Le maître de l’angoisse et de l’horreur, Dario Argento revient au CINEMED 20 ans après sa première venue pour présenter sa trilogie des Mères ainsi que d’autres films majeurs comme Les frissons de l’angoisse. Point d’orgue de cette venue évènement, le réalisateur ouvrira la traditionnelle Nuit en enfer avec au programme trois longs et deux épisodes de la série Master of horror.
Nous l’avons rencontré avant sa présentation du mythique Il était une fois dans l’Ouest, en copie restaurée, où il est co-scénariste aux côtés de Bernardo Bertolucci.
Vous allez présenter « Il était une fois dans l’Ouest », à l’Opéra Berlioz. Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration avec Sergio Leone ?
J’ai beaucoup de souvenirs de cette période. C’est pendant le tournage que j’ai compris que je voulais écrire pour le cinéma, mais je ne savais pas encore que j’allais devenir réalisateur. J’ai beaucoup appris aux côtés de Sergio car il parlait beaucoup de cinéma, des mouvements de caméra. J’ai compris qu’une des choses les plus importantes est la caméra, les images; c’est lui qui m’a convaincu de cela. Les critiques à l’époque étaient contre lui, il était très triste à cause des critiques. Il a été reconnu quand il a fait son dernier film.
Justement, les critiques assassines à propos de votre comédie Cinq Jours à Milan vous ont- elles touchées ?
Moi, j’étais habitué aux critiques italiennes, elles ne me touchaient pas. J’étais habitué avec Sergio qui disait tout le temps que les critiques sont stupides, des cons. Un autre metteur en scène italien, Antonioni, était absolument détesté par la critique alors que c’était un grand réalisateur. Ça m’a donné de la force.
Pouvez-nous parler du rôle de la musique dans vos films ?
J’avais rencontré Ennio Morricone pour mon premier film, on avait très bien travaillé ensemble puis je cherchais quelque chose de nouveau alors j’ai rencontré le groupe Goblin, des débutants. En fait je voulais un peu plus appuyer sur l’accélérateur de la musique, envisagée comme un personnage à part entière; c’était très important pour moi et une bonne réussite au final je pense.
Alfred Hitchock déclarait à François Truffaut: « Je filme les scènes de meurtres comme des scènes d’amour et les scènes d’amour comme des scènes de meurtres… ». Est-ce qu’une des caractéristiques du giallo, de votre cinéma peut se définir de cette manière : des scènes de meurtre tournées comme des scènes érotiques et inversement ?
Oui, c’est une définition très juste. Quelques fois j’ai fait des scènes de mort comme des scènes d’amour, comme une fête, comme une fête sanglante opposant la Pureté au Mal.
Que représente la trilogie des Mères pour vous ?
C’est une trilogie étrange car les films ne sont pas vraiment reliés entre eux, avec le dernier (Mother of tears) qui fait un peu le résumé des précédents. Le premier film de cette trilogie, Suspiria a été le plus difficile : on a beaucoup expérimenté sur la couleur, la musique ; je voulais que chaque prise de vue soit différente l’une de l’autre. C’est un film très personnel.
DR FB
Dans quelle mesure votre cinéma est-t-il méditerranéen ?
Par sa lumière, par ses histoires de sorcellerie, il a quelque chose de spécial, une force dans la façon de raconter les histoires. C’est plein de vie, opposé au cinéma superficiel des Etats Unis.
Pourtant, vous avez travaillé aux USA.
Oui, mais à une condition : celle de me laisser libre. Ils ont accepté. Pour Jenifer, dans la série Masters of Horror, je leur ai dit de faire attention car s’ils me laissaient faire tout ce que je voulais, cela pouvait aller très loin. Il y avait beaucoup de scènes de sexe très dures et l’une d’elles a été coupée. C’était celle où Jenifer mange le sexe de sa victime. Au montage, on voit seulement quand elle commence et la fin quand elle finit de manger.
Vous parlez du tournage d’Opéra, en 1986, comme de la pire expérience de votre vie. Vous pensez toujours que la malédiction de MacBeth vous poursuit ?
Dès la préparation il s’est passé des choses terribles, étranges. Tous les jours, je me disputais avec l’actrice principale, Cristina Marsillach, un acteur s’est cassé la jambe puis mon père est mort. A tel point, qu’un ami m’a conseillé de changer, de me reporter sur l’opéra de Verdi plus léger, La Traviata. Mais j’ai voulu aller au bout.
J’ai ressenti une sorte de malaise, comme une sorte de dépression quand le film était fini. Je suis parti tout seul en Inde pendant un mois pour retrouver une spiritualité, pour oublier le film parce que je pensais avoir fait un film horrible. Puis je suis reparti en Europe en passant par Los Angeles pour quelques jours et j’y ai rencontré un critique anglais très connu qui m’a dit qu’il adorait le film. De plus en Angleterre le film a eu un grand succès. La malédiction était finie et m’avait enfin lâché.
Pouvez-nous parler de votre nouveau projet, Dracula 3D ?
Je suis en train de faire des tests sur la 3D. C’est difficile la 3D en Europe parce qu’ils n’ont pas une grande expérience, pas beaucoup de films, des publicités essentiellement. Je fais actuellement des tests en Hongrie avec un technicien américain et un technicien espagnol mais je ne suis pas encore vraiment satisfait. Je sais que Scorsese tourne aussi un film en 3D à Londres. Peut-être que les techniciens de Londres pourront venir m’apporter leur aide en Hongrie.
Propos recueillis par Géraldine Pigault et Fabien Brajon