la femme de lettre Sin Saimdang (1504-1551), le penseur néo-confucianiste Yi I (1536-1584), la poétesse et peintre Heo Nanseolheon (1563-1589), l’érudit Heo Gyun (1569-1618), auteur de la légende de Hong Gildong, le romancier Lee Son-won (1957-), la romancière Kim Miwol (1977-), y sont nés.
C’est la raison pour laquelle le gouverneur de la province de Gangwon, monsieur Choi Moon-soon, le maire de Gangneung, monsieur Kim Han-geun, le directeur en chef du festival, Kim Dong-ho, connu pour son extraordinaire dynamisme, sa foi dans le cinéma, son charisme (il est, entre autre, le fondateur du prestigieux Festival International du Film de Busan, mais aussi l’un des cofondateurs du Netpac (Network for the Promotion Of Asian Cinema), et le directeur adjoint du festival, Ahn Seong-ki, acteur incontournable du cinéma coréen aux soixante-dix films, ont voulu bâtir ce nouveau festival de film autour de l’adaptation d’œuvres littéraires au cinéma.
3- Cinéma et littérature :
Ce panorama Cinéma et littérature se compose de plusieurs sections ou chapitres. Le premier est consacré à cinq films coréens du patrimoine, transposition cinématographique de romans : l’incontournable « l’invité de ma mère » de Shin Sang-ok, réalisateur, victime d’un enlèvement rocambolesque de la part des services secrets nord-coréens, « Evergreen Tree » du même Shin Sang-ok, « Mist » de Kim Soo-yong, « la route de Sampo » de Lee Man-hee, et l’extraordinaire « la saison des pluies » de Yu Hyn-mok.
Le chapitre deux est intitulé « Femmes écrivaines, films mémorables ». Il est constitué d’« Un ange à ma table » de la grande réalisatrice Jane Champion, du très beau « The Golden Era » de la cinéaste majeure Hong Kongaise Ann Hui, de « The Banished » de la réalisatrice indienne Churni Ganguly et en contrepoint masculin, de ceux de deux réalisateurs ayant adaptés des œuvres écrites par des femmes : «A Quiet Passion » du cinéaste anglais Terence Davies et « The Quilt » du réalisateur Rahat Kasmi.
Le chapitre trois poursuit l’analyse des rapports cinéma et littérature, en trois films, autour de l’œuvre et de la personnalité du chanteur poète Bob Dylan, prix Nobel de littérature, dont « I’m Not There » de Todd Haynes.
Le chapitre quatre rend hommage à l’écrivain coréen Choi In-ho, décédé récemment, en sept films dus à des réalisateurs coréens confirmés, dont trois de Bae Chang-ho, présent pour cet hommage (« The Flower on The Équatorial », « Whale Hunting » et « Stairways Of Heaven »).
Le chapitre cinq est consacré à sept films de Kore-eda Hirokazu, trouvant leur source dans la littérature : « Maborosi », « After Life », « Still Walking », « I Wish », « Like Father, Like Son », « Our Little Sister » et « Shoplifters », ce dernier film est la Palme d’or Cannes 2018. Kore-eda Hirokazu est venu présenter cette rétrospective dans le cadre d’une master class.
4- L’ACID, de Cannes à Gangneung :
Des liens entre le Festival et la France ont été noués par le biais de l’ACID. Dix films déjà présentés à Cannes dans le cadre de l’ACID, ont été retenus, dont le bouleversant « Last Laugh » du chinois Zhang Tao, sur la triste fin de vie d’une grand-mère plein d’amour pour ses six enfants, mal payée en retour de violence morale et physique de la part des siens, notamment de ses belles-filles.
« Bad Bad Winter » de la jeune réalisatrice kazakh Olga Korotko, ne laisse pas non plus indifférent. Ce film conte, à partir de faits banaux tournant au drame, la corruption régnant au Kazakhstan depuis la chute du mur de Berlin mettant fin à l’ère soviétique. Le Q/A, avec la réalisatrice, qui suivit la projection, se révèla passionnant. Le film quant à lui prouve le sens de l’ellipse de la cinéaste. La force du film réside dans l’économie des mots, l’efficacité de la mise en scène, l’absence voulue de recours à l’expressionnisme musical et l’absence de l’image de trop.
5- Redécouvrir les perles du cinéma mondial :
Dans la section « Redécouvrir » huit perles cinématographiques ont été sélectionnées par les programmateurs du GIFF : « L’Argent de Juda » de Victor Sjöstrom, l’un des pères fondateurs du cinéma suédois, le cultissime « Apocalypse Now : Final Cut » de Francis Ford Coppola, deux films de la cinéaste coréenne Lim Soon-rye « Walking In The Rain » et « Waikiki Brothers », réalisatrice coréenne que le Festival de Fribourg avait tenté de faire connaître au public occidental en 1997 dans une indifférence totalement injustifiée.
C’est avec beaucoup de bonheur que le GIFF a permis de voir ou revoir « l’une chante, l’autre pas » de la regrettée Agnés Varda. Ce film retrace, des années 1962 à 1977, le destin de deux jeunes filles, leur amitié, leur aspiration, leur coup du sort, leur difficulté à parvenir au bonheur en raison des contraintes sociales, leur lutte pour l’amélioration de la condition féminine qui passe par la maîtrise du droit à la maternité volontaire.
