Une jeune fille est assassinée dans un parc. Très vite, les soupçons se portent sur un notable de la ville qui, ne niant pas les faits, est inculpé. Cependant, les analyses médico-légales et la découverte d’un second cadavre remettent en question cette version.
Et voilà un nouveau titre transalpin qui s’ajoute au riche catalogue de l’éditeur Le Chat qui fume : Un papillon aux ailes ensanglantées (1971) ou Una farfalla con le ali insanguinate de Ducio Tessari (Les titans, Big Guns…). Le film surfe sur la vague de popularité des premiers films de Dario Argento (L’Oiseau au plumage de cristal, Le Chat à neuf queues, Quatre mouches de velours gris) qui vont engendrer une quantité de gialli aux titres animaliers comme La tarentule au ventre noir, La Queue du scorpion, L’Iguane à la langue de feu, Chats rouges dans un labyrinthe de verre et bien d’autres. Un papillon aux ailes ensanglantées s’inscrit donc dans cette lignée, pourtant le film s’éloigne des codes du giallo si propre au genre. Les scènes de meurtres ne sont pas centrales, on ne les voit que très peu dans le film. La violence n’est pas esthétisée. La première scène de crime à laquelle on assiste est très froide : le cadavre d’une jeune femme dévale une pente pour atterrir dans un parc sous la pluie. En réalité le film de Tessari n’est pas centré sur les meurtres mais plutôt sur l’enquête et ses rouages.
C’est en quelque sorte un film-procès que l’on découvre. La majeure partie du film va s’intéresser à tout ce qui tourne autour de l’enquête, du travail de terrain de la police scientifique jusqu’aux plaidoiries des avocats au tribunal. Duccio Tessari nous plonge dans ces procédures avec un réalisme quasi documentaire, on pense notamment à la séquence de comparaison des empreintes digitales. Le rythme pâtit un peu de ces enchaînements mais le travail du cinéaste sur les personnages est très intéressant.
Tessari nous présente un panel d’individus dotés, pour la plupart, d’une certaine noirceur. La société bourgeoise est représentée d’une manière satirique ne serait-ce que dans la scène de dîner avec Giorgio (Halmut Berger) et ses parents. Nous les voyons, tous les trois, attablés aux quatre coins d’un banquet gigantesque partageant un repas à l’ambiance plutôt froide. L’avocat de l’accusé (Gunther Stoll) incarne lui aussi un personnage peu plaisant. En plus d’être l’amant de la femme de l’accusé, il tente violemment de séduire leur fille alors adolescente. Le film, reflet d’une certaine société, va ainsi passer d’un personnage à l’autre pour arriver à la révélation finale. Tessari porte un regard d’entomologiste sur ses personnages, le film s’ouvre d’ailleurs à travers le prisme d’un insecte à savoir la silhouette d’un papillon qui prend tout l’écran.
Côté mise en scène, le film joue sur la temporalité. Le montage mêle constamment passé et présent, à l’image de la citation qui ouvre le film : « Le passé n’existe pas puisqu’il est déjà écoulé. Le futur non plus puisqu’il n’est pas encore arrivé. Seul existe le présent. Cependant, il peut lui-même se composer à la fois du passé et du futur, puisqu’il se trouve à leur point de rencontre. », c’est là que se trouve la clé de l’énigme. La scène finale qui reste finalement l’une des plus emblématique du film ne va cesser d’alterner un passé heureux et un présent sombre et violent.
Un papillon aux ailes ensanglantées est un giallo, certes un peu loin des codes, mais avec une originalité propre. Tessari propose un film réaliste et critique autour d’une enquête pleine de rebondissements. Malgré quelques petites longueurs, il serait dommage de s’en priver, surtout avec cette nouvelle copie signé le Chat.
Technique
Un papillon aux ailes ensanglantées s’offre donc une nouvelle jeunesse avec ce nouveau master très proprement restauré. L’image est tout simplement belle et stable, les contrastes sont nets et les couleurs subtiles. Côté acoustique, les deux versions (française et italienne) sont disponibles en DTS HD Master Audio 2.0. Les deux pistes sont de bonne qualité mais la version italienne est un peu plus dynamique avec un bel équilibre entre dialogue et musique.
Bonus
Pour les bonus, nous retrouvons Jean-François Rauger qui nous livre une analyse du film assez pertinente, prenant le soin de contextualiser le film et de présenter la filmographie du cinéaste. Dans « Duccio et moi », la comédienne Lorella de Luca, alors épouse de Duccio Tessari, revient sur sa rencontre avec le cinéaste et son expérience sur les plateaux. Enfin, Fabio Melelli, historien du cinéma, nous parle plus largement de la carrière du cinéaste et livre un historique du film passionnant.
Le blu-ray avec film et bonus est contenu dans un superbe fourreau particulièrement réussi. Un bel objet à s’offrir !