Rencontre avec Jean-Marc Thérouanne à quelques jours du FICA
Rencontre avec Jean-Marc Thérouanne à quelques jours du FICA

Rencontre avec Jean-Marc Thérouanne à quelques jours du FICA

Cinéalliance.fr : Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ? 

Jean-Marc Thérouanne : je suis le Délégué Général, cofondateur et codirecteur artistique du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul.

Je suis titulaire d’une licence en droit, d’une maîtrise en histoire et du CAPES d’enseignant documentaliste. 

J’ai été président du jury du Silk Road International Film Festival Of Xi’an 2014 (Chine), de l’Art Film Festival Of Kosice 2017 (Slovaquie) et du Festival Fenêtre sur Courts de Dijon 2010 (France), membre de jurys internationaux en France et à l’étranger : Chungmuro International Film Festival Of Seoul 2009 (Corée), Osian’Cinefan Of New-Delhi 2009 (Inde), Cinemalaya Philippine Independent Film Festival Of Manila 2011 (Philippines), Golden Tulip Film Festival Of Dushanbe 2019 (Tadjikistan), Festival International du Film de Tachkent 2022 (Ouzbékistan), …

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Mon engagement pour la culture, et plus particulièrement pour le cinéma, m’a valu plusieurs décorations telles que : Korean Cinema Award (2018), Officier des Palmes académiques (2018), Chevalier des Arts et Lettres (2003), ainsi que la médaille des Langues Orientales (2005), la médaille de la Francophonie (2009), le prix culturel France-Corée (2011), la médaille d’honneur de la ville de Vesoul (2014), le trophée France-Corée (2016), la médaille de l’art cinématographique de la République de Mongolie (2018).

J’ai été le producteur du film  If God sent his angel de K.M. Lo 2005 (Cambodge) issu de l’Open Doors project du Festival de Locarno en 2004, et coproducteur avec le Bophana Center du film Where I Go de Neang Kavich en 2013 (Cambodge).

Je suis correspondant de plusieurs magazines : Cinealliance, Asian Movie Pulse, Netpacasia, InterCDI… et membre du NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema) depuis 2003.

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– Pouvez-vous nous dire un mot sur le Festival et son histoire ? 

Le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul a été créé en 1995 pour célébrer le centenaire du cinéma. Nous nous sentions concernés à double titre : 

– en tant que Hauts-Saônois, le père des frères Lumière, un pionnier de la photographie, est natif d’Ormoy en Haute-Saône, 

– en tant que Francs-Comtois, les frères Lumière sont natifs de Besançon, et venaient en vacances en Haute-Saône dans leur enfance dans la maison familiale.

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– Pourquoi avoir créé le Festival à Vesoul ?

Parce qu’après avoir déménagé vingt-deux fois en suivant la carrière de mon père magistrat, je suis tombé amoureux, il y a quarante de cela, d’une vésulienne de toujours que j’ai rencontré en Thaïlande sur la plage de Lamaï Beach de l’île de Koh Samui dans le golf du Siam. Cette rencontre a bouleversé ma vie de fond en comble et m’a enraciné en Haute-Saône, département de la Destinée.

Ce festival est l’histoire d’une Love Story entre deux êtres passionnés par l’Asie.

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-Avez-vous déjà pensé à l’exporter dans d’autres villes et/ou à l’étranger ? 

Créer un festival international de cinéma ce n’est pas une mince affaire. J’y ai mis toute mon énergie, mon temps, ma vie. Je l’ai fait bénévolement, sincèrement, pour lutter contre les préjugés dont sont victimes les Hauts-Saônois. Je m’insurge contre les jeux de regards méprisants de certains n’ayant eu que le mal de naître dans une grande ville, pensant qu’ils sont plus intelligents pour cette simple raison que ceux nés dans une petite ville, voire un village.

Nous sommes dans la Comédie humaine de Balzac. Je me sens proche du cri de révolte de Beaumarchais. 

Mes raisons vous font comprendre que jamais je n’ai pensé à exporter ce festival. De surcroît on ne déracine pas un arbre. 

– Quelle place occupe aujourd’hui le Festival en Haute-Saône ? 

Il place la Haute-Saône sur la carte mondiale du cinéma. Venez au Festival International du Film de Busan en Corée du Sud, le Cannes de l’Asie. Vous prendrez la pleine mesure de ce que représente le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul pour la profession cinématographique asiatique. De la France elle ne connaît que Cannes et Vesoul. Aux cérémonies d’ouverture et de clôture du Festival International du Film de Busan le nom de Vesoul est acclamé par 4400 spectateurs. La salle, où se déroule ces deux cérémonies, contient le double de spectateurs que le Grand Théâtre Lumière du Festival de Cannes. 

