Nous vous proposons l’interview de la réalisatrice (Catherine Castel ) et de l’acteur principal (Antoine de Caunes) pour le film 48 heures par jour.
Pourquoi avoir choisi ce genre de sujet pour un premier film ? C’est-à-dire la comédie sur le couple et sur des choses qui ont déjà des traces dans le cinéma ?
Catherine Castel : Parce que ça n’a pas assez de traces sur la vie de tous les jours je pense. Ce n’est pas un film militant, je ne pense pas que le film change le monde, je n’ai pas cette prétention là, mais si on peut en parler un tout petit peu en rentrant chez soi, ça me plairait bien. Parce que c’est un sujet très personnel. Je voulais faire un film la dessus parce que je l’ai vécu, parce que j’ai travaillé longtemps dans des entreprises, je l’ai donc vécu et je l’ai vu vivre autour de moi. Je trouve qu’effectivement on peut me dire que c’est dépassé, mais je ne le crois pas du tout. Même s’il y a des progrès. Et comme je n’ai pas de leçons à donner, je voulais l’écrire sous forme de comédie parce que je trouve que c’est une façon plus élégante de faire passer les choses et parce que j’aime bien rigoler aussi. Je pense que la vie professionnelle a beaucoup changé, mais à l’intérieur du couple, rien n’a changé. Je me suis dis que tout le monde y trouverait son compte et les enfants aussi.
Antoine de Caunes : Je suis content d’avoir des rôles comme ça car ça compense avec ma vie personnelle. (Rires)
Est-ce que ce couple va trouver une solution à son problème ?
Catherine Castel : Comme je le disais tout à l’heure, je n’ai pas de leçons à donner. Je ne sais pas quelle est la solution. Dans la société telle qu’elle est actuellement, il n’y en a pas. Mais ce n’est pas pour ça qu’on va arrêter de faire des enfants, ou qu’on va arrêter de se marier ou de travailler. Les femmes ne retourneront pas chez elles. Donc il y a un problème. Mais je pense que si le problème est partagé un peu à l’intérieur du couple, déjà ça ira mieux pour les enfants, pour le couple. Je crois que cette femme part, parce qu’elle se dit que si les choses ne changent pas, elle va finir par ne plus aimer son homme et qu’ils vont finir par divorcer. On a des tas d’exemples autour de nous. Et donc elle part par amour, ce qui peut paraître paradoxal. Et je pense que la solution est à l’intérieur du couple. La morale de l’histoire, pour moi, mais après, chacun est libre de l’interpréter à sa façon, c’est qu’ils ne vont peut être pas y arriver, ça va peut être être très difficile, mais ils vont le faire ensemble. Le problème est en fait dans la tête de tout le monde. En partant, elle a envie qu’il apprenne à vivre sa vie, mais d’une certaine façon, elle espère qu’il ne va pas y arriver. Si il n’y arrive pas, elle se sentira plus indispensable, c’est toujours très complexe.
Ce qui est important, c’est que ceux qui travaillent travaillent trop et que les autres ne bossent pas. Le problème n’est plus d’ordre domestique là ?
Catherine Castel : Non, il est pour tout le monde sauf qu’il est encore plus accentué pour les femmes parce que si culturellement les femmes doivent rentrer chez elles à 7 heures, elles sont encore plus pénalisées que les mecs. Y’a qu’à voir ce qui se passe aujourd’hui, le travail à temps partiel, ce sont surtout les femmes qui en souffrent. Parce qu’elles ont les enfants, et voilà… Donc ça c’est un problème pour tout le monde et qui est encore plus présent chez les femmes. Je ne suis pas pour que tout le monde travaille plus, je suis pour que ce soit plus équilibré. Le travail, c’est très bien, à condition d’aimer ce qu’on fait. J’ai cette chance. Je trouve qu’à vouloir trop travailler, on travaille beaucoup et ce sont les enfants qui trinquent
Est-ce que votre mari à vu le film ?
Catherine Castel : Mon mari a vu le film parce qu’il l’a produit (rires). Je tiens à dire que je ne parle pas de mon mari dans le film, mais de quelqu’un que j’ai bien connu avant.
