Interview de la réalisatrice Christine Dory pour le film La fille d’Albino Rodrigue pendant les 25 èmes Rencontres du cinéma de Gérardmer.
Les questions
Comment avez-vous eu l’idée de cette histoire ?
Christine Dory : J’avais vu cette fille à la télévision dans une émission sur les crimes, comme Faites entrer l’accusé. Cette fille m’avait fascinée, elle était tellement vivante après avoir traversé quelque chose de si destructeur. J’ai fouillé son histoire, je suis allée décortiquer non pas un fait divers, mais deux faits divers imbriqués les uns dans les autres. Puis, je l’ai considérablement simplifié, car l’histoire se déroulait sur huit ans. J’ai fait en sorte qu’elle se déroule sur un an, avec une seule famille et non deux.
Ce regard était-il également un regard de détermination ?
Christine Dory : Oui, le regard de celle qui sait qu’elle a survécu à quelque chose de mortel. Être élevée dans des conditions pareilles, où il n’y a pas de différence entre le vrai, le faux, la vérité et le mensonge, peut ruiner une vie, et elle s’est battue pour en sortir. La fille était marquée physiquement, il y avait une joie qui émanait d’elle, qui me semblait raconter sa victoire.
Avez-vous écrit ce rôle de la mère en pensant à Emilie Dequenne ?
Christine Dory : Oui, j’ai écrit ce rôle pour elle en espérant qu’elle accepterait. Je ne la connaissais pas, et je lui avais parlé du scénario avant qu’elle ne le lise. Déjà, cela l’amusait beaucoup de jouer un personnage méchant, car elle n’a pas l’habitude de jouer ce genre de rôle.
Mais comment lui avez-vous présenté le rôle ? Lui avez-vous dit : « Emilie, tu vas jouer une mère toxique, manipulatrice, menteuse » ?
Christine Dory : Je lui ai dit qu’elle allait jouer un monstre, mais qu’elle ne devait pas le jouer comme tel, qu’elle devait l’aborder autrement. On n’a pas l’habitude de la voir dans ce rôle, mais effectivement, elle est glaçante dans cette interprétation. Et en face d’elle, il y a cette jeune actrice qui se révèle avec détermination, ce regard et cette envie de faire éclater la vérité.
Est-ce que le choix de cette actrice a également été simple et immédiat, ou est-ce que cela a nécessité un travail plus long ?
Christine Dory : Non, c’était très long. J’ai fait un casting pendant des mois pour trouver une inconnue. J’ai vu 150 personnes. Je connaissais Galatea, je l’avais vue jouer, mais je pensais qu’elle n’avait plus l’âge pour ce rôle. Je ne voulais pas la voir, jusqu’au moment où je me suis dit que j’allais quand même la rencontrer. Et là, tout de suite, ça s’est imposé. Elle était parfaite. Elle devait tenir tête à Emilie, ce qui n’est pas facile dans les scènes de confrontation, mais Galatea était parfaite pour cela.
Personne ne s’était inquiété de la disparition du père ?
Christine Dory : Dans la véritable histoire qui a duré 8 ans, la fille avait 14 ans à l’époque, mais personne ne s’est jamais inquiété de la disparition de son père. Personne. Ce qui est assez alarmant, comme le dit le policier à un moment donné : « Y a-t-il d’autres personnes qui s’inquiètent de la disparition de cet homme ? » C’est assez glaçant. C’est terrible.
Dans la vraie histoire, le père était un homme assez connu dans son milieu. Il avait écrit un livre de référence sur les cartes postales et était un vendeur de cartes postales anciennes. Les gens le connaissaient, mais personne ne s’est posé de questions sur le fait qu’il disparaisse pendant 8 ans.
Où cela s’est-il déroulé ?
Christine Dory : Dans le sud de la France, vers Nice.
Je ne voulais pas tourner dans cette région là-bas. Je ne connais pas la côte d’Azur. J’avais envie de récupérer des choses de ma propre histoire, des paysages, un certain milieu. C’est dans la région Grand Est que je pouvais le trouver.