Le 77e Festival de Cannes du Proche à l’Extrême-Orient (14-25 mai 2024)
Le 77e Festival de Cannes du Proche à l’Extrême-Orient (14-25 mai 2024)

Le 77e Festival de Cannes du Proche à l’Extrême-Orient (14-25 mai 2024)

L’Asie dans sa totalité géographique du Proche à l’Extrême-Orient, est une nouvelle fois bien représentée au 77e Festival de Cannes.
Du 14 au 25 mai 2024, l’Asie d’Extrême-Orient est représentée en compétition par le film Caught by the Tides du maître du cinéma chinois de la sixième génération, Jia Zhang-ke. Ce film, par petites touches impressionnistes, conte l’évolution de la Chine en ce premier quart du XXIe siècle. Jia Zhang-ke s’attache à la décrire par le biais des chansons marquant la mémoire collective. Il multiplie les clins d’œil à son œuvre forte d’une quinzaine de films, balises du temps s’écoulant inexorablement.

Le 77e Festival de Cannes du Proche à l’Extrême-Orient (14-25 mai 2024)
Jia Zhang-ke avec Martine et Jean-Marc Thérouanne, lors de la China’s New Talent Night au Carlton. (Crédit photo FICA)


Le sous-continent indien est de nouveau présent en compétition, après une longue éclipse de 30 ans, avec le film All We Imagine As Light de la réalisatrice Payal Kapadia, reconnue à Cannes par le prix l’œil d’or récompensant son film documentaire Une nuit sans savoir sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2021.
Ce film s’attache à décrire la vie de trois indiennes travaillant de nuit dans un hôpital de Mumbay. Des scènes de sexe, le financement et la composition de l’équipe du film largement français suggèrent qu’il s’agit d’un film indien formaté pour les festivals Occidentaux. Ce film a charmé le jury composé majoritairement d’acteurs. Il lui a décerné le Grand prix du jury.  

Le 77e Festival de Cannes du Proche à l’Extrême-Orient (14-25 mai 2024)

Les actrices du film indien All We Imagine As Light lors de la soirée de l’équipe du film à la Belle Époque. (Crédit photo FICA)

Le Moyen-Orient est représenté par l’immense Mohammad Rasoulof, le Costa-Gavras iranien, arrivé de façon rocambolesque à Cannes, fuyant la République islamique d’Iran le persécutant en raison de son immense talent au service de la Liberté. Son dernier opus The Seed of The Sacred Fig, est une magistrale démonstration permettant de comprendre les mécanismes aboutissant à l’instauration du totalitarisme. Ce film, mis en scène à la façon d’un thriller, est servi par d’excellents acteurs. Il s’agit d’une réflexion profonde sur le pouvoir dictatorial se nourrissant de la peur. Le film a été tourné clandestinement en Iran. Il a pour toile de fond la féroce répression actuelle dont est victime le peuple iranien contestant la théocratie au cri de « Femme ! Vie ! Liberté ! ».
Il a une force comparable à Z ou L’Aveu de Costa-Gavras. Un prix spécial du jury lui a été remis lors de la cérémonie de clôture. De l’avis de beaucoup il méritait la palme d’or. Les deux jurys de critiques de cinéma ne s’y sont pas trompés en le récompensant du prix du jury œcuménique et du prix du jury Fipresci.

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Mohammad Rasoulof au Grand Théâtre Lumiere (crédit photo FICA)

Plusieurs films asiatiques notables, venus de Hong Kong, sont en sélection officielle hors compétition. Twilight of the warriors : walled in city of darkness de Soi Cheang, est un film de gangster efficace et non dénué d’humour, dans la grande tradition du cinéma de Hong Kong. She’s got no name de Peter Ho Sun Chan, avec les actrices Zhang Ziyi et Michelle Yeoh, retrace l’histoire vraie d’un crime commis par une femme battue par son mari. Ce fait divers fit la une des journaux chinois durant l’occupation japonaise dans le Shanghai de la seconde guerre mondiale. Le film est une excellente reconstitution historique. Le spectateur, tenu en haleine, ne voit pas le temps passer.

En séance de minuit le réalisateur sud-coréen Ryoo Seung-wan propose avec Vétéran 2, la suite des enquêtes criminelles conduites par le détective Seo Do-cheol.

La sélection d’Un Certain Regard permet de découvrir l’excellent film chinois Black Dog de Guan Hu, se déroulant dans une ville minière du désert de Gobi où le héros principal est chargé d’éliminer tous les chiens errants à la veille des jeux olympiques de 2008. Ce dernier finit par se lier d’amitié avec un chien errant. Pousser par son amour des animaux, il libère tous les animaux du zoo de la ville. Avare en parole, cette fable sur les liens entretenus entre les hommes et les animaux, dit tout avec le langage cinématographique. Il est parsemé de nombreuses scènes cocasses, trait novateur dans ce type de cinéma. Le jury d’Un Certain Regard, présidé par Xavier Dolan, lui a remis son prix.

