The Substance
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« The Substance » de Coralie Fargeat

France/Angleterre/USA – 2024 – 2h20

Horreur/Science-Fiction/Fantastique 

Avec Demi Moore, Margaret Qualley et Dennis Quaid

Le body-horror féministe français est en train de devenir un genre à part entière !

The Substance

Si Julia Ducournau a triomphé avec « Grave » et « Titane », sa consœur Coralie Fargeat est loin de démériter dans ce registre, déjà abordé en 2017 avec « Revenge ». Ce premier long sympathique sur une call-girl laissée-pour-morte qui se venge redoutablement des hommes qui l’ont souillé lui avait apporté une petite notoriété. Manifestement suffisante pour monter un projet beaucoup plus ambitieux. Et la voici de retour avec une œuvre qui pourrait aisément devenir culte et qui a été primée à Cannes pour son scénario. Un concept simple – s’offrir un double idéalisé – mais réellement revisité avec brio. Car c’est tout le sens d’avoir une femme derrière la caméra sur un tel sujet : réinjecter du sang neuf dans un genre galvaudé grâce à une vision différente. Toutes ces réalisatrices qui émergent depuis quelques années s’attaquent à des thématiques traitées avant tout par un prisme masculin, leur apportant une autre sensibilité qui permet de réinventer beaucoup de choses. Et c’est important à souligner car le cinéma (malgré sa jeune existence) commence à beaucoup se répéter. Il faut voir dans l’émergence de ces nouveaux talents une véritable espérance quand à son évolution. Certes il y a aussi du mauvais, la tentation artistique misandre pouvant accoucher d’objets risibles. Mais ce qui est agréable avec Fargeat c’est qu’elle ne se prend pas trop au sérieux, illustrant le narcissisme (et le contexte qui le génère) avec un ton pop et grotesque qui fait la part belle aux références. C’est un pur film de genre, très ludique et divertissant. C’est tellement vivant et spectaculaire qu’on en oublie le manque de moyens. Avalanche de gros plans, montage très efficace, mise-en-scène clipesque, sound-design omniprésent : impossible de relâcher l’attention pendant les 2h20 du métrage !

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Du cinéma au sens noble du terme qui rend plus qu’honneur à la salle où il se doit impérativement d’être visionné. Sans compter le somptueux travail exécuté sur le maquillage et les prothèses, véritablement stupéfiant.

Mention également aux décors, car le film est censé se dérouler à Los Angeles et Beverly Hills alors qu’il a intégralement été tourné en France !

L’ADN américain est transfusé par les interprétations habitées du trio de personnages, Demi Moore en tête. C’est franchement osé d’accepter de jouer avec son image de la sorte, de se mettre à nu dans autant de séquences où la pudeur n’est plus vraiment un critère. Le « duo » contraint formé avec Margaret Qualley est savoureux, cette dernière distillant une présence énigmatique et inquiétante, comme on avait déjà pu en juger dans sa publicité pour Kenzo et son apparition dans « Once Upon a Time in Hollywood ». Dennis Quaid achève l’abattage en règle du milieu hollywoodien avec son rôle de producteur déjanté qui le fait renouer avec un style qu’on lui avait oublié depuis les années 80 et des pépites comme « L’Aventure Intérieur ». D’ailleurs le film s’inscrit clairement dans cette époque vis-à-vis de l’atmosphère, se complaisant dans le kitsch – sans pour autant virer à la reconstitution artificiel.

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Mais cela ne l’empêche pas de proposer des moments de bravoure intemporels, comme cette séquence où l’héroïne déjà dépassée par son « idéal » ne parvient à assumer son âge et son image, se remaquillant sans cesse jusqu’à s’effacer le visage dans une outrance qui fait vraiment peur – sûrement plus que n’importe quel effet spécial…

À n’en pas douter le film de l’année en ce qui me concerne, viscéral et organique comme je les apprécie tant ! Âme sensible s’abstenir une fois de plus, mais j’atteste que cette expérience n’est pas de la complaisance gratuite et douteuse : c’est un film intense au service total d’un propos subtile et réfléchi, qui nécessite d’être illustré avec un tel dispositif. Sacré travail fourni par la réalisatrice et toute son équipe – chapeau au plus bas.

Article de Noé

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