Lors de la cérémonie d’ouverture du 23e Festival International du Film de Busan, le 4 octobre 2018, nous fut remis, à mon épouse et moi, le prestigieux Korean Cinema Award. Mon épouse et moi avons eu une pensée pour tous les Hauts-Saônois. Dans un instant comme celui là on se sent ambassadeur de son pays, de son terroir. J’ai pensé à ma mère qui me disait « quand tu vas à l’étranger, conduis-toi bien. Tes hôtes jugent ton pays à travers ton comportement ». 

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– Pouvez-vous nous parler de la 29e édition plus en détail ? 

85 films dont 38 inédits, venus de 31 pays, composent le 29e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul.  

Mr Lee Young-kwan (Corée), président du prestigieux festival de Busan, le Cannes de l’Asie, sera le président du Jury international.

Hommage sera rendu au réalisateur turc Semih Kaplanoglu, en sa présence. L’intégrale de son œuvre sera présentée, de son premier film Away From Home, en compétition Vesoul 2002, à son dernier opus Les Promesses d’Hasan, Cannes 2021, en passant par Miel, Ours d’or Berlin 2010.

Un Cyclo d’or d’honneur leur sera décerné lors de la cérémonie d’ouverture. 

20 films en compétition, en première française, européenne, internationale ou mondiale, seront départagés par 7 Jurys (International, Critique, Netpac, Inalco, Marc Haaz, Lycéen, Jeune).

Les sections compétitives sont composées de films issus de cinématographies rares (Afghanistan, Azerbaïdjan, Cambodge, Kirghizistan, Laos, Mongolie, Singapour, Syrie, Vietnam), et de films de cinématographies majeures (Chine, Corée, Inde, Iran, Philippines).

Certains films primés seront l’objet d’une reprise du festival à l’auditorium du Musée des Arts asiatiques Guimet de Paris les 21, 22, 23 avril 2023, ainsi qu’à l’Inalco (Institut National des Langues et Civilisation Orientales) de Paris.

Le Festival s’associe à la célébration du 75ème anniversaire des relations diplomatiques France-Philippines par une rétrospective « Regard sur le cinéma philippin » avec le soutien de la FDCP (Film Development Council of the Philippines), l’équivalent du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée). 

Le cinéma philippin est une cinématographie majeure comprenant de fortes personnalités dont les plus connues sont Lino Brocka, Brillante Mendoza ou Lav Diaz.

Ce regard se propose de mettre en valeur des œuvres de cinéastes incontournables comme les vétérans Lamberto Avellana, Mario O’Hara, Ishmael Bernal, Mike de Leon ou la personnalité singulière de Kidlat Tahimik et de jeunes talents Sheron Dayoc, Mikhail Red, Zig Dulay, ces derniers seront à Vesoul pour l’occasion. 

Le Festival a mis en place un Regard sur le cinéma de Singapour avec l’aide de l’Asian Film Archive. Le cinéma de Singapour est une terra incognita cinématographique à explorer. Cette rétrospective permettra de découvrir des comédies musicales, dont un étonnant remake de la Fièvre du samedi soir, des films d’action et de karaté, des romances, des drames historiques, … issus de l’âge d’or du cinéma de Singapour du temps où cette ville faisait partie de la Fédération de Malaisie ; et des films d’Eric Khoo, véritable père fondateur du cinéma singapourien contemporain, et de jeunes réalisateurs comme Anthony Chen, Royston Tan, Boo Junfeng, Ken Kwek. Ce dernier sera à Vesoul avec son dernier film, interdit à Singapour parce qu’il aborde des sujets sociétaux comme la criminalisation de l’homosexualité. Un festival comme celui de Vesoul est une tribune de libre expression pour les réalisateurs victimes de la censure dans leurs pays. 

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La section thématique « Les cinémas des diasporas asiatiques » propose un vaste panorama d’œuvres de réalisateurs issus de pays asiatique vivant en exil ou intégrés depuis une ou plusieurs générations dans le pays d’accueil de leurs ascendants s’interrogeant sur leur identité liée à leur double culture. Les formes d’expression utilisées vont du film d’animation à la comédie dramatique, en passant par le film de genre : policier, thriller, comédie, …  

Le jeune public et les amateurs de Japanimation ne sont pas oubliés.

