Le 4 novembre 1979, au summum de la révolution iranienne, des militants envahissent l’ambassade américaine de Téhéran, et prennent 52 Américains en otage. Mais au milieu du chaos, six Américains réussissent à s’échapper et à se réfugier au domicile de l’ambassadeur canadien. Sachant qu’ils seront inévitablement découverts et probablement tués, un spécialiste de « l’exfiltration » de la CIA du nom de Tony Mendez monte un plan risqué visant à les faire sortir du pays. Un plan si incroyable qu’il ne pourrait exister qu’au cinéma.
Avis de Manuel Yvernault :
Ils sont rares, voire très rares depuis une dizaine d’années (à peine tassées) où annuellement les films nous rappellent que le cinéma est avant tout un art, celui de raconter une histoire, de porter des émotions avec talent. Tellement rares que finalement, chaque année écoulée, seule une petite quinzaine de films pourraient nous rappeler aux bons souvenirs d’un cinéma, proche d’un classicisme dans le sens noble du terme.
Argo en fait partie. S’il ne prend pas les contours de chef d’œuvre, le nouveau film de Ben Affleck a le mérite de subvenir à l’essence même d’un cinéma classique et de grande qualité. Le réalisateur se targue d’avoir pris comme références Les hommes du président et Meurtre d’un bookmaker Chinois…autant dire deux films majeurs de grands, voire d’immenses cinéastes, respectivement Alan J.Pakula et John Cassavetes.
La barre est donc haute, très haute, autant dire infranchissable. Il ne faudra donc pas attendre d’Argo une telle conjugaison de talents mais surtout un cinéma d’inspiration très présent dans la mise en scène.
Pour les réfractaires, c’est acté : Ben Affleck est un grand cinéaste et celui qui avait fait de Gone Baby Gone un entrainement et The Town une belle entrée dans la compétition des films à retenir, confirme son statut d’acteur-réalisateur dans la cour des grands avec Argo. Sa recette est simple mais plus difficile à mettre en œuvre qu’il n’y paraît puisque tout un pan de la production cinématographique actuelle n’y arrive pas. Faire du cinéma avec un sens aigu, mature et intelligent de la mise en scène. Voilà le sens de la réalisation de Ben Affleck. Totalement référent à un cinéma des années 70, il arrive à conjuguer faits historiques (pas si lointains que ça et presque encore actuels) et thriller politique avec un soupçon d’humour, intelligent toujours qui procurent au film les ressources essentielles à son dénouement.
Rares sont ceux qui arrivent à surprendre le spectateur au jeu du « mais vont-ils y arriver ? » tout en connaissant la fin. Brillant sur ce point.
En plus d’un talent de metteur en scène (son sens du cadre et choix de focale est remarquable de virtuosité), force est de constater que la qualité de sa direction d’acteurs est parfaite, très bien entouré il est vrai, Cranston, magnétique, Barkin, charismatique, Goodman, multicarte et Chris Messina, de plus en plus présent depuis 2 ans et sans doute à suivre. C’est avec ce savoir-faire indéniable qu’il dirige ses comédiens, au plus juste, et donne à Argo toute la crédibilité que l’entreprise demandait en tant que récit de faits géopolitiques avérés.
Ben Affleck joue habilement avec ces transitions géographiques, exercice qui peut sembler simple sur le papier mais qui mal mis en scène peut perdre le spectateur ou casser le rythme de l’ensemble. Ici, la cadence métronomique de la réalisation, toujours haletante, rend captivant ce récit de bout en bout.
Le film est presque découpé en 2/3 parties, oscillant régulièrement entre différents tons, drame, thriller, charge historique, sans pour autant tomber dans la propagande. Au contraire, la CIA des années 70 se veut épinglée et permet à Affleck de resserrer petit à petit son récit avant tout sur une épreuve humaine où l’intelligence de coopération de deux nations est mise en avant.
Par le choix de cette mise en scène classique et un sens moderne du dialogue, Argo procure un souffle bienvenu dans un cinéma qui manque parfois de relief et de contenu. Sans être un chef d’œuvre avant l’heure, le film reste classique, maîtrisé et intelligent, sans oublier d’être touchant par l’héroïsme et les valeurs humaines.
Si classique qu’on ne serait étonné de voir son nom figuré aux nominations à la prochaine cérémonie des Oscars et Argofuck-yourself devenir une réplique presque culte !