Après avoir créé la surprise en 2018 avec un premier opus en forme de réussite totale, puis prolongé le plaisir avec un spin-off en 2020, l’homme-araignée est enfin de retour sur PS5 avec le sobrement nommé Spider-Man 2. Alors, le tisseur tutoie-t-il toujours les sommets ? Verdict dans la suite.
Cinq ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour découvrir la suite des aventures de Peter Parker par le studio Insomniac. Bien sûr, après le premier opus en 2018, les développeurs n’avaient pas chômé en nous gratifiant deux ans plus tard de Spider-Man : Miles Morales, petite parenthèse nous mettant aux commandes du susnommé Miles qui profitait de l’absence temporaire de Peter pour nous dévoiler ses propres aptitudes d’homme-araignée dans le même cadre de Manhattan. Et si ce spin-off stand-alone ne manquait absolument pas de qualités, force est d’avouer qu’il nous laissait un peu sur notre faim en termes de durée de vie, faisant davantage figure de DLC de (grand) luxe. Représentait-il le signe qu’Insomniac se serait reposé sur ses lauriers et/ou avait déjà tout donné dans le premier volet ? Ce serait bien mal connaitre les créateurs de Spyro, Ratchet & Clank et tant d’autres…
Comme bon nombre de suites, Spider-Man 2 reprend la recette qui a fait le succès de ses deux prédécesseurs, tout en adaptant les ingrédients (ici moins de boss importants – moins de quantité, plus de qualité -, là davantage d’action et d’émotions…) et surtout en n’hésitant pas à pousser le dosage et la cuisson encore plus loin ! Au sortir du four, manette en main, le résultat – digne d’un (é)toilé – est un véritable bonheur. Certes, l’effet de surprise de 2018 est désormais estompé, mais il ne faut que quelques instants (et une séquence d’introduction de haut vol, au propre comme au figuré) pour retrouver le plaisir inchangé de diriger l’homme-araignée – ou plutôt LES hommes-araignées – dans les rues de New York. Oui, vous avez bien lu : après avoir gagné ses galons dans son spin-off, Miles Morales est bien de retour, et pas seulement pour faire joli sur la jaquette puisqu’il est à nouveau jouable au même titre que Peter Parker. Evidemment, chacun des deux tisseurs conserve ses aptitudes distinctes déjà entrevues dans les précédents volets, avec notamment les pouvoirs bio-électriques chez Miles et les gadgets high-tech pour Peter. Mais en-dehors de cet aspect, le gameplay reste aussi grisant chez l’un que chez l’autre, d’autant que Insomniac met nos deux Spidey sur un pied d’égalité non seulement en termes d’intrigue, mais également de gameplay.
En effet, à l’image d’un Grand Theft Auto V, l’aventure de Spider-Man 2 propose de switcher à tout moment entre Peter et Miles, permettant ainsi d’arpenter la ville avec le tisseur que vous préférez. N’allez toutefois pas croire que la trame principale de cet opus peut être faite en jouant uniquement avec l’un ou l’autre. En effet, si il est bien possible de switcher à tout moment de héros durant nos pérégrinations dans New York, l’intrigue principale est bien encadrée et vous placera automatiquement dans la peau du Spider-Man adéquat dès que vous arriverez au point de lancement de la quête principale concernée (cela s’appliquera aussi à certaines quêtes secondaires). D’ailleurs, sans spoiler, on saluera le soin apporté à la narration, accordant autant de présence à Peter qu’à Miles sans négliger leur personnalité, qu’il s’agisse de leurs moments d’héroïsme ou du traitement de leurs failles psychologiques. Un aspect psychologique bien plus présent ici que dans les précédents opus, notamment à travers le traitement de la part sombre de nos héros, cristallisée par les épreuves qu’ils rencontreront face notamment au redoutable Kraven le Chasseur (mention au traitement du personnage, bien plus intéressant qu’on pouvait s’y attendre) ou à l’inévitable Venom, qui méritait bien un paragraphe dédié.
Malheureusement spoilée très tôt par la promotion du jeu, la présence de Venom – soit l’un des personnages les plus appréciés et emblématiques de l’univers du tisseur – représentait évidemment une garantie de succès pour le studio, mais également un incroyable défi. En effet, le personnage a beau avoir acquis un statut culte grâce aux comics, ses différentes adaptations, notamment cinématographiques, ont jusqu’ici engendré au mieux le débat (le Spider-Man 3 de Sam Raimi), au pire des ratages impressionnants sur le plan critique (coucou les films Venom). Fort heureusement, un jeu vidéo n’a pas les mêmes contraintes qu’un film, notamment en termes de durée et de mise en scène, et ça, le studio Insomniac l’a bien compris. Non content de prendre son temps pour installer le symbiote dans l’intrigue (oui, on rappelle aux néophytes que Venom est avant tout un symbiote extraterrestre faisant corps avec ses différents hôtes humains pour survivre), Insomniac en profite également pour exploiter à fond le mystère, la menace et la violence tant physique que psychologique qu’il représente pour tous les personnages autour de lui, offrant ainsi aux joueurs ce qui est assurément le Venom le plus mémorable jamais vu à l’écran (on garde tout de même une place à part dans nos petits coeurs nostalgiques pour celui de la série animée des années 90). Evidemment, certains choix narratifs concernant Venom feront grincer des dents les fans hardcore, mais force est d’avouer qu’Insomniac a su prendre les décisions qui s’imposaient pour rendre hommage à l’univers du symbiote tout en jonglant avec les différentes contraintes d’intrigue et de gameplay. Le tout sans laisser de côté l’identité un peu « sale gosse » du studio, dont on sent à chaque instant le plaisir des développeurs à s’amuser avec des personnages aussi iconiques et la volonté de surprendre constamment les joueurs pendant plus d’une vingtaine d’heures au bas mot, jusque dans les derniers instants du jeu.
