Interview en avant-goût du 26e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul.
(11-18 février 2020)
1- Pouvez vous me raconter comment est né le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul ?
Déjà adolescente, dans les années soixante, ma future épouse, Martine Thérouanne, était bénévole dans l’association haut-saônoise pour la culture qui s’occupait de faire connaître le cinéma d’art et essai à Vesoul.
Cette passion pour la culture en général, et le cinéma en particulier, l’a conduite à devenir la secrétaire générale puis la directrice du ciné-club de Vesoul.
1995 était l’année du centenaire du cinéma, l’association vésulienne de cinéphiles était désireuse de marquer l’événement à un double titre : les frères Lumière sont natifs de Franche-Comté (Besançon), et leur père, pionnier de la photographie, est natif de la Haute-Saône (Ormoy, village proche de Vesoul).
L’idée de fonder un festival de cinéma jaillit. Un festival oui, mais autour de quel type de cinématographie ?
C’est là que l’histoire personnelle intervint. Mon épouse a une passion pour l’Asie depuis l’adolescence. Elle parcourt sac au dos ce continent depuis l’âge de 18 ans et y a même rencontré son mari, Jean-Marc Thérouanne, sur la plage de Lamaï Beach dans l’île de Kho Samui, en Thaïlande.
Cet amour passionnel pour l’Asie, du Proche à l’Extrême-Orient, est à l’origine du choix cinématographique du Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul. Il est important de souligner que le vrai intitulé du Festival Vésulien est Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul (FICA), et non pas Festival International du Film Asiatique de Vesoul. Ceci dans une volonté de ne pas le cantonner aux cinématographies de l’Extrême-Orient, mais de l’ouvrir à toutes les cinématographies de tous les bassins de culture du plus vaste des cinq continents qu’est l’Asie au sens géographique du terme c’est à dire du canal de Suez à l’océan indien, et de l’Oural à l’océan Pacifique.
2- Vous attendiez vous à une telle renommée 26 ans plus tard ?
Absolument pas.
3- Comment le festival a-t-il été remarqué à l’international ?
Petit à petit, par un travail acharné et constant, du couple cofondateurs de ce festival hors norme. En effet, mon épouse et moi, travaillons bénévolement depuis 26 ans à la mise en place de ce festival. Nous le vivons chaque seconde de notre vie.
Ce festival parti de presque rien s’est forgé selon le principe de l’empirisme organisateur. Je pense que notre profession d’enseignant documentaliste nous a aidé à construire ce festival : archiver, classer, rédiger, être en veille documentaire permanente, mettre en pratique la pédagogie de la transmission de l’amour de la culture, …
Petit à petit le cercle des amis professionnels du cinéma s’est constitué. Il est capital de se rendre dans les autres festivals de cinéma, d’établir des contacts, d’être fidèle en amitié.
Petit à petit notre travail de fond est repéré, fait partie des saisons culturelles inter-étatiques (année Franco-Chinoise, Franco-japonaise, Franco-coréenne, Franco-turque, franco-vietnamienne, …).
Certains se mettent à penser à vous pour vous proposer d’être membre, voir président de jury.
Le fait d’adhérer (en 2003) au Netpac (Network For The Promotion Of Asian Cinema) sorte de FIPRESCI asiatique et de Rotary des Cinémas d’Asie, a favorisé cette reconnaissance de notre travail à l’international.
4- Quel est votre meilleur souvenir depuis tant d’années ?
J’en ai plusieurs : le premier c’est d’avoir lors du 6e Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul en 2000, réussi, lors de la cérémonie de clôture, à sensibiliser les populations des quartiers périphériques de la ville de Vesoul, au festival et leur faire comprendre que ce festival était pour tous.
Le second c’est d’avoir été nommé Chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres à la promotion de juillet 2003 en même temps que mon épouse, ce qui veut dire que la personne qui a appelé l’attention du ministre de la Culture sur notre travail avait compris que cette décoration n’avait de sens que si elle était conjointe. Avec mon épouse, nous vivons la parité de façon naturelle. J’ai compris aussi que ce qu’il y avait de terrible dans la vie c’est qu’on ne pouvait pas dire à son père : « voilà j’ai suivi ton chemin, celui du travail et du don de soi », parce qu’à cinquante ans on est orphelin.
Le troisième c’est d’avoir était président du jury au Silk Road International Film Festival de Xi’an (Chine) en 2014, et d’avoir rendu un hommage posthume à l’immense Wu Tianming, le père de la cinquième génération des réalisateurs chinois, lors de la cérémonie d’ouverture du festival qui se tenait à la porte de la paix éternelle, au même endroit où Bill Clinton et Nicolas Sarkozy avaient prononcé un discours d’amitié diplomatique.
Wu Tianming était venu au 13e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul en 2007, nous lui avions rendu hommage en présentant l’intégralité de son œuvre.
Le quatrième c’est lorsque Jay Jeon, le directeur du prestigieux Festival International du Film de Busan, le Cannes de l’Asie, a tenu à nous remettre le Korean Cinema Award lors de la cérémonie d’ouverture du 23e Busan International Film Festival, le 4 octobre 2018, devant quatre mille personnes. Ce prix n’a été remis qu’à une trentaine de personnalités du monde du cinéma dont Gilles Jacob et Thierry Frémaux.
5- Pouvez-vous brièvement me donner le programme de cette nouvelle édition?
Pour cette 26e édition du FICA – Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul qui se déroulera du 11 au 18 février 2020, 84 films seront proposés au public dont 40 films inédits conformément à la vocation artistique du festival d’être un vrai festival de recherche et de défense du patrimoine cinématographique.
Les quatre-vingt-quatre films de cette 26e édition se déclineront en plusieurs sections :
* Visages des Cinémas d’Asie contemporains : Compétition longs métrages de fiction inédits en France Compétition documentaires inédits en France, Avant-premières
6- Quels sont, selon vous, les grands rendez-vous de cette édition ?
La rétrospective « Regard sur le cinéma tibetain », c’est une première mondiale. Il n’y en a jamais eu avant comme le confirme la tibétologue Francoise Robin, celle-ci sera le fil conducteur de cette rétrospective en nous honorant de sa présence.
L’hommage posthume à la grande actrice israélienne Ronit Elkabetz, en présence d’Ariel Schweitzer, universitaire, critique et historien du cinéma israélien.
7- Pourquoi avoir choisi de mettre le Tibet à l’honneur cette année ?
Pema Tseden est le premier réalisateur à avoir remporté deux fois le Cyclo d’or à Vesoul, pour Tharlo en 2016 et Jinpa en 2019.
Il nous a paru important à Bastian Meiresonne, que j’appelle affectueusement « mon fils spirituel », à mon épouse et à moi, de mettre l’accent sur la naissance d’une cinématographie. Avant Pema Tseden et son plus brillant disciple Sonthar Gyal, il n’existait pas de cinéma tibétain. Il fallait marquer d’une pierre blanche cette naissance. Mon épouse et moi avons confié à Bastian Meiresonne, directeur artistique du FICA Vesoul, le soin de la mettre en place.
8- Votre film préféré cette année ?
C’est une évidence : Parasite. C’était très émouvant d’être à la cérémonie de clôture du festival de Cannes cette année qui sacrait pour la deuxième année consécutive un réalisateur asiatique. Après notre ami Kore-eda Hirokazu, venu à Vesoul en 2012, pour l’intégrale de son œuvre, Bong Jong-ho. Après le pays du Soleil Levant et celui du Matin Calme, qui sera le suivant ? Ne dit-on pas « jamais deux sans trois ».
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