Dans un futur proche, la population, opprimée par une police entièrement robotisée, commence à se rebeller. Chappie, l’un de ces droïdes policiers, est kidnappé. Reprogrammé, il devient le premier robot capable de penser et ressentir par lui-même. Mais des forces puissantes, destructrices, considèrent Chappie comme un danger pour l’humanité et l’ordre établi. Elles vont tout faire pour maintenir le statu quo et s’assurer qu’il soit le premier, et le dernier, de son espèce.
Avis de Manu :
Neil Blomkamp avait sacrifié sur l’autel de la rentabilité, le fond de son avant-dernier film, Elyisum. Moins emprunt que District 9, le film avec Matt Damon en tête d’affiche, malgré son panache visuel, sentait l’épopée SF robotisée dans son schéma narratif vu et revu, et rouillée dans son allégorie sociale, voire tout simplement dans son récit.
Pour Chappie le réalisateur ne change pas de créneau, mais se détache enfin d’un schéma trop manichéen et revient aux «origines». Toujours sur la voie du film d’anticipation à consonance SF, cette fois Neil Blomkamp insuffle une vraie direction scénaristique à son histoire. Sous les contours de l’intelligence artificielle, le réalisateur navigue au plus proche de l’éducation et ce qui pourrait être lié à l’enfance. Et c’est par le biais d’une conte futuriste qui tend à dépeindre son propos.
Peu évident à la vue de la tâche imposée et du ridicule qui pouvait naître une fois la problématique du film mis en place. Et pourtant c’est par un savant dosage d’humour et d’émotions qu’il réussit à tenir son film du début à la fin. Même les séquences les plus risquées (Chappie imitant ses « pairs » gangsta) tiennent très bien leur place dans le film. Si la réussite est à nouveau au rendez-vous, c’est par le retour de Neil Blomkamp sur un terrain qu’il maîtrise parfaitement, en résonance de ce qu’il avait accompli sur District 9, celui de personnages travaillés, plus subtils qu’ils ne paraissent et ce en chair ou en câbles.
Là où certains ne verraient que le ridicule enfantin d’un film pour fan de SF, ce serait oublier l’accent prononcé du film à tendre vers le conte pour enfant. De nombreux éléments sont là pour en attester, jusqu’à l’abandon dans la cité, «forêt-jungle» urbaine qui n’est pas sans rappeler, sur ça et d’autres points, les contes des frères Grimm. Mais la dimension émotionnelle du film ne s’arrête pas ici puisque dans ses élans métaphysiques le film répond encore présent. Sens de l’éducation, de la mort, du libre-arbitre, rapport au corps et à la pensée tout y passe au sens large, mais avec précision et attention.
Le versant artistique n’est pas en reste puisque le film est une démonstration de ce qui peut se faire de plus crédible en effets spéciaux, inscrits dans un décorum post-apocalyptique urbain dont Blomkamp reste fidèle; l’univers de Chappie est vraiment sublime à regarder.
On n’oublie pas la qualité de mise en scène de Neil Blomkamp qui traite une fois de plus toute la matière vidéo mise à sa disposition, et qu’il parsème dans le film (vue robotisée, caméra subjective, images de news, d’archives, caméra intégrée à la robotique…), ses cadres parfaits (proches de ce que fait Gareth Edwards) et le talent de son chef opérateur, Trent Opaloch. L’aspect artistique, décors, objets, compilation de détails qui définissent parfois très subtilement un personnage, sont également très soignés. Si on ajoute à cela une B.O. composée par un Hans Zimmer très en forme, probablement une de ses meilleures, l’ensemble prend alors des allures de film SF plus que savoureux.
Le casting quant à lui est plutôt agréable avec un Hugh Jackman « mulette » power qui change de registre et le duo Die Anterwood plutôt efficace pour une première apparition en tête d’affiche.
Chappie offre plus que ce qu’on pouvait espérer d’une campagne de communication heureusement discrète (comparée à d’autres). C’est un pur divertissement qui n’oublie pas d’être intelligent, sans manichéisme facile et se risque dans un difficile mix compliqué d’évoquer les problèmes sociaux actuels, de l’émotion, du futur du tout robotique. Certains y verront une naïveté passive et bon enfant quand un regard plus sérieux mérité d’être posé sur ce film, par la richesse de son fond et une certaine beauté auteuriste de sa forme.
Si certaines séquences peuvent à ce titre se déconnecter du reste c’est pour mieux construire le film sur un édifice solide, ce qui manquait cruellement à Elyisum et son discours raccourci.