Cette volonté de surprendre les joueurs se fait également par le prisme du gameplay. L’effet de surprise de 2018 étant estompé, Insomniac a redoublé d’efforts pour apporter un vent de nouveauté sans pour autant déboussoler les joueurs de la première heure. Sur le papier, on note ainsi peu de changements, l’essentiel des combats passant toujours par le mélange action/esquive tandis que les déplacements à renforts de toiles et acrobaties se font toujours avec un plaisir et une facilité déconcertante, l’ensemble étant secondé par une caméra et une mise en scène encore plus virevoltantes. Pourtant, certains ajustements et ajouts viennent peaufiner l’expérience déjà excellente de 2018. On citera pêle-mêle l’ajout grisant du wingsuit maison, les nouveaux combos électriques de Miles, les phases aux commandes de MJ bien plus agréables et orientées action et surtout le traitement du « Spider-Man symbiotique ». Et oui, la première apparition de Venom ne pouvait décemment pas se faire sans l’entrée en scène du côté obscur de Spider-Man bien connu des fans. A ce niveau, il est indéniable que Insomniac a mis les petits plats dans les grands pour reléguer le souvenir de la danse du Spider-Man 3 de Raimi au rang de lointain souvenir. Ainsi, côté narratif, on saluera le soin apporté au traitement psychologique des personnages face à l’influence du symbiote, que ce soit pour Peter ou ses proches. Mais surtout, côté gameplay, l’arrivée du symbiote apporte une véritable déferlante de renouvellement des combats, Spider-Man tirant profit de ses nouveaux pouvoirs pour franchir un vrai cap dans la force et la violence de ses combos. Sans basculer dans le gore (on reste dans un jeu tout public), il est indéniable qu’Insomniac a vraiment su profiter de l’apport de Venom et du symbiote pour lâcher la bride et nous faire profiter pleinement de l’étendue du terrain de jeu et des capacités des différents personnages.
Un terrain qui comprend une nouvelle fois Manhattan, mais qui profite du passage exclusif à la new-gen pour s’étendre désormais aux banlieues proches de Brooklyn, du Queens, du Bronx et de Staten Island. Des zones qui serviront principalement l’intrigue de certaines missions et le background des personnages (on rappelle que Peter vient du Queens et Miles de Brooklyn), leurs différences topographiques n’apportant rien de franchement nouveau ou palpitant côté gameplay (à l’exception de certaines missions impliquant MJ). De même, visuellement, Spider-Man 2 a beau être magnifique, Spider-Man 2018 mettait déjà la barre tellement haut que cette suite peine à être une véritable claque visuelle pour les habitués des précédents opus, se contentant d’affiner ses textures, effets météo et reflets/lumières/particules (mention au rendu des éléments symbiotiques) pour mieux tirer profit des capacités de la PS5 et du ray-tracing. Enfin, côté sonore, si l’on saluera le travail autour des différentes atmosphères et bruitages dans la veine des précédents opus, impossible de ne pas s’attarder sur le travail des comédiens en VF. Profitant une nouvelle fois de la voix de Donald Reignoux en Peter, mais troquant Eilias Changuel pour Gregory Lerigab en Miles (un changement étonnant car le premier était très bon dans les précédents opus, mais Lerigab reprend le rôle avec brio et on sent à chaque instant l’alchimie entre lui et Reignoux), Spider-Man 2 profite de son intrigue aux forts accents psychologiques pour permettre aux comédiens de montrer toute l’étendue de leur talent, Reignoux se taillant évidemment la part du lion avec son Peter nous offrant un éventail impressionnant d’émotions, notamment dans ses moments « sombres », tout en continuant de nous gratifier de vannes bien senties. Assurément l’un des meilleurs doublages VF jamais entendus aux côtés des sagas Uncharted et Batman Arkham, ou encore de Puppeteer.
Au final, Spider-Man 2 est bien le digne héritier des aventures de 2018 et 2020. Prolongeant et rassemblant les parcours de Peter et Miles au sein d’une seule et même aventure, le studio Insomniac ne se repose pas sur ses lauriers, mais en profite justement pour affiner sa formule et dépasser les attentes placées dans cette suite. Plus grand, plus riche, plus sombre, plus intense, Spider-Man 2, à la manière d’un Batman Arkham City, ne reprend les acquis du précédent volet que pour mieux affiner sa formule et pousser les potards au maximum (jusqu’à un 3e volet qui ira encore plus loin ?), nous embarquant dans un véritable grand-huit d’où l’on ressort…. la tête à l’envers.