Noh Young-seok est né en 1976 à Séoul, en Corée du sud.
Présent cette année au Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul, il est venu y présenter son premier film Daytime Drinking (« Not Sool » en VO) qui concourait dans la Compétition des longs métrages de fiction.
Rencontre…
Tout d’abord, pouvez-vos nous parler de votre parcours dans le monde du cinéma ?
En fait, je n’ai pas vraiment de formation…
J’ai fait un peu de théâtre amateur, puis j’ai intégré une école de préparation à la Korean Film Academy, une véritable institution chez nous, mais j’ai raté 2 fois le concours d’entrée ! Il y a différentes étapes, et je ne suis jamais allé plus loin que la troisième…
Mais au cours de cette année de « prépa », j’ai rencontré tout un tas de gens qui sont devenus mes amis et m’ont bien aidés par la suite.
Et pendant ce laps de temps, j’écrivais des scénarii…
Justement, comment s’est passée l’écriture de Daytime Drinking ?
Ce fut une expérience très agréable par rapport aux autres scripts sur lesquels j’ai travaillé… Je n’étais pas coincé devant l’écran d’un ordinateur !
J’ai pour habitude de noter mes idées au fur et à mesure et dans ce cas précis, je « récoltais » les histoires un peu farfelues qu’on me racontait ci et là. Ça a fini par devenir une sorte de voyage mental qui m’a permis d’organiser le scénario.
J’ai finalement écrit Daytime Drinking en un mois.
Y’a-t-il aussi des éléments autobiographiques dans l’histoire ?
Oui, je me suis également servi de 2 ou 3 mésaventures personnelles, comme une fois où j’ai subi un « attouchement » un peu bizarre au sauna… !
Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Eh bien, ce sont quasiment tous les amis que je me suis fait pendant ma fameuse « prépa » !
La comédienne qui joue la drôle de femme « poète » que rencontre le héros dans le bus vient du théâtre et m’a présenté des collègues à elle. Son mari joue aussi dans le film.
A vrai dire, toute l’équipe technique joue dans Daytime Drinking… Par exemple, cette même actrice faisait aussi la scripte !
Et la commerçante de la superette visible à l’écran est une authentique habitante du village !…
Seul le premier rôle provient d’un casting.
Qu’est-ce qui vous a décidé à choisir Song Sam-dong pour le rôle ?
Au départ, je pensais à quelqu’un d’autre qui jouait vraiment bien, peut-être même mieux.
Mais quand j’ai découvert Song Sam-dong, j’ai tout de suite su qu’il était fait pour le rôle…
Il dégageait une telle expression de pitié !
Est-il un peu comme son personnage dans la vie réelle ?
Oui ! C’est quelqu’un qui a toujours tout un tas d’ennuis… A l’époque par exemple, il n’arrivait pas à chauffer son appartement !
On peut dire qu’il colle parfaitement au personnage !
Mais vous maintenez dans le film un certain équilibre afin de ne pas en faire non plus un « looser » complet…
Oui, c’est juste quelqu’un d’ordinaire, ce n’est ni un anti-héros, ni un super-héros.
Il n’est pas très beau, ni très laid… Il est simplement « moyen ».
Est-il vraiment aussi naïf que cela, ou bien est-ce le fait de se retrouver en tant que citadin (le personnage vient de Séoul) en pleine campagne qui le désoriente ?
Je pense que la personnalité vient avant tout de la nature des gens et ne dépend pas de l’environnement qui les entoure. On peut imaginer qu’il lui arrive plein de mésaventures en ville aussi !…
On a également le sentiment qu’il est seul au monde… Quand sur la fin arrive enfin un de ses copains, on imagine que ses déboires sont derrière lui, et en fait non c’est presque pire en fait ! N’êtes-vous pas un peu sadique au fond ?
Je ne sais pas… Certainement !
A la fin, je lui fais rencontrer une jolie fille quand même ! Mais c’est vrai que c’est peut-être encore un cadeau empoisonné… (Rires)
Quel était le budget du film ?
5000€ en tout et pour tout ! J’ai dû emprunter cette somme à ma mère, et je travaille en compensation dans son restaurant pour lui rembourser !
J’ai évidemment tourné en mini-DV, mais l’essentiel des 5000€ a été dépensé en alcool et repas… J’avais prévenu tout le monde au départ sur le fait qu’ils ne seraient pas payés, mais que ce serait boisson à volonté !
