Le cinéma historique couvrant les différents conflits mondiaux modernes est riche allant de la première guerre mondiale jusqu’à la guerre en Irak en passant par la guerre du Vietnam ou encore les affrontements entre factions au Rwanda. Cependant, peu de cinéastes ont eu pour sujet, thématique de couvrir le conflit angolais au cours des années 70. C’est tout le pari que relève le duo de cinéaste Raùl de la Fuente et Damian Nenow avec Another Day Of Life, à travers la chute des colonies portugaises et la naissance violente de l’Angola indépendant.
Notre article se divisera en deux parties :
I) La critique de Another Day Of Life
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray
L’avis de Quentin :
I) La critique de Another Day Of Life
Another Day Of Life est une adaptation de l’oeuvre de Ryszard Kapuscinski du même nom. Le film revient sur le reportage qu’a effectué, le journaliste polonais en Angola en 1975. Les cinéastes ont opté pour le cinéma d’animation pour mettre en image cette page d’histoire trop méconnue et pourtant décisive dans le déroulement de la guerre froide et plus particulièrement dans l’histoire des peuples africains.
On revient sur l’après décolonisation de l’Angola par le Portugal menant à une guerre civile entre deux fronts le MPLA, soutenu par le bloc communiste et l’UNITA soutenu par la CIA, les Etats-Unis. Le peuple angolais réclamant en grande partie le soutien MPLA pour construire le premier pays africain entièrement indépendant. Néanmoins, l’enjeu est trop important plongeant le pays dans le chaos. Les plus grandes forces mondiales poussent l’UNITA à s’imposer par la force afin que la CIA puisse disposer d’un droit de regard et d’action sur l’Angola et plus globalement à long terme sur d’autres pays d’Afrique.
A travers, Another Day Of Life, on découvre un Etat déchiré, luttant pour ses droits. Au cours de son périple, de Luanda jusqu’au sud du pays, Kapuscinski va rencontrer de nombreuses personnalités du MPLA, et dessiner le visage d’un pays en pleine mutation. On reste sidéré par de telles actions, de telles violences perpétrées et dont aujourd’hui nous entendons tout juste parler. Le film en devient un devoir de mémoire essentiel pour comprendre l’organisation politique d’une grande partie des pays d’Afrique.
De plus, le film remplit parfaitement sa mission, de se remémorer l’histoire du pays. Il se forme à travers trois approches narratives, la fiction pour les scènes d’animation, le documentaire avec des images actuelles du pays et enfin des entretiens avec des personnalités ayant rencontré le reporter polonais. L’imbrication de ces trois propositions, permet une véritable cohérence, profondeur et fulgurance au long-métrage. On y découvre de manière parallèle le conflit militaire de 1975 avec des images du pays de nos jours. Une manière de montrer l’importance et les débouchées qu’ont apporté la lutte pour l’indépendance. De plus, les témoignages permettent de mettre en relief les personnages que l’on rencontre dans la fiction des années 70 et leur vision actuelle sur les changements et l’évolution politique qu’ont connu l’Angola.
Le film permet également de mettre en lumière la profession de reporter et ses différentes contraintes. On y voit la difficulté de travailler avec neutralité lorsque les informations que l’on détient peuvent jouer à défaut pour tout un peuple. Une analyse fine et réussie d’un métier à la fois périlleux et fascinant.
Le long-métrage renferme différentes facettes allant de l’humour au cinéma expérimental tout en passant par des scènes de terreur, d’euphorie, de joie. Ce drame historique est raconté d’une façon si directe qu’elle saura captiver le regard de tous les publics. Le rythme du film étant particulièrement haletant de par ses changements de registre. Cependant, les cinéastes ont su garder une véritable ligne narrative pertinente et sont parvenus à jongler avec ces trois médias que sont l’animation, le documentaire et les témoignages.
