Un escroc, Irving Rosenfeld et sa complice se retrouvent obligés par un agent du FBI de nager dans les eaux troubles de la mafia pour piéger un homme politique corrompu.
L’avis de Manu Yvernault :
Fort de son nouveau statut hollywoodien bordé d’un succès critique et public, même si relatif au regard des bénéfices de «gros» studios, David O’ Russell attire toujours et encore les acteurs talentueux ayant le vent en poupe pour faire partie de chacun de ses nouveaux films.
Ironie d’un système, au destin de plus en plus mercantile, venant à nourrir les parias d’un instant, souvenons-nous de cette époque où le réalisateur était persona non grata. Il ne faut d’ailleurs pas se tromper dans l’avis que l’on peut se faire du film. Surfant sur ses deux dernières réussites, succès public comme à la cérémonie des Oscars de The Fighter et de Happiness Therapy, American Bluff ne brille pas dans la même catégorie. Ce qui rend un film très bon ne le propulse pas forcément au rang d’excellence, mais ce dernier reste d’une qualité majeure.
Et pourtant, comme souvent chez le réalisateur, un soin important est apporté autant au scénario qu’aux dialogues. Brillant sur un rythme efficace et sans temps mort, l’esprit de Martin Scorcese, version années 90, semble être convoqué à chaque séquence. Le talent de David O’ Russell est alors de ne pas copier ou plagier, mais simplement d’établir une structure forte, efficace et personnelle. Car là où certains ne centreraient le propos que sur la cupidité, lui n’oublie pas de convoquer à l’écran le chemin personnel que chacun des personnages tente de parcourir.
Sur un rythme métronomique, la complexité de chacun des protagonistes finit par s’accorder, puis se confondre, avec une intrigue joueuse qui mène le spectateur là où il ne s’y attend pas.
En témoigne une scène d’introduction, simple mais parfaitement menée, pour inscrire en 5 minutes toute la tenue du film à venir. A ce petit jeu du condensé censé, peu de réalisateurs contemporains arrivent à ce niveau de réussite.
L’ambition du film à séduire le spectateur n’est pas usurpée, tant cette dernière est au rendez-vous. La multiplicité des thèmes abordés, comédie, thriller, romance, histoire, burlesque, ne gêne en rien l’implication du spectateur à suivre le film.
American Bluff explore ses « sujets » et les inscrit dans son époque de manière exaltante, sans fioritures, grâce à l’éclatante réussite de son casting.
Difficile de ne pas se répéter pour décrire la performance de tous ses comédiens. Christian Bale bien sûr, toujours et encore d’une prestation sans faille; mais également, plus subtile que Jennifer Lawrence célébrée unanimement dans la presse, Amy Adams, au jeu bien plus aiguisé, dans un rôle moins aisé et plus nuancé que sa partenaire à l’écran. Elle forme un élégant duo avec Christian Bale, dont la modification corporelle s’avère encore une fois proche du méconnaissable. On peut également parler de Bradley Cooper pour former un quatuor de comédiens au diapason d’une direction d’acteurs sans faille.
Ils se croisent tous au sein d’escroqueries, de mensonges, autant sur le plan sentimental que « professionnel » pour dépeindre une Amérique des années 70 emprunt de vice, où se mêlent amitié, amour, raison personnelle et politique. David O’ Russell dépeint et titille alors le rêve américain bien pensant (comme beaucoup de films ces dernières années) dans un kaléidoscope de costumes, de décors, train de vie, où tout contribue à ce tableau satirique.
A travers cette peinture de l’arnaque sous la serre « tiré de faits réels », le réalisateur réussit à traiter en parallèle l’histoire de personnages à la recherche d’eux-mêmes, mais également à poser un regard peu glorieux de la société américaine des années 70.
Pourvu d’une réelle ambition, d’un savoir faire indéniable, David O’Russell, s’il ne livre pas un film à hauteur égale de ces deux précédentes réalisations, réalise tout de même un film de haute volée, où la saveur de voir jouer les comédiens l’emporte sur une histoire aux rebondissements peu éblouissants, bien que plaisants, mais aux dialogues savoureux. Quand bien même, le réalisateur plonge the American Dream dans une médiocrité où le glamour cliché laisse place à la réalité. A ce petit jeu de l’acide dispersé avec parcimonie où les sous-textes sont nombreux, David O’Russell n’a pas perdu la main, bien au contraire, il nous renvoie à ses premiers films. American Bluff réussit exactement là où l’ambition de son metteur en scène voulait emmener ce projet. Joli bluff hollywoodien, quand le méchant réalisateur d’une époque devient finalement le metteur en scène du moment depuis trois films, réussissant à mêler plusieurs genres en un seul et ce avec talent. Et gentille arnaque de nous faire croire que dans un film tout simple se cachait bien plus qu’une copie de film déjà-vu.