1986, Dallas, Texas, une histoire vraie. Ron Woodroof a 35 ans, des bottes, un Stetson, c’est un cow-boy, un vrai. Sa vie : sexe, drogue et rodéo. Tout bascule quand, diagnostiqué séropositif, il lui reste 30 jours à vivre. Révolté par l’impuissance du corps médical, il recourt à des traitements alternatifs non officiels. Au fil du temps, il rassemble d’autres malades en quête de guérison : le Dallas Buyers Club est né. Mais son succès gêne, Ron doit s’engager dans une bataille contre les laboratoires et les autorités fédérales. C’est son combat pour une nouvelle cause… et pour sa propre vie.
L’avis de Manu Yvernault :
Jean-Marc Vallée a su mettre en avant la qualité de sa mise en scène avec C.R.A.Z.Y., qui, avouons le, perd un peu de sa force lors d’un second visionnage. L’effet séducteur des nombreux effets de styles masque plus difficilement l’ambition modérée d’un scénario original dans sa forme certes, mais déjà visité.
Dallas Buyers Club semble vouloir flirter avec le cinéma indépendant US par ses gênes. Or, on retrouve régulièrement un côté cheap dans la réalisation qui si elle n’est pas honteuse manque parfois d’envolées. Si on ajoute à cela une photo plutôt terne et laiteuse, l’aspect visuel de Dallas Buyers Club n’est clairement pas sa force. Ce point ne gâche pourtant pas l’interprétation et le sujet même du film.
À ce titre, les clichés négatifs des années 80 sur les homosexuels et le sida sont traités de manière intéressante. Le réalisateur vise même plus large avec les thèmes du racisme et du sexisme. Sur ce point tout est traité avec talent et application. C’est donc plus sur le plan formel que le film perd des points car si Dallas Buyers Club s’inscrit dans les films à la mise en scène honorable, au parfum des 80’s, difficile de voir celui-ci comme mémorable. La faute semble être imputée à Jean-Marc Vallée qui voudrait imiter une grammaire cinématographique plutôt que d’imposer la sienne. Très difficile de reconnaître la patte Vallée dans cette copie d’un film qu’on sent comme fabriqué pour le festival de Sundance.
Ce défaut, s’il n’est pas majeur mais notable, finit par être anecdotique quand éclate la prestation éblouissante de Matthew McConaughey. Certains diront qu’il est facile de mettre en avant une composition quand il y une transformation corporelle. Ce qui est bien sûr le cas ici. L’acteur est méconnaissable, filiforme et nous rappelle Christian Bale dans The Machinist sur le plan physique. Mais toute composition ne peut être de cette ampleur si l’acteur ne prend pas la mesure de son personnage. Et, encore une fois depuis quelques films, Matthew McConaughey surpasse nos espérances. Il donne corps à son personnage, le hisse en haut des prestations du genre, par son jeu, son élocution, comme par le moindre mouvement du visage, et toute la gestuelle, pour créer un Ron Woodroof de haute volée. C’est simple on repense au travail de Daniel Day Lewis dans My Left Foot, c’est dire le sérieux qu’impose dès lors le comédien et la place qu’il doit avoir maintenant à côté des plus grands après quelques années de disette.
Malgré toute la présence que prend ce dernier il serait injuste de ne pas également parler de Jared Leto qui pour son retour au 7ème art emboîte parfaitement le pas de son aîné. Aucunement effacé devant la prestation du rôle principal, l’acteur trouve une place importante dans le film et fait de son personnage un élément complémentaire, sinon nécessaire à la puissance humaine que dégage le film. Hélas, malgré tous ses efforts, Jennifer Garner n’arrive jamais à se hisser au niveau de ses deux partenaires, ce qui créer un déséquilibre profond entre les trois protagonistes. Pas de quoi enlever la force principale à l’interprétation mais on en vient à se demander comment la comédienne a pu intégrer le casting. Ce qui est dommageable puisque son rôle, important, tant sur le plan narratif qu’émotionnel, méritait plus de charisme et de moins sur-jouer.
Heureusement, Dallas Buyers Club ne perd que très peu de sa force sur ce plan et trouve un équilibre entre une mise en scène somme toute quelconque et des interprétations proches de la perfection.
On retient également de cette mise en scène le regard porté sur une société effrayée par une maladie qu’elle connaissait mal et ce petit caillou dans la chaussure de l’industrie pharmaceutique qui déjà, et depuis tout temps, fait toujours passer des intérêts financiers avant la santé humaine. C’est d’ailleurs dommage que Jean-Marc Vallée n’est pas tutoyé le mercantilisme absurde et honteux de ce conglomérat aux pouvoirs trop étendus, et ce à travers le formidable personnage de Ron Woodroof. Petite frustration donc, compensée tout par un Matthew McConaughey revenu de la rom-com pour s’installer définitivement, il semblerait, dans les hautes sphères des acteurs indispensables (une confirmation se fera probablement lors de The Wolf of Wall Street).
Si Dallas Buyers Club n’explore pas totalement son sujet, notamment par un manque d’ambition de mise en scène, surtout dans sa forme, le film éblouit par sa direction d’acteurs et le jeu immense de ces deniers. On finit complètement subjugué par l’exploration d’un personnage dans toute sa démesure par un Matthew McConaughey qui porte à lui seul le film sur ses épaules. En résulte une œuvre où la finesse et l’émotion sont convoquées à la même enseigne.