Nous vous proposons une interview de Christophe Trent Berthemin qui est scénariste et co-réalisateur avec Dist de Kaerth sur le long-métrage fantastique Echap qui sera tourné à Metz du 10 août 2010 au 16 août 2010.
– Comment t’es venue l’idée de faire un long métrage ?
Christophe Trent Berthemin : En fait, j’écris pas mal de scénarii de longs depuis plusieurs années. Au départ, j’avais dans l’idée de les démarcher seulement comme scénariste. Ce que je fais en ce moment d’ailleurs, en vain. A force d’attendre les réponses (négatives) des prods parce que le scénar n’est pas une comédie et que tu n’as pas envie de le proposer à Kad Merad, tu te retrouves un peu seul. Autant un musicien amateur peut partager sa musiquer avec le monde entier, qu’un scénario qui n’est pas mis en images, n’est qu’un vulgaire tas de feuilles. C’est donc dans ce sentiment d’urgence que j’ai eu envie d’aller vers le long. C’est aussi une alternative et comme le dit Virginie Despentes dans King Kong Théorie : « Quand on n’a pas ce qu’il faut pour se la péter, on est souvent plus créatifs. »
Dist de Kaerth et Christophe Trent Berthemin
photo ©Delphine Drieu La Rochelle
– Pourrais tu nous dire pourquoi tu as écrit un scénario d’un film fantastique ?
Christophe Trent Berthemin : Je suis un grand fan de films fantastiques depuis l’enfance et c’est aussi pour cette même raison que je m’étais presque promis de ne jamais en écrire un, par peur de me décevoir en le faisant et avec l’impression que toutes les bonnes idées avaient déjà été utilisées… en mieux. Finalement, quand j’ai vu Dist et qu’on a bu un coup, je n’avais encore rien écrit mais j’avais pensé la veille à un esprit qui inscrirait le mot « Lol » lors d’une séance de spiritisme. C’est tout. Je lui ai parlé de cette idée, ça lui a plu et je suis parti là-dessus.
– Combien de temps as tu mis pour l’écrire ?
Christophe Trent Berthemin : Peu de temps, très peu de temps… et le futur me dira si c’était trop peu. J’ai vu Dist fin juin 2010 et à ce moment-là, je n’avais pas encore écrit une ligne et il n’était même pas question de faire un film. On a juste parlé de cette idée en se disant que ce serait cool de relever le défi de le tourner moins de deux mois après. Ça voulait dire que tout devait être bouclé très vite. Aussi, été oblige, j’ai eu bien du mal à me concentrer pour m’y mettre, tiraillé entre mes envies de barbecues, de manger des Mr Freeze ou d’aller boire des pastis en terrasse à temps plein. On ne devrait jamais écrire l’été, jamais. Mais, en bon Bélier, j’ai toujours travaillé à la dernière minute et je ne parviens à faire les choses que dans l’urgence. Pendant que je rédigeais scénar, Dist s’occupait du casting et du matos. Donc, pour répondre à ta question, je vais te dire que tout a été assez vite. Heureusement, j’ai une amie, Coralie Trinh-Thi, qui m’a bien motivé à écrire et sans qui je n’aurai peut-être jamais fini le scénario donc je la remercie ici. C’est la marraine du film.
– Tu es aussi journaliste cinéma, tu vois donc beaucoup de films et tu rencontres beaucoup de réalisateurs … Est ce que cela t’as aidé pour avoir des idées ?
Christophe Trent Berthemin : Les rencontres que j’ai pu faire dans le domaine de la presse cinéma m’ont beaucoup apporté, en effet. Avoir la chance de poser les questions que tu veux à des gens dont tu respectes le travail, c’est un luxe de cinéphile. Même si ça reste dans un cadre promotionnel et que tout le monde est là pour jouer un jeu, il y a parfois des choses à en tirer. Parfois. En plus, la presse est souvent un prolongement car on ne fait pas des articles de cinéma par hasard ; il y a un passif qui remonte assez loin. Mais, paradoxalement, c’est aussi en me rendant compte que j’avais peut-être idéalisé un domaine qui ne le méritait pas tant que je me suis dit que moi aussi, je pouvais en faire autant. C’est comme ça que j’ai pu co-réaliser avec Romain Basset le court-métrage Rémy il y a deux ans.
– Faire un film fantastique sans budget n’est ce pas un challenge ?
