À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego…
S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir…
Avis de Manu
Quatre, quatre ans qu’on attendait le nouveau Alejandro González Iñárritu. Des années nécessaires à l’écriture et à la mise en production et réalisation de son dernier chef d’œuvre.
Il est bien ici question de chef d’œuvre, une fois encore imputable au talent immense du réalisateur. Avec en prime, un choix radical de mise en scène, éloignée des sublimes Amores Perros, 21 Grams ou Babel qui s’unissaient tel un triptyque dans leur forme précise ; celle des allers/retours narratif. Biutiful avait ouvert la voie, Birdman la sublime, d’abord sur le plan formel. Ce faux plan séquence maîtrisé du premier au dernier plan impressionne par la virtuosité qui défile devant nos yeux. Toujours en mouvement, la caméra ne laisse rien au hasard, tous les déplacements sont pensés, pesés et justifiés. On confine au sublime dans ce ballet, version off de Broadway. Illuminé par la photo majestueuse d’Emmanuel Lubezki (enfin récompensé avec Gravity l’année dernière), qui utilise une lumière théâtrale mais également naturelle comme de l’artificielle, dans un mélange parfait.
Si Birdman transpire cet effet constant de Grand Huit sans fin, c’est également en conjuguant un récit, un propos et une interprétation qui tutoie les sommets. Regard pertinent de l’après, dans un système qui dévore ses artistes par sa force consommatrice, dans le vortex du spectacle furtif. Alejandro González Iñárritu s’interroge sur la place de l’acteur sur le théâtre des critiques (médias mais aussi du public). Fin observateur des névroses humaines, le réalisateur fouille la psyché humaine, créative et ce jusque dans ses plus obscurs retranchements. On peut admettre que certains s’y sont déjà aventurés, peu d’originalité sur ce point, mais jamais de cette manière.
Artère de ce mouvement, de ce désir transposé, Michael Keaton. Acteur majeur, souvent ignoré ou sous estimé, (on pourra conseiller de revoir ses prestations chez Tarantino…) fait d’ores et déjà de sa prestation une des plus belles de 2015. On se répète souvent en ce moment sur ce point, période Oscar oblige, mais on lui souhaite vraiment de repartir avec la statuette dorée.
Difficile de ne pas citer le reste du casting, brillant, éclatant, Edward Norton, Naomi Watts, Emma Stone, Zach Galifianakis et Andrea Riseborough semblent faire un tout et être le reflet de ce que peut être une troupe dans ses travers les plus obscurs.
Que dire de l’intelligence même du scénario. Evoquant une pièce de Raymond Carver, l’aspect minimaliste des œuvres du poète se retrouve dans la forme même de Birdman qui s’attache plus à parler des hommes que de leurs faits et gestes. Alejandro González Iñárritu s’attache donc plus à l’évolution de ses personnages que cabotiner dans les méandres d’un scénario complexe. C’est par la force de dialogues géniaux et parfois très drôles que le rythme est donné, suivi d’une mise en scène, toujours en mouvement, qui colle parfaitement au sujet. Cadencée avec une bande son uniquement composée d’un batteur Antonio Sanchez qui lui apporte une note sonore originale au film.
Birdman (avec Foxcatcher) est le vrai coup de cœur de cette rentrée. Jouant habilement sur l’illusion du succès, du point de vue spectateur et acteur, Alejandro González Iñárritu, continue sa filmographie sans faute. Il a su prendre les risques d’une nouvelle mise en scène, audacieuse, qui semblait risquée sur la papier mais qui tutoie la béatitude cinématographique. Cet ensemble de fond et de forme ne pouvait se jouer que sur le théâtre du 7ème art par un auteur dont le plaisir de filmer transpire à chaque plan. Retour majeur d’un acteur, confirmation d’ampleur d’un réalisateur.
Quatre ans après le décevant Biutiful le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu est revenu en pleine forme avec Birdman, triomphe mérité aux derniers Oscars avec notamment les statuettes de meilleur film et meilleur réalisateur.
