alors que le contexte historique et les possibilités du moteur de Far Cry 5 laissaient la porte ouverte à un DLC mémorable, pouvant jouer la carte du sérieux ou sinon du gros délire de série B hérité de Blood Dragon (dont il reprend l’intro façon BD animée), Hours of Darkness rate un peu le coche en se contentant de nous offrir un décor luxuriant et de placer ici et là différentes quêtes – étrangement facultatives – faites d’équipiers (contrôlables comme dans Far Cry 5) ou de prisonniers lambda à libérer, d’armes à détruire, de camps à libérer, de gradés à abattre, de haut-parleurs de propagande à faire taire… Et à peu de choses près, c’est à peu près tout. Oui, c’est un fait, Hours of Darkness est un peu léger en contenu, se résumant à un condensé des diverses quêtes annexes qui jalonnent Far Cry 5, heureusement sauvé par les possibilités destructrices du moteur Dunia (surtout si vous faites appel au soutien aérien, assez jouissif). Contraintes techniques, paresse des développeurs ou planning trop serré ? Difficile à dire, mais en l’état, à l’exception d’un assaut final assez sympathique et d’une ultime phase de jeu héritée directement de Far Cry 3, Hours of Darkness risque bien de laisser un goût mitigé dans la bouche de ceux qui n’auront pas la patience de faire l’ensemble des quêtes pour atteindre les 100% et qui se léchaient déjà les babines à l’idée d’une digne plongée dans le conflit vietnamien à la sauce Far Cry.
C’est d’autant plus dommage que ce DLC ne manque pas de qualités, notamment sur le plan esthétique avec sa jungle luxuriante dont la densité n’entame en rien les performances de jeu, prouvant une nouvelle fois l’excellente optimisation du moteur Dunia depuis Far Cry 4. Le gameplay conserve toutes les qualités de Far Cry 5, depuis la roue des armes aux ordres simples à donner aux équipiers. Si les nouveaux personnages manquent clairement de personnalité, leur modélisation et leurs animations restent dans la lignée de Far Cry 5. Tout comme les bruitages et surtout la musique qui, sans aller jusqu’à nous offrir les plus célèbres morceaux musicaux liés au conflit, n’oublie tout de même pas d’offrir son lot de surprises et d’originalité à un DLC finalement assez banal.
Car oui, loin d’être mauvais, Hours of Darkness souffre surtout de son manque d’originalité et de prise de risque. Quasi-absence de scénario, personnages bateaux, missions peu inspirées, durée de vie de seulement deux à quatre heures (voire moins si vous occultez les quêtes et foncez directement au point d’extraction)… Ce premier DLC de Far Cry 5, au goût d’inachevé, ne doit son salut qu’au plaisir d’arpenter une jungle vietnamienne marquée par la guerre et surtout aux possibilités toujours aussi défoulantes du moteur Dunia, notamment dans l’ultime partie du DLC.