Christophe Trent Berthemin : Faire un film fantastique en France est déjà un challenge. Une fois que tu es allé voir les trois, quatre boîtes qui sont les seules à en produire et qu’elles t’ont envoyé te faire foutre, la dernière solution est de tout faire tout seul ou de se résoudre à faire des concessions. Comme je suis tête de con et borné, le choix était vite fait. Si la facilité est souvent d’aller vers le Z pour prétexter le manque de budget, je dois t’avouer que ça ne m’intéresse pas autrement qu’en spectateur. Ce qui nous plaisait ici, c’est de prouver qu’on peut ne pas avoir un rond et raconter une vraie histoire. Cette année, j’ai vu le film Lo de Travis Betz et ça m’a vraiment conforté dans cette idée.
Christophe Trent Berthemin
photo ©Delphine Drieu La Rochelle
– D’ailleurs pourquoi n’avez vous pas cherché des investisseurs pour votre film ?
Christophe Trent Berthemin : Pour être libre à cent pour cent et pour ne pas perdre davantage de temps. Et puis ça te force à te dire que tu n’as pas un centime pour faire ton film et qu’il va falloir avoir des idées. Je préfère ça à quémander, envoyer des dossiers et être obligé de sucer quelqu’un qui ne partage pas ma vision de Ciné pour qu’il nous file quelques euros. Ca fait partie de l’envie d’indépendance totale dans laquelle nous réalisons ce projet Dist et moi et qui fait que nous nous sentirons bien pendant le tournage, speed mais bien. Et surtout, on ne devra rien à personne.
– Pourrais tu nous parler du titre ?
Christophe Trent Berthemin : Il y a dans Echap l’envie d’évoquer les moyens de communication actuels, mais aussi leurs limites. Pour les cinq filles du film qui ont l’habitude des claviers et des I-Phone, discuter avec un esprit avec des lettres de Scrabble relève presque du réseau social. La touche Echap, c’est la facilité de sortir de certains problèmes. Seulement, ça ne marche pas toujours comme ça et elles vont en faire les frais… Aussi, pour nous Echap, c’est notre manière de nous échapper des méthodes de productions pour aller jusqu’au bout de notre projet.
– Pourquoi avez vous décidé à être deux réalisateurs ?
Christophe Trent Berthemin : Je trouve ça bien de confronter mes idées avec celles de quelqu’un d’autre et de savoir l’assumer. J’ai encore revu Dist il y a deux jours et quand l’un lance une idée, l’autre la continue et c’est tout bénef pour le film. Pour le résultat final, il n’y a que ça qui compte. Aujourd’hui, l’étiquette de réalisateur n’a plus du tout la même valeur qu’à l’époque et il n’y a plus beaucoup de vrais grands réalisateurs. La co-réalisation est donc par extension un véritable gain de temps et l’occasion de prouver que le cinéma est une véritable expérience collective.
– Vous connaissiez vous avant ?
Christophe Trent Berthemin : On s’est croisé avec Dist à l’époque où nous étions tous les deux dans des groupes de musique même si on ne s’était pas vraiment parlé. On s’est revu le temps d’une bière avec une copine en commun Lavandra May (qui joue d’ailleurs dans le film) il y a quelques années. Depuis, Dist a fait ses classes avec le porno, entre autres, et moi avec le court. Ce projet vient donc d’une véritable envie de bosser un projet commun, différent et rapidement. Pourquoi partir en vacances l’été quand on peut rester enfermé à bosser sur des projets à la place ?
– Comment avez vous fait le casting ? Et pourquoi avez vous choisi ces actrices ?
Christophe Trent Berthemin : Tout d’abord, on est vraiment content du casting. Noémie Alazard-Vachet nous a été présentée par Cyril Lesage, le directeur photo d’Echap qui collabore également sur beaucoup de projets de Dist. Lavandra May est une amie de Dist et moi, qui après un détour par le porno, bosse maintenant sur des projets à elle dans le clip ou le court-métrage. Ana Polina, Eliska Cross et Graziella Diamond viennent du X et ont déjà travaillé avec Dist sur certains de ses projets précédents. Une chose est sûre, on est entourés de filles qui ont la niaque et de l’énergie à revendre. Là, le scénario a beau être fini, je sais que ce sont elles et leurs tempéraments qui vont donner vie à tous ces personnages. En plus, les initiales des prénoms donnent le mot A.N.G.E.L donc c’est une preuve que les anges vont veiller sur nous. Pour avoir fait pas mal d’interviews dans le cinéma dit « trad », j’ai rencontré un paquet d’apprenties-actrices sorties de je ne sais quelle école de théâtre à la con et qui sont juste des capricieuses gâtées avec qui je n’ai pas du tout envie de travailler. Pour Echap, je suis vraiment ravi du casting.