Antoine de Caunes : Son précédent mari (rires)
Catherine Castel : En quelque sorte oui, j’ai connu quelque chose d’extrême, mais là je n’ai pas l’impression de parler d’extrême. Si le personnage d’Antoine y arrive dans le film, c’est un mec bien. Parce que si sa femme part, il pourrait très bien appeler sa belle-mère pour garder les gosses et continuer comme avant. Hors il ne le fait pas. Il découvre lui aussi que ce n’est pas que pour les femmes le plaisir d’être avec ses enfants. Je pense que tout le monde peut y gagner. C’est peut être un peu naïf, mais tout le monde y gagne.
Est-ce que ça vous a amusé de faire incarner cette « représentante » des mères par une héroïne comme Aure ATIKA ?
Catherine Castel : Oui, c’est drôle et elle aussi, ça l’a amusé. C’est un rôle de composition totale. Elles est le contraire de ce qu’elle est et tout de suite, elle a trouvé ça marrant parce que c’est tellement pas elle. Je voulais qu’elle ne soit pas elle, qu’elle ne soit pas habillée comme nous tous les jours. Tout le monde est un peu plus extravagant que dans la vie, parce que ça fait partie de la comédie. Il y a beaucoup de courant, il y a un stylisme. Même si c’est ‘histoire de nous tous quand même, à partir du moment ou on a des enfants, je ne voulais pas que ce soit l’histoire de mes voisins de paliers. La couleur fait partie du pétillement de la comédie. Ses costumes extravagants sont un peu plus que dans la vie.
Antoine, vous êtes vous reconnu dans cette expérience ?
Antoine de Caunes : Oui, sans rentrer dans l’intimité, ce qui est encore plus compliqué dans mon travail à moi, c’est que la frontière entre le travail et le plaisir est très difficile à trouver. Quand on écrit, quand on réalise, quand on joue, y’a pas un moment ou ça s’arrête. On est souvent en heures sup., et du coup, la vie familiale en subit les conséquences… Mais grâce au film de Catherine, j’en ai pris conscience (rires). Je vais donc rectifier le tir.
Antoine, comment êtes vous venu sur ce film ?
Antoine de Caunes : Ca s’est passé de manière très classique. J’ai lu le scénario et j’aime beaucoup participer à des premiers films. J’aime beaucoup l’énergie et l’enthousiasme des premiers films parce qu’il y a quelque chose de très frais là dedans. Et je trouvais que la comédie était bien écrite. J’aime bien en général que les comédies soient fondées, c’est-à-dire qu’elles parlent légèrement de choses graves. J’aime aussi les comédies burlesques classiques, mais comme comédien, c’est plus agréable à jouer… Les personnages du film, comme vous l’avez vu, ce n’est pas une pure comédie, on laisse du temps aux personnages pour exister, pour s’installer, pour qu’il y ait quelque chose d’autre derrière qui fait que j’ai de la sympathie et je me sens proche de ce type là et je pense que le public doit aussi être ému.
Ce film est nettement en faveur des femmes ?
Catherine Castel : C’est vrai que la plupart du temps, cette situation de travail est quand même vraie dans la vie, donc forcement, je suis plus du cote de celui qui subit puisque j’en fait partie. C’est quelque chose qui existe. Je pourrais avoir fait un film en disant « oui, c’est tous des gros c… » Mais c’est pas du tout ça. Je suis persuadée au contraire que Antoine reste seul et il s’en tire très bien et c’est plutôt elle qui est l’arroseur arrosé. Elle se sent mère sans enfants, femme sans mari, et en plus, il se débrouille bien. Et à un moment, Catherine JACOB lui dit même « du devrais savoir si tu veux qu’il s’en tire ou si tu ne veux pas ». Et c’est là ou et toute l’ambiguïté : d’accord s’il s’en tire, mais dans ce cas, je ne sert plus à rien. On a quand même tous ça dans la tête un peu… Si on culpabilise, c’est aussi pour ça.
Qu’est-ce qui choque le plus le personnage de Bruno ?
