Enfilez vos tricornes, affutez vos souris et débouchez le rhum : Ron Gilbert et Guybrush Threepwood sont de retour dans Return to Monkey Island ! Dernier rejeton de la légende du point and click née en 1990 et qui aura connue plusieurs suites et remakes, ce sixième volet (le troisième chapeauté par Gilbert) entend revenir aux fondamentaux sans pour autant laisser son univers totalement barré de côté, ni les nouveaux joueurs sur le quai. Le contrat est-il rempli, mille sabords ?
Pour vous au fond qui ne connaitriez pas encore la saga Monkey Island, quelques présentations s’imposent. Née il y a plus de 30 ans sous la houlette de Ron Gilbert, il s’agit de jeux de type point’n click (vous cliquez à la souris sur l’endroit où le personnage doit aller ou sur l’objet qu’il doit ramasser/utiliser) mettant en scène le jeune Guybrush Threepwood, aspirant pirate, dans un univers à la fois coloré et surtout totalement déjanté ! En effet, ne vous attendez pas à un univers de piraterie à la Jack Sparrow tant dès son premier volet, Ron Gilbert prend grand soin d’aller à fond dans le délire et l’absurde, autant en termes d’histoire que de gameplay (notamment dans les associations complètement fumeuses d’objets à assembler). Cet humour fera d’ailleurs la légende et le succès de Monkey Island, en même temps que sa marque de fabrique. Et si Ron Gilbert reviendra pour un second volet, il quittera néanmoins le navire LucasArts après ça, laissant d’autres développeurs reprendre son bébé pour des nouveaux volets généralement salués, même si l’absence de Gilbert se fera sentir auprès des fans. Inutile donc de préciser que l’annonce d’un nouvel opus accompagné du retour de Ron Gilbert avait de quoi susciter une réelle hype.
Si il faut accorder d’emblée une chose à ce Return to Monkey Island, c’est de ne pas perdre de temps. Sitôt un twist de lancement d’aventure révélé (on sent que certains fans de longue date vont grincer des dents) et le retour aux sources assumé (même île de Melee comme point de départ, même vue d’ensemble des lieux, mêmes anciens personnages qui font rapidement un petit coucou), l’aventure démarre et surprise : il sera encore question pour Guybrush Threepwood de retourner sur l’ile aux Singes, avec un certain LeChuck dans les environs… Nous n’en dirons pas plus pour ne pas spoiler, mais soyez rassurés : entre personnages hauts-en-couleurs, dialogues perchés, humour barré et gameplay ciselé, tout ce qui faisait et fait encore aujourd’hui le sel de Monkey Island est de retour. Même si il faudra évidemment composer avec certains éléments nécessitant une inévitable mise à jour.
En premier lieu, on citera évidemment l’aspect graphique. Exit le pixel-art du premier volet ou le style de son remaster de 2009 : Return to Monkey Island fait peau totalement neuve en laissant sa direction artistique entre les mains de Rex Crowle, déjà à l’oeuvre sur l’excellent Tearaway. Et si son style affuté risque inévitablement de faire grincer quelques dents allergiques au changement, il faut vraiment reconnaitre que sa patte permet à Return de Monkey Island d’entrer pleinement dans les années 2020 sans avoir à rougir, ni perdre tout ce qui fait le charme de son univers depuis 1990. Une vraie réussite, doublée d’animations à la fluidité exemplaire.
De même, l’aspect sonore a de quoi impressionner. Outre une musique de haute volée (Gilbert a d’ailleurs rappelé ses compositeurs de l’époque), ce sont surtout les dialogues qui imposent le respect. Non seulement leur écriture est exemplaire, à la fois claire en termes de scénario et de gameplay (autant pour présenter les liens entre personnages que les objectifs de jeu au détour d’une punchline), mais en prime, cela faisait vraiment longtemps de mémoire de joueur que l’on avait pas trouvé un tel niveau d’humour dans un jeu vidéo (mis à part le bijou It Takes Two). C’est bien simple, quasiment chaque dialogue, chaque rencontre sera l’occasion d’un bon mot apte à vous dérider les zygomatiques, voire vous faire friser les neurones devant tant d’inventivité et d’absurdité. Totalement fou, mais qu’est-ce que ça fait du bien !
Cette inventivité et cette absurdité se retrouveront également dans le gameplay où, comme à l’accoutumée, il vous faudra dénicher des objets, voire les assembler à d’autres, avant de devoir trouver comment les utiliser. Sachant que dans Monkey Island, on est pas dans le prêt-à-l’emploi, et même une serpillère peut devenir l’objet d’une quête existentielle bien fumeuse comme on les aime. Bref, si vous connaissiez Monkey Island, vous serez en terrain connu. Et si vous êtes un nouveau venu, pas de panique : outre un album-souvenir présentant les précédentes aventures, il suffira d’une touche pour mettre en évidence les interactions possibles à l’écran, sans oublier la possibilité de s’en remettre à de multiples indices.
Bref, vous l’aurez compris: Return to Monkey Island rassemble tout ce que l’on serait d’attendre d’un point’n click en 2022 après 30 ans d’attente, et plus encore. Malgré un début qui risque d’en désarçonner certains, ce nouveau volet de Ron Gilbert réussit à reprendre tout ce qui faisait le sel de la licence tout en l’adaptant au public actuel sans perdre les anciens en route. A l’abordage !