En attendant un véritable nouveau jeu (et le troisième film), Silent Hill est de retour avec un remake de Silent Hill 2, souvent considéré comme le meilleur volet par les fans. Prêt à retourner dans la brume ?
Née en 1999 sur la première Playstation, la franchise Silent Hill a très vite pris le contrepied de bon nombre de survival horror de l’époque, Resident Evil en tête. En effet, au contraire de ce dernier et de bon nombre de ses semblables (une pensée nostalgique pour Dino Crisis) qui misaient davantage sur la survie et l’action face à des ennemis provenant généralement de dérives scientifiques, Silent Hill a préféré prendre un chemin plus organique et psychologique, abordant des sujets très humains tout en poussant leur traitement à l’extrême à travers leur représentation visuelle et surtout leur mise en scène narrative, émotionnelle et sonore. Difficile d’en dire plus sans risquer de spoiler les joueurs néophytes (dont l’auteur de ces lignes fait partie), mais pour faire simple, il vous faudra avoir le coeur et l’esprit bien accrochés pour pénétrer dans la ville de Silent Hill. Et ce n’est pas ce remake de Silent Hill 2 qui fera dire le contraire.
Une voiture garée le long d’une route barrée, des toilettes publiques insalubres, une forêt noyée dans la brume, aucune âme à l’horizon… Les premiers instants dans SH2 sont anodins en apparence, et pourtant ils laissent largement augurer de la plus grande force du jeu : son ambiance. En effet, et comme précisé plus haut, Silent Hill 2 n’est pas un jeu misant sur l’action ou la facilité de jump-scares, mais sur une atmosphère pesante, malsaine, apte à vous faire frissonner de façon constante, voire à réveiller quelques traumatismes enfouis en vous. Cela n’a l’air de rien comme ça, mais cette différence est réellement importante pour présenter à quel point l’expérience de Silent Hill 2 lui est propre et pourrait bien faire date dans votre parcours de joueur. Comme un cauchemar intense, le genre qui vous hante bien après votre réveil, l’ambiance malsaine de SH2 vous accompagnera tout au long de la petite vingtaine d’heures qu’il vous faudra pour en voir l’une des différentes fins (un chiffre qui pourra facilement diminuer si vous ayez joué à l’original et/ou si vous ne prenez pas le temps d’explorer). Car si le passage dans la forêt du début offrira un ersatz de ce qui vous attend, ce n’est qu’une fois arrivé à la ville, noyée dans la brume, de Silent Hill que l’on prendra la mesure du cauchemar éveillé où nous sommes embarqués. Rues délabrées, hôtel miteux, résidences à l’abandon, hôpital désaffecté… Comme dirait l’autre, il y a quelque chose de pourri dans ce royaume, et il faudra tout votre courage pour permettre à votre héros James Sunderland d’aller au bout de sa quête. En effet, c’est après avoir reçu un mystérieux message de sa défunte femme que James prend la décision de revenir à Silent Hill, lieu lié à leur histoire d’amour et indiqué dans la lettre de sa femme. Est-elle toujours vivante ? Comment est-ce possible ? Pourquoi ce message ? C’est pour le savoir que vous êtes de retour. Et vous avez beau n’être qu’un simple quidam sans expérience des armes : ni cette atmosphère pesante, ni les énigmes alambiquées, ni les mystérieuses créatures sur votre chemin ne vous feront faire marche arrière, et de la moindre planche de bois pourra dépendre votre salut.