Délaissant les récits éclatés, sa marque de fabrique à l’époque de sa collaboration avec Guillermo Arriaga pour Babel et 21 grammes, Iñárritu opte ici pour une linéarité, on le verra traversée d’échappées oniriques, en se focalisant sur le parcours émotionnel d’un comédien, un récit resserré sur une poignée de jours avec une quasi unité de lieu, un théâtre à Broadway. Birdman est une plongée dans les coulisses d’un théâtre new-yorkais, ses répétitions contrariées par des problèmes d’égo, des soucis sentimentaux et dans la psyché d’un ancienne vedette de cinéma, célèbre pour son interprétation d’un super-héros 20 ans auparavant, en proie au doute et à l’angoisse quelques jours avant la première de sa pièce.
Riggan Thomson est un personnage délité, avec sa mauvaise conscience Birdman, en train de disparaître. Il est la figure universelle de l’artiste égotiste, en mal de reconnaissance, en manque d’amour. Pour incarner ce comédien Iñárritu a fait l’excellent choix de Michael Keaton, interprète également d’un super-héros iconique en 1989 et 1992, Batman. Le comédien, à la carrière en dent de scie, quelques leading role dans les années 90 dans des films peu convaincants et échecs au box-office (Le journal, Mes doubles, ma femme et moi) puis beaucoup de seconds rôles plus ou moins marquants chez Barbet Shroeder, Steven Soderbergh et Quentin Tarantino, a sans doute trouvé ici le rôle de sa vie, plein de nuances. Michael Keaton est bien entouré notamment par Edward Norton, en comédien infatué découvrant petit à petit des failles personnelles, Naomi Watts en artiste en manque de reconnaissance et Emma Stone en assistante névrosée.
Enfin Birdman séduit grâce à son dispositif narratif avec son plan-séquence unique (plan unique factice, fait de coutures invisibles à la manière de La corde), justifié par ce resserrement spatial et temporel. L’idée de flottement psychologique du personnage est accompagnée par une caméra en liberté, dans les couloirs du théâtre comme dans les rues de New-York avec un Birdman/Riggan délivré de la pesanteur terrestre. La mise en scène, d’une belle fluidité, navigue avec aisance du drame à la comédie, avec une pointe de surréalisme et ces envolées oniriques, superbes moments de poésie. Birdman louvoie, avec une virtuosité épatante, entre ironie mordante sur le monde du show-business, drame existentiel avec confessions intimes bouleversantes et onirisme avec les interventions du double ailé. Le duo Iñárritu/Keaton livre avec Birdman un film original, vraiment brillant.
Technique
Le piqué d’excellente facture délivre une quantité de détails très appréciables. La colorimétrie très riche est fidèle au travail du directeur de la photo Emmanuel Lubezki, oscarisé pour Gravity et pour Birdman.
Le travail sonore est du même acabit surtout avec la piste anglaise DTS-HD Master Audio 5.1, une spatialisation remarquable pour une immersion idéale dans l’univers du personnage principal interprété par Michael Keaton.
Bonus
Les suppléments de cette édition hd Fox comprennent tout d’abord une plongée intéressante dans les coulisses du film (33′). L’occasion de voir le réalisateur Alejandro González Iñárritu au travail, jouer tous les rôles lors des répétitions où le maître mot est contrôle, maîtrise des déplacements, du jeu des acteurs pendant les longs plans séquences dans le décor du théâtre reconstitué en studio.
Pour compléter ce module de making-of est proposée une passionnante conversation avec Michael Keaton et Alejandro G. Iñárritu (14′). Le réalisateur s’est attaché à transmettre « la nature contradictoire du personnage, en perpétuel changement ». Son intention était que « le public voit le film à travers les yeux de Riggan Thomson, que le public ressente ce qu’il ressente ».
Enfin est proposée une galerie photos sur le plateau de tournage.