Les animations qui nous sont offertes sont tout bonnement resplendissantes nous plongeant tout droit dans le champ de la bande dessinée. De plus, on retient des séquences expérimentales le déchirement et le chaos dans lequel se trouve le pays. Une approche magmatique, en mouvement continu apporte ce sentiment d’absorption totale du spectateur. Les séquences de combat sont également stupéfiantes. On se croirait sur le front. On ressent les moindres tensions de cette réalité à glacer le sang.
Another Day Of Life est une approche singulière, unique du cinéma de guerre, rappelant la terreur du conflit angolais ayant perduré plus de 27 ans. Kapuscinski avait écrit un livre pour que le monde puisse se rendre compte du caractère cauchemardesque du conflit. Raùl de la Fuente et Damian Nenow, eux, ont réussi à faire entrer ce récit dans le septième art, le catapultant directement au rang d’incontournable. Une oeuvre forte et émouvante qui ne donne qu’une envie, découvrir ce pays saccagé pourtant humainement riche qu’est l’Angola.
II) Les caractéristiques de l’édition Blu-ray
Image :
La proposition visuelle qui nous est faite par ESC est resplendissante. Elle s’adapte parfaitement au support nous offrant de très belles images, lumineuses et détaillées, lors des phases d’animation. De plus, lors des phases documentaires, on se prend à se perdre à travers les sublimes clichés de l’Angola actuel. Le niveau de piqué ainsi que le travail sur les contrastes ou bien la colorimétrie sont stupéfiants et travaillent de concert pour nous offrir une oeuvre d’une grande beauté.
Note image : 4,5/5
Son :
L’édition d’Esc dispose de trois pistes pour découvrir Another Day Of Life :
- La piste originale 5.1 DTS HD Master Audio : La version audio 5.1 approche la perfection, tout y est fluide et offre une spatialisation sonore extraordinaire. On sent les rafales de mitraillettes, siffler derrière nos oreilles, les rues de Luanda s’animer la nuit, les explosions raisonner dans la pièce ou bien la sono du 4×4 hurler des airs caractéristiques de l’hystérie et du psychédélisme des années 70. Les graves et les aigus sont parfaitement balancés ainsi que la voix et les effets sonores. Un travail merveilleux !
- La piste originale 2.0 DTS HD Master Audio : La version audio 2.0, quant à elle, propose une un travail légèrement moins captivante. On ne peut tout simplement pas égaler l’expérience proposée en 5.1 et cela est bien normal. Cependant ce master se veut également exempt de tout défaut.
- La piste française 2.0 DTS HD Master Audio : Enfin, la version française s’adapte très bien à l’exercice et nous offre une version honnête de l’oeuvre. Certainement la piste la moins captivante, qui reste néanmoins très réussie.
Note Son : 5/5
Suppléments :
ESC nous propose de nombreux suppléments orientés sur la conception technique :
- Making Of du film : Les réalisateurs reviennent sur les raisons d’adapter ce reportage en film d’animation et expliquent les procédés pour parvenir à concevoir le film à travers la motion capture. Cependant, la partie la plus importante et intéressante de ce contenu est le retour sur les traces de ce reporter polonais. Certainement le meilleur supplément de cette édition.
- Dessins originaux des personnages et des décors : Un panorama sur de nombreux croquis et dessins. Un supplément qui s’adressera particulièrement aux passionnés de dessin.
- Création des personnages animés : Un diaporama allant de simples croquis jusqu’à la création 3D des personnages. Un supplément qui aurait pu gagner en pertinence avec quelques retours d’un professionnel. Les images mises en avant ne permettent pas de saisir pleinement les différentes phases transitoires pour parvenir au résultat final.
- Le making of de la scène Daddy Cool
- La bande-annonce du film
- La bande annonce de Funan
Face à cette multitude de bonus sur les techniques d’animation, on se sent un peu frustré de ne rien avoir sur l’histoire de l’Angola ou bien même des témoignages de cette époque pour continuer notre voyage au cœur de la naissance de cette nation.
Note suppléments : 3/5