Et quand ils me disaient qu’ils préféraient la bière au « soju » (boisson traditionnelle coréenne à base de maïs, atteignant les 25° d’alcool, et utilisée jusqu’à plus « soif » dans le film…), je leur disais que c’était mauvais pour la santé ! (Rires)
Dans ce film, on a vraiment fait le voyage tous ensemble…
Vous nous avez dit ne pas avoir de réelle formation de cinéaste… Les aspects techniques de la confection d’un film ne vous ont-ils pas fait peur ?
Non, car j’avais quand même des « bases ».
Et puis je pense qu’on apprend énormément en lisant, en écoutant de la musique, et surtout en visionnant beaucoup de films !
Quelles sont vos influences cinématographiques ?
Cela dépend en fait du scénario que je suis en train d’écrire…
Mais il est vrai que j’apprécie particulièrement les cinéastes américains Jim Jarmush, qui m’a nettement influencé avec Broken Flowers pour la structure de mon propre film, ou Alexander Payne (« Mr Schmidt » avec Jack Nicholson).
Au niveau du cinéma coréen, j’aime beaucoup Hong Sang-soo, réalisateur de Turning Gate notamment.
Depuis que je suis collégien, je suis également un grand fan de science-fiction et j’adorerais écrire un scénario pour un dessin-animé dans ce genre ! Mais la situation actuelle en Corée n’est pas vraiment propice aux films d’animation…
Il y a pourtant eu Wonderful Days ou Oseam assez récemment…
Oui, mais ce ne sont pas des films que j’apprécie trop…
Mon style s’apparenterait plus à l’ambiance d’ Akira ou de Blade Runner.
Au niveau de la structure, vous parliez de Jim Jarmush. Mais je viens de me rendre compte que Daytime Drinking entretient aussi une curieuse filiation scénaristique avec After Hours de Martin Scorsese… Est-ce volontaire ?
Non, pas du tout, je n’ai jamais vu ce film !
C’est drôle que vous m’en parliez, car l’équivalent du CNC en Corée m’a refusé sa subvention car ils trouvaient mon script trop proche de celui d’ After Hours… !
Je suis désolé d’avoir remué de mauvais souvenirs…
Ce n’est pas grave ! (Rires)…
Hum, bon enchaînons… Daytime Drinking semble avoir déjà participé à plusieurs festivals internationaux…
Il a tout d’abord été présenté et primé en 2008 au Festival International du Film de Jongju, dont le jury était notamment composé du programmateur du Festival de Locarno. Il a donc été programmé en Suisse où il a remporté deux Prix : une Mention Spéciale et le Prix NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema). Il a aussi été montré à Toronto, à Thessalonique, en Estonie, à Stockholm… et maintenant à Vesoul !
Le film est-il sorti en Corée ?
Daytime Drinking est sorti le 5 février en Corée.
Mais sa distribution rencontre évidemment beaucoup de difficultés du fait de nos touts petits moyens. Il n’y a eu quasiment aucune promotion, et comme je ne sors pas de la Korean Film Academy, je n’ai droit à aucune subvention de l’état, ce qui veut dire aucune publicité dans les revues spécialisés…
Dans les salles de cinéma, il n’est pas projeté en permanence…
J’imagine que vous n’avez pas dû obtenir beaucoup de salles…
Nous en avons quand même quelques unes à Séoul, et 2 ou 3 salles régionales comme à Pusan (ville sud-coréenne célèbre pour son très important Festival International du Film).
Avez-vous quelques échos de la sortie coréenne ?
C’est difficile car je suis ici en ce moment !…
Mais à priori, les échos sont bons, les critiques sont favorables de la part de la presse.
Nous avons même fait la Une de quelques journaux nationaux !
En guise de conclusion, quels sont vos projets ?
J’ai plusieurs idées bien différentes : l’histoire d’une personne âgée se souvenant de sa jeunesse et une comédie noire.
Et d’autres choses encore… Je suis très éclectique !
Un grand merci au sympathique NOH YOUNG-SEOK pour cet entretien,
ainsi qu’à la non moins sympathique CHO Myoung-jin pour la traduction !
Interview réalisée par Alex Vasiljkic le 16 février 2009 lors du 15ème Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul.
Longue vie au FICA !!!
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