Adonis Johnson n’a jamais connu son père, le célèbre champion du monde poids lourd Apollo Creed décédé avant sa naissance. Pourtant, il a la boxe dans le sang et décide d’être entraîné par le meilleur de sa catégorie. À Philadelphie, il retrouve la trace de Rocky Balboa, que son père avait affronté autrefois, et lui demande de devenir son entraîneur. D’abord réticent, l’ancien champion décèle une force inébranlable chez Adonis et finit par accepter…
L’avis de Yanick Ruf :
Malgré l’aura internationale acquit avec son premier film, Fruitvale Station, Ryan Coogler avait laissé certes une bonne impression, mais sans trouver sa réputation usurpée; le film souffrait de quelques boursoufflures, des errances de facilité dans lequel il s’enfonçait régulièrement, ne prenant aucun recul sur son récit et encore moins sur la relecture du fait divers qu’il tentait de mettre en scène. A la tête d’un projet un peu plus mainstream, et au budget plus conséquent, on pouvait au moins jeter un œil curieux sur son spin-off de Rocky, porter son attention sur le (sous-)chapitre 7 de la longue franchise dont Sylvester Stallone est à jamais l’icône et unique représentant.
Et sans atteindre les sommets d’un film oscarisable en cette période, on doit admettre un réel savoir-faire et un vrai plaisir de découvrir Creed.
La bonne idée de Ryan Coogler est d’avoir pris une direction proche de l’hommage, plus que de la suite facile et purement mercantile. Si Creed est effectivement un film qui se suffit à lui-même, il est également et surtout à l’image d’une suite de Rocky Balboa, sixième et brillant opus, tant par son existence au sein d’une des mythologies cinématographiques les plus populaires, que dans ce que le film tentait de raconter et de clore. Exit ici tous les affres les plus ridicules de la franchise, période fin des années 80, qui laissent place à un vrai vocabulaire de mise en scène comme un propos soigné, intelligent et sensible. On flirte parfois avec les codes du film indépendant, lumière, cadre, caméra épaule, pour créer une sorte de cinéma vérité ; certains plans font preuve d’une vraie intelligence de cadre quant au propos de l’instant sucité. Et la photo de Maryse Alberti, chef opératrice sur The Wrestler n’est pas étrangère à cet effet. Ryan Coogler efface donc les doutes qu’on pouvait avoir quant à la sincérité de mettre ce projet en route. Oui Hollywood recycle à l’infini mais parfois le savoir-faire est au rendez-vous. Comme ici.
Mais la plus grand surprise, entrevue déjà lors du précédent opus, c’est la force que Sylvester Stallone dégage aujourd’hui en tant qu’acteur, sur ce rôle. Il imprègne l’écran de tout son charisme et de sa force vieillissante et vacillante, sans vraiment se cacher de certains apparats dont Hollywood semble friand quant à l’image de l’acteur qui ne doit pas vieillir. Sa voix caverneuse et son regard de Droopy habillent parfaitement le jeu d’un comédien parfois raillé mais qui ici trouve un de ses plus beaux rôles. Entre émotion et nostalgie, sous forme méta acteur-personnage, même si le film ne semble pas assez se détacher de la charnière Rocky et être un film à lui seul, Creed envoie un joli uppercut entre hommage d’un fan de moins de trente ans et réalisateur sur le point de confirmer. Jolie surprise, le film de Ryan Coogler offre un très agréable moment de cinéma, catégorie film sportif, ainsi que la plus belle des portes de sortie pour un personnage, icône des années 80, tout comme à son acteur qui tire définitivement sa révérence sur les plus hautes marches de Philadelphie, avec l’image de bras levés, le regard tourné enfin vers une certaine consécration dans la cour des grands.
Moment coupable d’un cinéma mainstream, Creed l’est assurément avec la ceinture discrète de petit film aux grands effets.