Dist de Kaerth
photo ©Delphine Drieu La Rochelle
– Comment allez vous gérer les SFX ?
Christophe Trent Berthemin : Très facilement puisqu’il n’y en a pas un seul. Le film sera vraiment un film de peur à l’ancienne. J’aime beaucoup le travail des maquilleurs de SFX dans le cinéma de genre, mais j’avais envie dès l’écriture de rajouter un défi (comme s’il n’y en avait pas assez) : celui de ne jamais verser dans le gore. Il n’y aura donc pas une goutte de sang dans le film. J’aime quand la peur relève du travail de son, de montage ou se lit dans les yeux des comédiens. La vague de films de torture actuelle me laisse carrément de marbre.
– Ton film parle de spiritisme … Mais crois tu aux esprits ?
Christophe Trent Berthemin : Oui, et je dois même t’avouer que je suis bien content que le tournage ne se passe pas chez moi car je n’aurai pas été rassuré de faire des séances, même fausses, de spiritisme. Comme beaucoup de gens effrayés par la mort, les esprits me rassurent car ils sont peut-être la réponse à une question qui me bouffe pas mal la vie sur ce qui se passe après. De là à jouer avec eux…
– Echap est un hommage au cinéma de genre des années 80 … Pourquoi ?
Christophe Trent Berthemin : Je suis un enfant des vidéoclubs et j’ai passé ma vie à louer des VHS. Je suis né en 1978 donc les années 80 m’ont fatalement tout appris. Et même si je ne suis pas foncièrement passéiste, j’éprouve toujours quelque chose de très étrange quand je revois un film qui a compté dans mon enfance. Le cinéma de Joe Dante, les productions Spielberg, John Hughes et le Brat Pack sont des éléments qui ne font pas seulement partie de ma cinéphilie mais de ma vie, qui m’ont construit en tant qu’être humain. Peut-être qu’Echap parle d’amitié parce qu’un des mes film préférés est Stand By Me. Je crois que tout est intimement lié. J’ai tellement plus de plaisir quand je découvre une pépite des années 80 que je n’avais jamais vue que lorsque je découvre un film contemporain en salles. Les derniers films de genre qui m’ont plu sont très typés 80, comme Trick’R Treat ou House of The Devil, et j’ai vraiment hâte de voir Piranhas 3D.
– Pourrais tu nous parler de l’équipe technique qui travaillera sur le film ?
Christophe Trent Berthemin : Eh bien, à part Dist et moi, il y aura le directeur de la photo, Cyril Lesage, et Thibault Vergriete, un étudiant de l’Esra que Dist a rencontré récemment et qui va nous prêter main forte. On en aura besoin. En gros, il y aura moins de personnes derrière la caméra que devant. On s’alternera derrière la cam, pour tenir la perche, bref, on va tout faire nous-mêmes. Et pour continuer dans cette lignée, Dist et moi assurerons le montage et sûrement la bande-originale. Quand on a pas un rond, c’est bien d’être aussi multi-fonctions qu’un couteau suisse.
– A quelques jours du tournage, y a t il des choses qui ne sont pas encore prêtes ?
Christophe Trent Berthemin : Oui : nous. Sur un film, même pendant le tournage, certaines choses ne sont pas encore prêtes parce que tout peut changer à la dernière minute et qu’on doit toujours rester sur le qui-vive. Je vois Dist demain, on va passer la journée à finir le plan de travail parce que dans quelques jours, le tournage sera lancé. Mais je dois dire que le côté saut dans le vide me plaît beaucoupn même si cette fois, on regardera seulement une fois lâché dans le ciel si on n’a pas oublié de prendre le parachute. Au pire, on s’écrasera la gueule mais on se relèvera quand même. Ca fait 32 ans que je pratique ce sport…
– Quel est ton souhait avant le tournage ?
Christophe Trent Berthemin : Qu’on n’ait pas d’emmerdes de dernière minute, comme une actrice qui se désiste pour je ne sais quelle raison. Mais, en toute sincérité, je fais confiance au projet, aux gens qui y participent et je sais que ça va le faire. D’un autre côté, si on se met à penser l’inverse, on est foutu. Et puis, c’est marqué sur les actrices : A.N.G.E.L.
Interview réalisée par Stéphane Humbert le 6 juillet 2010
photos ©Delphine Drieu La Rochelle