Antoine de Caunes : Je crois que c’est le mensonge. Il se sent trahi. Apres, le stratagème qu’elle utilise je pense que ça passe largement. C’est un couple qui a des problèmes qu’on connaît tous.
Et la scène d’ouverture a du être une franche rigolade ?
Catherine Castel : Oui, et en plus, on l’a tournée en fermeture (rires). Voilà, Antoine n’a pas voulu garder ses dents après dans la vraie vie (rires) mais c’est vrai qu’on a bien rigolé.
Antoine de Caunes : Oui, c’était dans la foret de Fontainebleau et il commençait à faire chaud et à y avoir du verre pillé. Donc grande surprise et il y a des vrais cris.
Catherine Castel : Les dents ne sont pas vraies, mais les cris si.
Et le rapport avec les singes ? (Voir film)
Antoine de Caunes : Alors le bonobo, je suis devenu un peu expert. Les bonobos règlent donc leurs conflits par le sexe.
Catherine Castel : c’est pas mal quand même non ?
Antoine de Caunes : Ca dépend pour qui (rires). Vous n’êtes pas obligées d’être simplement passifs.
Catherine Castel : Je trouvais que c’est une bonne solution. D’ailleurs à la fin du film, c’est ça. Les trois points de suspensions et le point d’interrogation, ça veut dire on va essayer de s’en tirer, on va essayer de faire le mieux possible, et dans la tête, c’est « quand on s’engueulera, on fera comme les bonobos ».
Il y a beaucoup de femmes, et beaucoup de belles comédiennes dans le film. Comment s’est fait le choix ?
Catherine Castel : Parce que je voulais une femme glamour pour Marianne, et qui en même temps ne minaude pas. Aure est belle. C’est une femme qui est en accord avec ses désires, qui veut faire quelque chose d’un peu radical et je trouve que ça lui va très très bien. C’est la vérité et parfois l’émotion qui fait qu’on n’est pas dans le gag. Et puis elle a l’age qu’il faut parce que si elle est plus âgée, c’est trop tard, et si elle est plus jeune, elle n’aura pas assez de maturité, donc c’était parfais comme ça. Quand j’ai vu Antoine et Aure ensemble, j’ai trouvé qu’ils allaient très bien. Apres, il y a toutes le pétroleuses. Je suis une fan de Victoria depuis toujours. J’ai pris les gens que j’aimais en fait. Et quand Victoria à lu son rôle, elle a dit : « c’est moi ». Ce fut extrêmement rapide avec elle.
Et Antoine, comment a-t-il été choisi ?
Catherine Castel : Pareil. (Rires) Ce que je voulais, c’est ce charme, cette force, cette fragilité qui fait que les hommes sont séduisants. De plus, Antoine à le rythme de la comédie, il est déjà le personnage que j’avais écris avant même de parler. Déjà c’est beaucoup plus simple pour diriger un comédien. Et en plus, on s’est bien entendu tout de suite.
Et pourquoi est-ce que c’est elle et pas lui qui le trompe ?
Catherine Castel : C’est une question que je me suis posée longtemps en écrivant. D’abord, est-ce qu’il y en a un qui trompe l’autre ? Et si oui, lequel ? Je vais vous donner une réponse extrêmement technique : elle le trompe parce qu’elle a le temps… et pas lui. Il est complètement débordé et elle est arroseur arrosé. Elle le trompe parce qu’elle vient de s’engueuler avec lui. Elle est complètement paumée. Il se débrouille très bien sans elle, les enfants vont très bien alors qu’elle n’est pas là, il a « évacué » la bonne et mis une très belle fille à la place. Elle ne sait plus ou elle en est et quand elle essaie de savoir, c’est pire que tout et il l’engueule. Elle est perdue et cet homme là qui est complètement différent de son mari et c’est une question de circonstances. Elle a une faiblesse en le trompant je dirais. Mais c’est une femme qui aime profondément son mari, parce que si ce couple ne s’aimait pas, il n’y aurait pas de film…
Propos recueillis et retranscrits par Wolverine pour CINEalliance/DVDalliance lors des 11eme rencontres du cinéma de Gérardmer.