C’est à l’hôtel du Roi René d’Aix en Provence que Mélanie Laurent, interprète et pour la première fois réalisatrice, ainsi que Marie Denarnaud, elle aussi interprète d’un des rôles phare du film, nous ont fait le plaisir de répondre à quelques questions concernant « Les adoptés« .
Voici une synthèse de cette discussion ouverte avec quelques journalistes. ATTENTION: Certains propos peuvent dévoiler des éléments du film.
Le tournage d’un long métrage, une nouvelle aventure?
Melanie Laurent:
Ce n’est en aucun cas une lubie passagère. J’ai toujours voulu me diriger vers la réalisation de films, avant même d’être actrice, mais j’ai pris le temps de m’y préparer, par la réalisation de courts-métrage tout d’abord, mais aussi et surtout par l’observation des différents réalisateurs avec lesquels j’ai été mené à travailler en tant qu’actrice. Ils m’ont beaucoup apporté. Quentin Tarentino, par exemple, met toujours beaucoup de musique sur ses plateaux… Je lui ai « volé » ca! (Rires)
Bruno Levy, mon producteur m’a aussi beaucoup rassuré par sa confiance dès les prémices du projet et par son suivi de celui-ci.
Ce projet justement, comment est-il né et comment a-t-il grandi?
M.L.:
J’ai, dès l’origine, souhaité mettre en scène des femmes, laissant de fait peu de place aux hommes. J’avais cette idée d’une maternité à plusieurs têtes, l’une s’occupant de l’éveil de l’enfant alors que l’autre s’occuperait du reste. Par contre, et malgré les différentes références que les spectateurs semblent y trouver, je n’avais aucun schéma préconçu, aucune théorie à exposer concernant l’éducation.
Le film se veut intemporel, tout d’abord parce que les sujets qu’il traite sont universels, mais également car je souhaitais certaines scènes qui n’aurait pas de sens aujourd’hui, tel que le répondeur qu’on écoute et réécoute à volonté sans que le message ne disparaisse au bout d’un temps voulu (j’adorais ces répondeurs!). Du coup, l’idée m’est venue, un peu à la manière d’un roman, d’axer la narration autour de la description de la vie de trois personnages, correspondant à trois moments du film. Nous nous sommes très vite retrouvés à deux pour écrire le scénario, avant d’être rejoint par une troisième personne dans la dernière ligne droite.
Comment s’est passé le passage à la réalisation d’un projet de cette envergure en comparaison des courts-métrages que vous aviez fait?
M.L.:
Je dois avouer que je n’ai pas beaucoup aimé mes courts-métrages, y compris « A ses pieds », porno chic réalisé pour Canal+ dans le cadre du projet « X-plicit au féminin ». Ils m’ont toutefois permis de m’essayer au techniques de réalisation et de faire quelques recherches sur mes attentes en terme d’image et de son.
Le fait est que le premier jour de tournage a été assez difficile. Je suis rentré chez moi le soir et je me suis dit: « Tu as une centaine de personnes, sans compter les acteurs, qui compte sur toi. Si tu continues comme cela, ça ne va pas être beau à voir ». Je me suis recentrée et suis arrivée plus motivée que jamais le lendemain matin. A partir de là, tout s’est bien passé. En fait, on peut considérer que le premier jour de tournage, c’est ce mardi.
Peu à peu j’ai alors commencé à me libérer et à oser plus de choses. Je me suis mise à essayer de nouvelle position de caméra, de nouveaux mouvements… Je me suis même surprise à endosser une caméra Steadicam (qui pèse quand même 30 kilos). Cela devait d’ailleurs être assez déroutant pour les équipes de me voir par moment en train de jouer un rôle dans le film, et à d’autres moments en train de courir partout pour régler les détails d’une scène.
Cette double casquette justement, a-t-elle été facile à porter?
M.L.:
Si j’avais écouté certaines personnes de mon entourage, je ne me serais jamais lancé dans ce double rôle. Le personnage de Lisa n’avait d’ailleurs pas été écrit pour moi, mais mes proches et Bruno Levy, ici encore, ont su me rassurer et me convaincre que l’idée était la bonne et que j’en étais capable.
Lorsqu’on réalise un film on est suivi et soutenu durant toutes les phases. De l’écriture à la bande annonce on te tient la main, c’est à la fois très rassurant et très formateur. Ce n’est pas le cas lorsqu’on est acteur, on se sent plus seul.
