Après un démarrage un brin chaotique il y a presque dix ans, Lords of the Fallen fait son retour en cette fin d’année 2023 avec un but affiché : faire table rase du passé et rivaliser avec les plus grands Souls-like. Mission accomplie ? Nos impressions dans la suite.
Qui aurait pu prédire il y a bientôt quinze ans qu’un simple jeu à la difficulté, disons, relevée (ceci est un euphémisme) donnerait naissance à un genre tout entier et surtout à certains des plus gros succès critiques et publics du jeu vidéo ? Si le monde vidéoludique est évidemment riche en jeux difficiles (celles et ceux qui ont grandi avec certaines adaptations de BD par Infogrames sur SNES/Megadrive savent de quoi votre serviteur parle), il faut bien avouer que l’influence de FromSoftware sur l’industrie depuis leur jeu Demon’s Souls a de quoi donner le tournis, renvoyant presque à celle de Rockstar avec GTA. En effet, non content de donner naissance au genre des Soulslike, FromSoftware a su montrer à l’industrie que non, les joueurs ne courraient pas après les jeux faciles, assistés, casuals et consorts, et qu’une grande partie d’entre eux ne demandaient qu’à en baver ! Ainsi, tandis que FromSofware confirmait sa position dominante avec les cultissimes Dark Souls, plusieurs challengers se lançaient à leur tour dans l’arène. En 2014, Lords of the Fallen fut parmi les premiers.
Développé par CI Games, studio auparavant connu pour les Sniper Ghost Warrior, avec l’appui de Deck13, Lords of the Fallen 2014, si il n’était pas exempt de qualités, n’a cependant pas réussi à pleinement s’imposer auprès des critiques et du public, si bien que les projets de suite furent mis en pause. Et si l’on aurait pu penser que cela sonnerait le glas de ce qui se voyait déjà comme une licence, l’éditeur CI Games a su créer la surprise en annonçant finalement un reboot du même nom. Un choix osé, mais qui témoignait de sa confiance en son concept initial. Exit le studio Deck13, c’est désormais Hexworks (fondé par CI Games, désormais éditeur du projet) qui est à la barre de ce Lords of the Fallen 2023. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que si le résultat est encore imparfait, le jeu en valait clairement la chandelle.
Passé la création de votre avatar (les choix étant autant physiques que de classe, avec les implications qui vont avec en termes de forces/faiblesses), vous voilà donc plongé dans le royaume dévasté de Mournstead à la barre de votre personnage, un quidam choisi façon Green Lantern pour devenir le nouveau porte-lanterne afin de terrasser le tyran menaçant le royaume. “Kezako ?”, nous direz-vous. En fait, la lanterne en question est un artefact permettant à son porteur de naviguer entre deux mondes : le monde des vivants et l’Umbral, alias le monde des morts. Une faculté également au coeur du gameplay puisque la navigation entre les mondes s’articulera autour de deux aspects.
En premier lieu, en utilisant la lanterne, vous dévoilerez des chemins venant de l’Umbral, façon monde parallèle, qui vous permettront d’avancer dans le monde des vivants. Mais surtout, cette lanterne, tel un mélange de bénédiction et malédiction, vous offrira un sursis lorsque vous trépasserez dans le monde des vivants, vous ouvrant ainsi un passage vers le monde des morts où vous pourrez trouver une chance de revenir dans le monde des vivants, pour peu que vous surviviez à l’Umbral et à ses monstres (notamment un particulièrement retors, si l’on peut dire) qui ne vous laisserons pas retrouver les vivants si facilement. D’ailleurs, attention à vous : si votre première mort vous offrira un sursis, mourir dans l’Umbral vous ramènera au dernier checkpoint. Comme disait l’autre, « on ne vit que deux fois ». Mourir, en revanche et comme dans tout Souls-like, mieux vaudra ne pas compter…
En effet, comme on pouvait s’en douter, Lords of the Fallen n’a pas lésiné sur la difficulté, si bien que le moindre ennemi, même le plus insignifiant, sera capable de vous envoyer de vie à trépas sur un simple moment d’inattention. Et on ne parle pas des plus retors qui obéiront à des patterns parfois assez complexes en plus d’avoir des attaques parfois dévastatrices, si bien qu’il vaudra mieux ne pas rater la moindre occasion de leur faire baisser la barre de vie, seul ou en coop (car oui, un ami peut venir vous prêter main forte, tout comme il est possible d’envahir la partie d’un autre joueur pour lui chercher des noises). Même pour un Souls-like, entre les ennemis et le système d’aller-retour dans l’Umbral qui nous obligent à être constamment sur le qui-vive, force est d’avouer que la difficulté risque de diviser, rimant parfois avec la frustration pure et simple.
Sur un plan plus technique, Lords of the Fallen n’a pas à rougir de la concurrence. Visuellement, l’Unreal Engine 5 fait des merveilles, finissant d’octroyer au monde de Mounstead des allures à la fois sublimes et horrifiques. On sent d’ailleurs ici que le choix des développeurs d’une structure en hub des différents niveaux fermés (certes assez grands) plutôt que d’un gigantesque monde ouvert à la Elden Ring a aidé l’équipe à se focaliser sur la qualité du rendu final.
Alors non, Lords of the Fallen ne sera pas le grand rival de Elden Ring que certains voyaient en lui, mais nulle déception à avoir tant le titre de Hexworks n’en a, finalement, jamais eu l’intention, comme en témoigne entre autres son monde à l’ancienne plutôt qu’en open-world. Au contraire, en recyclant l’essai de 2014 tout en affinant sa formule et en n’ayant pas les yeux plus gros que le ventre, cette version 2023, certes imparfaite, représente une sympathique porte d’entrée pour les Souls-like. Difficile assurément, frustrante souvent, mais très sympathique tout de même.