5h42. Berlin. Sortie de boîte de nuit, Victoria, espagnole fraîchement débarquée, rencontre Sonne et son groupe de potes. Emportée par la fête et l’alcool, elle décide de les suivre dans leur virée nocturne. Elle réalise soudain que la soirée est en train de sérieusement déraper…
Avis de Manu
Victoria fait partie de ces œuvres qui marquent le cinéma. Au-delà des frontières d’un buzz, et hors un système de production mercantile et cloné, existe encore un cinéma. Celui du bricolage, de la tentative artistique, expérimentation technique et narrative.
En effet Victoria est un vrai plan séquence, 2h15 filmées sans interruption dans une chorégraphie impressionnante, un sens du cadre magistral (dans de telles conditions) et une photo en mode aléatoire qui semble pourtant être contrôlée de bout en bout.
Alors oui l’échine centrale de l’histoire semble parfois tirer par les cheveux, quand les protagonistes n’ont pas jusqu’à avoir des réactions dénuées de bon sens, et ce à plusieurs reprises.
Sur ces petits détails qui ont leur importance, la force scénographique de Victoria reste cependant majeure. Un impact après coup quand le film rentre dans une sorte de tourbillon, une valse entre le spectateur et les acteurs du film sur les versants du thriller. Le spectateur, au centre de l’improvisation des comédiens, voit défiler devant lui non seulement une grâce cinématographique mais une lecture sociale de la jeunesse allemande, rappelant parfois le cinéma de Tom Tykwer.
Sebastian Shipper ne s’arrête pas là puisqu’il pourrait être également associé aux cinéma de Gaspar Noé (Irréversible), pour l’expérimentation, tout comme celui de Darren Aronosfksy (Requiem for a dream) pour la transe visuelle.
C’est une vraie performance technique, construite avec lenteur, silence et réalité pour finir dans un tourbillon au plus proche de l’innovation. Où comment mêler expérience et proposition d’un autre cinéma. Si les œuvres majeures du cinéma se sont parfois fait connaître par le forme même (Rashomon, Memento, Run, Lola, Run…), Victoria fait partie de ses films qui ne s’appuyant pas uniquement sur une esbroufe technique force la porte du 7ème art. Sebastian Shipper réussit donc son pari. Construire une œuvre marquante, mais ne pas la figer uniquement dans l’originalité de sa structure. Les comédiens, tous épatants, portent également le poids de cette réussite. Passionnant et déroutant. Malgré quelques défauts, c’est une invitation trop rare à l’originalité et aux sensations fortes.
Brillant, fait d’instants de grâce et de passion, de moments légers à chaotiques, Victoria place le spectateur au centre de l’histoire pour le laisser au lever du jour, perdu au petit matin dans les rues de Berlin.