Parlez-nous un peu du casting
M.L.:
J’ai travaillé avec les personnes que je désirais et que j’ai pris le temps de choisir, que ce soit sur le plan technique ou celui des interprètes. Le choix de Marie Denarnaud s’est fait immédiatement, elle est géniale et je ne voyais personne d’autre pour ce rôle.
Inversement, les choix de Denis Ménochet et Clémentine Célarié ont suivis un processus assez étrange. J’ai pensé rapidement à eux, mais je ne leur en ai pas parlé et ai commencé par offrir les rôles à d’autres personnes qui ont refusé. Je me suis donc tournée vers eux en m’excusant, dans les deux cas, de ne pas les avoir contactés plus tôt. Il n’en reste que ce sont tous, pour moi, des artistes incroyables qui ont performé avec brio et professionnalisme.
Marie Denarnaud:
Mélanie est une réalisatrice et une directrice d’acteurs très efficace. Elle sait exactement ce qu’elle attend de ses personnages et comment nous y amener, ce qui n’est pas le cas de tous. Elle a un charisme et une joie lorsqu’elle nous dirige qui nous oblige à nous surpasser.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces deux acteurs?
M.L.:
J’ai rencontré Denis durant le tournage de « la Rafle ». C’est son premier rôle principal mais il était fait pour lui. Lors de sa première apparition, très tardive d’ailleurs, il semble être un rock, une masse en imposant par sa seule présence. Cette carapace laisse petit à petit transparaître un être plus fragile, plus délicat.
Clémentine, quand à elle, n’a plus rien à prouver. Très professionnelle, elle a fait montre d’abnégation pour trouver la juste place de son rôle dans le film. C’est par exemple la seule du quatuor à ne pas avoir sa partie à elle ou à paraitre volontairement flou sur certains plans… Il faut être en paix avec son ego pour accepter cela!
Le personnage de Clémence, joué par Audrey Lamy, est une sorte de militante écologiste un peu caricaturale… Un message à passer ?
M.L.:
Bien au contraire, si on écoute ce qu’elle dit, on s’aperçoit que ce ne sont que des vérités. Les écolos passent souvent pour des illuminés, on les prends rarement au sérieux.
Le film est un entremêlement de situation joyeuses et beaucoup plus sombre…
M.L.:
Le scénario est un squelette de ce que nous souhaitons créer, de fait il nous ressemble forcément un peu. Je suis moi-même comme cela, parfois légère et parfois plus grave. Heureusement, une fois encore, on n’est pas seul face à notre scénario. En écrivant à plusieurs, ces excès sont lissés, ou, du moins, contrôlés. De plus, mon producteur a su passer l’histoire au crible et trancher avec fermeté certaines choses qui ne lui convenaient pas, tout en nous incitant à en développer d’autres qui lui paraissaient plus intéressantes.
Le traitement qui y est fait de certains thèmes tels que l’éducation ou bien encore la maladie laisse présumer des recherches abouties sur le sujet. Comment avez-vous préparé le film?
M.L.:
Pour ce qui est de l’hôpital, je suis allée très tôt voir un spécialiste de ce genre de cas afin de mieux en appréhender la mise en scène mais aussi l’écriture. J’ai également tiré mon inspiration d’autres films, tel que « Parle avec elle » de Pedro Almodovar.
Concernant l’éducation, comme je vous l’ai dit, je souhaitais avant tout montrer des femmes se passant, par la force des choses, d’hommes dans leur quotidien tout en en élevant un. C’est donc ma vision personnelle de cette situation qui est dépeinte et si elle rejoint les théories de certains auteurs, ce n’est que pure coïncidence car je ne me suis en fait même pas documentée sur le sujet. L’avis de Marie, qui elle, au contraire, lit beaucoup, m’a par contre été utile durant le tournage.
En fait, je suis issue d’un couple d’artistes qui m’a toujours apporté une éducation différente, basée sur l’éveil et l’ouverture au monde… et je ne vois pas comment apprendre autrement !
Après ce passage à la réalisation, avez-vous toujours envie que l’on vous propose des rôles ou préférez-vous rester de ce côté de la caméra ?
M.L.:
S’il y a bien une chose formidable avec le cinéma, c’est que l’on ne s’y ennuie jamais et qu’il y a de la place pour tout le monde. Je suis très heureuse de cette expérience et si j’ai la chance que le film marche bien, j’en réaliserais certainement d’autres. Mais je ne dis pas au revoir au métier d’actrice pour autant: J’ai encore beaucoup d’envie et de rêves dans ce domaine-là !
Merci encore à Mélanie et Marie pour leur sympathie et leur patience. On souhaite un grand succès au film dont vous pouvez d’ailleur dès à présent lire la critique sur notre site.