Pour la première fois, Terry Gilliam a rendu visite aux Lyonnais lors de la présentation à l’Institut Lumière de son dernier film : The Imaginarium of Dr Parnassus.
Accompagné de son public et après être revenu sur sa carrière en mettant l’accent sur Bandits, Bandits et Brazil, il a inauguré sa plaque rue du Premier Film :
« Terry Gilliam 28 Octobre 2009 ».
De retour dans la salle, c’est un homme ému et rempli de nostalgie qui a présenté son nouveau bébé.
Il n’a bien sûr pas pu évincer de son discours Heath Ledger dont la mort aurait pu laisser à ce film un goût d’inachevé. Au lieu de cela, c’est la saveur d’une belle solidarité qui transparaît. La présence de Johnny Depp, Colin Farell et Jude Law annihile toute amertume laissée par la regrettée disparition de Ledger.
En dehors de la tragédie qui plane sur lui, ce film est un petit bijou en terme d’effets spéciaux. On est dans une ambiance très manichéenne où se mêlent différents univers propre au cinéaste qu’ils soient sombres (cauchemardesques) ou plutôt très saturés (oniriques). Quand à la narration, on est clairement dans la forme au service du fond et c’est ce qui fait la richesse du film. Si l’on enlève ces artifices, on a tout de même une histoire qui fonctionne et qui séduit par son lot de naïveté et de drame. Voilà un bon film qui malgré ses nombreuses utilisations de la 3D ne semble cependant pas en être perverti. De quoi réconcilier Gilliam avec son public qui a eu du mal à oublier Tideland.
Combien de vous-même y a-t-il dans le personnage de Dr. Parnassus ?
(rires) Ça me parait assez évident !
Le film est très théâtral (rideau de la fin etc.), il y a des références à Shakespeare, est-ce voulu ?
Non, cela arrive de manière tout à fait instinctive. Je me questionne sur le réalisme et le naturalisme au cinéma. Finalement, être le plus proche de la réalité ne m’intéresse pas forcément, personnellement j’aime l’artifice.
Est-ce au final le film que vous avez imaginé ?
Pas complètement. Pour la simple raison qu’à la place d’un acteur (Heath Ledger), il y en a trois. Hormis cela, le script n’a pas été changé. La fin du film est un hommage à Georges Méliès qui a finit sa vie en vendant des jouets devant une gare. D’après Thierry Frémaux, il s’agirait en plus de la gare de Montparnasse (« Parnassus »).
Diriger sur fond bleu n’est-ce pas frustrant ?
Non, nous avions un set avec des objets, donc des choses physiques, de plus le film se joue surtout entre les acteurs c’était donc ça leur point d’appui.
Les symboliques tel que les Bouddhas, l’œil de la connaissance… Faites-vous des recherches pour les intégrer dans vos films ?
Non, là aussi j’agis de manière instinctive. Et sur le tournage nous aimons créer des sortes de nouvelles religions (exemple : les singes qui méditent). Un film inclut toutes les personnes. Sur les tournages nous avons nos blagues entre nous que nous intégrons dans nos films, c’est notre petit délire. Mais il faut voir les films beaucoup de fois pour s’en rendre compte.
Vos films ont toujours un univers onirique. Et vos rêves à vous, de quoi ont-ils l’air?
Ce sont souvent des cauchemars ou en tout cas des choses très physiques. Au réveil, je suis épuisé car j’ai franchi des montagnes, j’ai volé, je suis allé dans des endroits difficiles d’accès.
Comment avez-vous procédé dans le choix des acteurs pour « remplacer » Heath Ledger ?
Pour moi, c’était fondamental que ce ne soit pas une seule personne qui remplace Heath. Johnny Depp était très proche de Heath et de moi, je l’ai appelé et lui ai dit que j’étais prêt à abandonner le film. Il m’a dit que c’était à moi de choisir et quel que serait mon choix, il serait là. Nous nous sommes donc portés sur des acteurs ayant été proches de Heath : Johnny, Jude et Colin. Nous partagions tous la même douleur.
Finir le film vous a t-il aidé à faire votre deuil ?
Non ! Cela ne marche pas aussi simplement et vous savez (c’est ce qui est le pouvoir du cinéma) , Heath était avec nous durant les 8/9 mois de montage puisqu’il était là, sur nos écrans.
Quels sont les metteurs en scènes actuels qui vous intéressent le plus ?
Les frères Cohen, mes potes du Minnesota, les réalisateurs de chez Pixar car je trouve qu’ils sont incroyables. Et aussi Guillermo del Toro, Albert Dupontel ou Jean-Pierre Jeunet.
On pourrait presque croire qu’il y a une malédiction sur vos films (mort de Heath Ledger, problèmes de tournage sur le film avec Vanessa Paradis et Johnny Depp…) ?
On pense souvent que faire des films c’est simple, mais en fait ce ne l’est pas ! Plein d’autres réalisateurs ont des problèmes, seulement à ma différence, ils n’en font pas un film !
Y a-t-il des choix de carrière que vous regrettez ?
Aucun.
Photos & remise en forme des propos de T. Gilliam par Audrey « Nosferatu » Bermond