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L’équipe du film Black Dog (crédit photo FICA)

Le Japon est présent avec My Sunshine de Hiroshi Okuyana, film sensible et beau sur l’amitié d’un couple d’adolescents s’adonnant à la passion du patinage artistique.

Le film indien à ne pas manquer est sans aucune hésitation Santosh de Sandhya Suri avec l’actrice Shahana Goswami dans le rôle principal d’une policière confrontée à la multitudes des complexités de la société indienne : bavure policière, société patriarcale, préjugé de caste, discrimination des indiens musulmans, …
Ce film d’une grande force analysant la société indienne en profondeur aurait mérité d’être en compétition officielle.

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Shahana Goswami, actrice, Sandhya Suri, réalisatrice et l’équipe du film Santosh. (Crédit photo FICA)

Viet and Nam du réalisateur vietnamien Truong Minh Quy, a pu voir le jour grâce à des producteurs courageux des Philippines, de Singapour, de Suisse, de France, des Pays-Bas, d’Italie et d’Allemagne. Les Institutions vietnamiennes ont renié cette œuvre pleine d’humanité pour des raisons idéologiques.

Pour la première fois de son histoire, le Festival de Cannes a sélectionné un film courageux venu d’Arabie Saoudite. Le réalisateur Tawfik Al Zaidi aborde dans Norah, les problèmes de l’enseignement et de la création artistique dans un pays, l’Arabie Saoudite, soumis aux préceptes religieux de l’interdiction de l’image, au poids du conservatisme bridant le droit à la connaissance au nom du dogme.

Trois films asiatiques incontournables ont été projetés à Cannes classics : la comédie déjantée de Tsui Hark, Shanghaï Blues, présentée en présence de la grande actrice et productrice Sylvia Chang, le chef d’œuvre du réalisateur indien Shyam Benegal, Manthan (le barattage ) avec l’actrice Smita Patil et le film culte Bona du réalisateur philippin Lino Brocka, avec l’actrice et productrice Nora Aunor.
Les trois actrices principales de ces trois films sont des légendes de l’histoire des cinémas d’Asie.

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Sylvia Chang et Jean-Marc Thèrouanne (crédit photo FICA)



La Semaine de la Critique propose un seul long métrage d’Asie, le film taïwanais Locust de Keff, film décrivant les mésaventures d’un jeune homme menant une double vie, celle d’un employé de restaurant le jour, et gangster la nuit.

La Quinzaine des cinéastes est attentive à la vitalité du cinéma asiatique.
Desert of Namibia de la réalisatrice japonaise Yoko Yamanaka remporte le prix du jury Fipresci des sections parallèles.
Cette œuvre décrit la recherche d’elle-même d’une jeune fille dans la fleur de l’âge.

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La réalisatrice Yoko Yamanaka (crédit photo FICA)

Mongrel des réalisateurs taïwanais Wei Liang Chang et You Siao Yin, se voit attribuer la mention spéciale de la caméra d’or. Il est l’un des films les plus noirs de désespérance de ce 77e festival de Cannes. Cet opus, filmé en temps réel et en noir et blanc, décrit le désespoir d’une famille devant l’état grabataire d’un de leur enfant menant de ce fait une vie végétative. La garde et les soins de cet être diminué sont confiés à un migrant sans papier et sous payé.

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L’équipe du film Mongrel (crédit photo FICA)

Ghost cat Anzu de Yoko Kuno est un savoureux film d’animation japonais aux couleurs chatoyantes. Les personnages sont complètement enracinés dans la culture nipponne.

Parmi les films venus d’Asie du Proche à l’Extrême-Orient présentés au Marché du Film, From Ground Zero by directors from Gaza, est un film omnibus bouleversant, révoltant, terrible sur la réalité de la vie quotidienne des Gazaouis subissant quotidiennement les bombardements de l’armée israélienne depuis octobre 2023, en représailles des terribles massacres du Hamas sur les populations israéliennes vivant dans le Negev et des jeunes festivaliers du concert pacifiste. Cet ensemble de courts métrages réalisés par de simples habitants de Gaza avec des téléphones portables sont des témoignages de la réalité de leur vie quotidienne : on meurt, on vit, on crée. Ce cinéma de l’urgence existe grâce au soutien de la Masharawi Fund du réalisateur palestinien Rashid Masharawi. Il pousse à la réflexion : que peut le cinéma pour être plus que le témoin de son époque ? 


Texte écrit par Jean-Marc Thérouanne, le 26 mai 2024 au retour du 77e Festival de Cannes. 

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