Le FICA de Vesoul c’est un Festival pour tous aux multiples visages, fonctions, aspects, je cite pêle-mêle à la façon d’un inventaire à la Prévert :Journée professionnelle ; soirée des 70 ans de la revue Positif ; animations poétiques et littéraires ; rencontre, dédicaces et lecture avec l’écrivain réalisateur Samuel Aubin (Istanbul à jamais) ; soirée Singapour ; journée du cinéma philippin : table ronde, rencontre, projection non-stop, soirée Philippines ; repas cinéphilique ; soirée Orange ; expositions : d’Amigurumis, d’affiches de films ; salon de thé éphémère ; atelier pour enfants ; conférence « Mais où se cache l’Asie en Haute-Saône » ; après-midi jeune public ; actions de sensibilisation (alphabétisation migrants) ; séances scolaires ; journée d’immersion au Festival ; séances décentralisées en Haute-Saône ; actions culturelles (publics empêchés, ainés) ; boutique du Festival ; …
– Quelle est la place occupée par les Jeunes dans le Festival International des Cinémas d’Asie ?
Les spectateurs de demain sont les enfants d’aujourd’hui. La formation du regard participe à l’ouverture d’esprit, au développement de l’esprit critique fondamental dans la formation d’un citoyen d’une société démocratique héritage du siècle des Lumières. Il faut être vigilant aux forces sociales remettant en cause de l’esprit des Lumières. 
Nous avons dès l’origine du Festival été attentif à la jeunesse et avons bâti des projets pédagogiques autour des films.
En créant en 2000, lors du 6e Festival, le jury jeune, nous l’avons conçu comme une école du regard aux images venues d’ailleurs. Nous nous sommes inspirés des dix commandements du lecteur de l’écrivain Daniel Pennac expliquant qu’il ne faut jamais dire non à un jeune, jamais le stigmatiser en disant « ceci n’est pas pour toi ». J’avais un père qui m’a éduqué sans a priori en matière

 culturelle. C’est certainement ma manière de lui rendre hommage en pratiquant l’ouverture culturelle par le biais du festival. 

Ce jury Jeune est ouvert à tous jeunes âgés de 11 à 30 ans. Il attire de plus en plus de jeunes venus des collèges, lycées, IUT, IMEA, École d’infirmières de la communauté d’agglomération de Vesoul, mais pas seulement. Environ une centaine d’élève en font partie chaque année.

Il juge les films de la compétition documentaire, le cinéma du réel, et remet un prix offert par la Communauté d’Agglomeration de Vesoul.

En 2007, nous avons créé le Jury Lycéen en partenariat avec le Lycée Belin dans le cadre du projet : « du FICA de Vesoul au Festival de Cannes ». Un grand nombre de professeurs (Arts plastiques, Anglais, Chinois, Lettres, Technique, …) se sont investis. Cette actions culturelles est inscrite au projet d’établissement. Le jury Lycéen est composé d’une quarantaine d’élèves, il juge les films de la compétition longs-métrages de fiction est remet un trophée créé par les élèves du technique.

Depuis 1999 nous sommes en contact avec les étudiants de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris. Un certain nombre de ces étudiants viennent au Festival de Vesoul. Depuis 2004 l’Inalco et le FICA ont institutionnalisé leur rapport en créant le jury Inalco composé d’enseignants et d’étudiants. Les étudiants de l’Inalco réalisent des interviews des professionnels du cinéma asiatique constituant ainsi un fond documentaire qui enrichit le fond d’archives de cette vénérable institution.

– Comment souhaitez-vous les intégrer au Festival ? 

Par le biais des jurys jeune, lycéen et Inalco, un certains nombre de jeunes intègrent l’équipe du FICA de Vesoul. Ainsi le regretté Marc Haaz avait été jury jeune puis membre de l’équipe du festival et était devenu le directeur technique du FICA. Sa mort brutale dans l’accident aéronautique du 30 juillet 2021 a été un drame épouvantable. J’avais 20 ans d’amitié avec lui depuis ce jour de septembre 2001, où il est entré dans le CDI dont j’avais la charge au collège Jean Macé de Vesoul. J’ai senti en lui cette flamme et son intérêt pour la culture cinématographique. J’ai cru en lui. Je l’ai porté sur les fonds baptismaux du cinéma en lui ouvrant mon carnet relationnel. C’était un garçon exceptionnel. 

Depuis sa mort nous avons intégré tous les jeunes qui s’investissaient dans la société Osprod Studio qu’il avait créé à Frotey-les-Vesoul. 

Mon proche collaborateur Jules Gouillon vient lui aussi du jury jeune. Il est devenu le responsable communication numérique du FICA. Il est le réalisateur de la bande annonce de chaque édition du FICA depuis le décès tragique de Marc. D’autres jeunes venus des jurys jeune, lycéen et inalco intègrent l’équipe du FICA et occupent des postes en fonction de leurs différents degrés d’investissement (traduction de film, accueil des invités, accueil des festivaliers, contrôle des entrées, de la Bambouseraie (l’espace festif du festival, tente accolée au cinéma Majestic, le temps du festival), équipe technique du festival, interprète, …)

– Quels sont vos projets futurs et ambitions pour le Festival ? 

Préparer un magnifique trentième festival, trente ans, peu de festivals ont eu cette longévité. Mon épouse et moi travaillons sur le thème de l’engagement. 

Déjà différents organismes internationaux nous ont contactés pour nous proposer de bâtir des projets cinématographiques pour ce trentième, notamment la branche bruxelloise de la Hong Kong Economic and Trade Office. Une rétrospective sur le cinéma de Hong Kong se profile. Cela tombe bien, adolescent je me suis passionné pour le cinéma de Bruce Lee. Cela m’a poussé à pratiquer le karaté pendant 14 ans. La culture est un sport de combat.

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