Encore une fois, votre serviteur étant néophyte de la licence, il ne sera point question de comparaison avec le jeu original ou d’autres titres de la licence ici (précisons juste qu’il n’y a pas besoin de jouer à Silent Hill 1 pour comprendre et apprécier le 2). Tout au plus, en croisant les informations distillées ici et là par le studio Bloober Team, peut-on affirmer que ce remake reprend la plupart des éléments de l’original, mais en les modifiant légèrement (ex: un objet ou un ennemi qui aurait changé d’emplacement, un lieu agrandi ou remanié…), tout en ajoutant quelques éléments rallongeant la durée de vie (ex: l’énigme de l’horloge). Pour les néophytes, en termes de gameplay, parcourir Silent Hill 2 pourrait se définir comme arpenter un enchainement de ruelles brumeuses et de couloirs sombres avec une arme de fortune au poing, en devant résoudre de nombreuses énigmes qui vous demanderont souvent de réunir plusieurs éléments vous permettant de trouver votre chemin à travers les multiples ennemis et autres embûches. En ce sens, SH2 pourrait faire grincer quelques dents tant il se révèle l’héritier de ces jeux qui demandaient de tirer bon nombre de leviers pour récupérer des items disparates répartis dans le niveau afin d’espérer ouvrir une vulgaire porte qu’il aurait été plus simple de défoncer à l’épaule. De même, il sera difficile de ne pas pester sur ce cher James quand il se révèlera incapable d’enjamber une simple caisse en bois lui bloquant le passage. Et on ne parle pas de sa rigidité dans les déplacements qui transformeront les passages plus musclés en vrai parcours du combattant… Toutefois, il serait difficile de pester contre ces éléments d’un autre âge tant ils font non seulement partie de l’ADN de la franchise, mais contribuent finalement à l’expérience intense du jeu.
En effet, pour trouver votre chemin et surtout aborder les énigmes, celles-ci vous demanderont souvent de dégainer votre meilleure amie dans ce monde lugubre : votre carte des lieux. Oui, James récupérera rapidement la carte de la ville ou d’un bâtiment, et y annotera bon nombre des informations que vous glanerez en route. Une porte verrouillée, un point de sauvegarde ou d’intérêt, une note importante quelconque… Cette carte deviendra très vite votre meilleure alliée, et l’on appréciera que les notes y soient inscrites de façon automatique sitôt faite la découverte en question. De même, on ne saurait vous conseiller de prendre le temps – et le risque – de vous aventurer dans les moindres recoins tant vous aurez de bonnes chances d’y trouver des kits de soin ou des armes et munitions. Ces différents items étant assez rares (leur nombre dépendant également de votre choix de difficulté), utilisez-les avec soin, et apprenez surtout à éliminer le plus efficacement les ennemis sur votre chemin. Gaspiller une cartouche au lieu d’une attaque au corps-à-corps bien placée, tirer trois balles dans le corps au lieu d’une seule dans la tête, négliger l’intérêt de viser une jambe… Autant de petits détails qui, en prêtant attention à les éviter, vous permettront de faciliter votre route à travers l’enfer de Silent Hill 2. D’autant que, outre la constance de son atmosphère malsaine, l’équipe de Bloober a bien soigné son level design, si bien qu’il ne sera pas rare d’avoir affaire à quelques jump-scares bien placés, voire à l’attaque sournoise et surprise d’un ennemi que l’on avait pas vu alors qu’il était pourtant sous notre nez depuis le début.
On touche ici à l’une des immenses qualités de Silent Hill 2 : son ambiance visuelle et sonore. Vous l’aurez compris, la réussite de Silent Hill 2 Remake tient beaucoup à sa direction artistique malaisante et poisseuse, et le soin apporté aux aspects plus techniques y est pour beaucoup. Graphiquement, le jeu est proprement superbe, que ce soit dans ses modélisations, ses textures ou ses effets de particules (rarement une brume a été aussi palpable). Sans compter ses effets de lumières, impeccables et jouant évidemment pour beaucoup dans l’ambiance. Mais c’est sur le plan sonore que la saga Silent Hill s’est souvent illustrée dans le coeur des fans, et Silent Hill 2 Remake ne fait pas exception. Jouant énormément sur les bruitages, qu’ils soient naturels ou surnaturels, organiques ou mécaniques, et sur la mise en scène avec un usage savant de l’hors-champ, la partie sonore est un spectacle constant pour les oreilles et pourra confirmer à ceux qui en douteraient encore que l’audio est autant, sinon plus important que le visuel dans un jeu ou film d’horreur, en particulier ceux ne cédant pas aux facilités de l’action dans le façonnement de leur expérience.
Car oui, plus qu’un simple remake, Silent Hill 2 est une véritable expérience, de celles à marquer une vie de joueur et à vous hanter de longues heures après avoir lâché la manette. Aussi beau que malaisant à parcourir, réussissant à rendre hommage tout autant qu’à tirer profit de son gameplay old-school, le titre de Bloober Team confirme à quel point certains remakes méritent d’être réalisés, pourvu que cela soit bien fait. Qu’on soit ou non fan du genre, que l’on ait ou non joué à l’original, Silent Hill 2 mérite assurément le détour.