Plus que du droit à la contraception et à l’avortement il serait plus judicieux et plus exact de parler du droit à la maternité volontaire dans le plein épanouissement du droit au plaisir d’être femme.
Ce film est d’une grande justesse de ton et une reconstitution parfaite de tout une époque. Pour ceux qui n’ont pas connu cette époque pas si lointaine, il serait intéressant de savoir comment ils ressentent ce film. Il serait encore plus intéressant de savoir comment les spectateurs coréens d’aujourd’hui, qui ne possèdent pas les clefs de l’histoire de France, l’ont ressenti.
Parmi les films événements de cette section il a été projeté « Cinq et la peau », l’unique film de Pierre Rissient, cinéphile et vraie mémoire du cinéma mondial. Le décès de ce découvreur et défenseur infatigable des talents du cinéma mondial, entre autre asiatique, a laissé plus d’un réalisateur orphelin d’un père qui a aidé ses fils à être.
6- Hommage à Pierre Rissient :
Plusieurs grands noms du cinéma asiatique d’aujourd’hui sont présents pour cet hommage posthume un an après la mort de Pierre Rissient, cet homme peu connu du grand public qui a beaucoup oeuvré pour le cinéma. Ceux qui l’ont connu peuvent témoigner de son immense savoir, de ses passions, de ses colères homériques aussi qui n’avaient d’égales que son profond désintéressement pour la défense d’une cause juste.
Parmi les nombreux témoignages, l’un des plus émouvants est celui de Christine Hakim, la grande dame du cinéma indonésien (« Feuille sur un oreiller »). L’intervention de Lee Chang-dong (« Poetry », « Burning », …) est également bouleversante, tout comme celle, tout en sensibilité et douceur, de l’assistant de Pierre Rissient, Benjamin Illos.
7- Forum des directeurs de Festival :
L’un des temps forts de ce premier festival est le Forum des directeurs de Festival. Une quinzaine de Directeurs ou Directrices de Festival sont présents, soit comme intervenants, soit comme observateurs.
Parmi les interventions les plus remarquées sur les vingt premières années, puis sur les quatre-vingts futures années de ce vingtième siècle, celles de Wilfred Wong, directeur du Festival de Hong-Kong, esprit clair et clairvoyant, celle de Hisamatsu Takeo, nouveau directeur du Festival de Tokyo, celle de Martine Thérouanne, directrice du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, son expérience de terrain recoupant celle de l’expérience de Kirill Razlogov, directeur du l’historique festival de Moscou, mais aussi des autres directeurs participant au Forum (Garin Nugroho de Jogjakarta, Lorna Tee de Macao, Samuel Jamier de New York, Felipe Aljure de Carthagène, Joanne Goh de Malaisie, Maeda Shu de Fukuoka,…)
L’assistance est nombreuse, près de deux cents personnes, parmi lesquelles des personnalités de premiers plans comme Jay Jeon, l’actuel directeur du Festival International du Film de Busan, l’un des cinq plus importants festivals au monde avec Cannes, Berlin, Venise, Toronto ; Jia Zhang-ke, directeur du festival de Pingyao, producteur et réalisateur chinois le plus célèbre en Occident.
8- Une constellation d’événements :
Les projections, des 73 films de la sélection venus de 30 pays, ont eu lieu au Gangneung Arts Center, au Shinyoung Theater, ou au CGV, soit dans sept salles.
Une série d’événements, outre ceux décrits ci-dessus, ont eu lieu : Master class de Kore-eda Hirokazu, récital de poésie en lien avec des films, conférences : sur les rapports des films coréens avec la littérature coréenne des années 1967-1968 ; l’adaptation cinématographique de l’œuvre littéraire de Choi In-ho, par les réalisateurs Bae Chang-ho et Lee Jang-ho ; la restauration et la préservation des films en Corée et le problème des destructions dues à la guerre de Corée ; l’érotisme et l’homosexualité dans l’œuvre filmique et écrite de Jean Genet ; la vie d’un film de la production à la distribution en passant par la réalisation et la soumission aux festivals,… ; un exemple d’adaptation d’un roman au cinéma : « Une histoire de la violence » de David Cronenberg ; mais aussi la mise en place de concerts spéciaux autour de la musique de film, …
9- En conclusion :
Au vu du nombre impressionnant de cinéastes majeurs présents à la cérémonie d’ouverture (Kore-eda Hirokazu, Lee Chang-dong, Garin Nugroho, Christine Hakim, Lee Myung-se, Bae Chang-ho, Im Kwan-taek, Jia Zhang-ke, …) ; de la venue de directeurs de Festivals internationaux de cinéma ; de la qualité des films présentés ; des animations, forum, conférences, concerts, mis en place ; de la venue en nombre du public ; de la parfaite organisation du festival ; de l’investissement de l’équipe du festival y compris des volontaires ; du soutien financier et logistique conséquent de la ville de Gangneung et de la province de Gangwon, Kim Dong-ho a réussi son pari d’implantation d’un festival international de film dans l’attrayante ville balnéaire de Gangneung.
Un seul bémol, il lui faudra veiller à l’avenir à faire traduire systématiquement en anglais catalogue, site web, films coréens du patrimoine, condition sine qua non pour que le GIFF devienne vraiment attractif à l’international.
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Jean-Marc Thérouanne