Dix ans après l’effondrement de l’économie occidentale, les mines australiennes sont encore en activité, et cette industrie attire les hommes les plus désespérés et les plus dangereux. Là-bas, dans une société moribonde où survivre est un combat de chaque jour, plus aucune loi n’existe. Eric a tout laissé derrière lui. Ce n’est plus qu’un vagabond, un homme froid rempli de colère. Lorsqu’il se fait voler la seule chose qu’il possédait encore, sa voiture, par un gang, il se lance à leur poursuite. Son unique chance de les retrouver est Rey, un des membres de la bande, abandonné par les siens après avoir été blessé. Contraints et forcés, les deux hommes vont faire équipe pour un périple dont ils n’imaginent pas l’issue…
David Michôd, sous l’égide de sa maison de production/collectivité, Blue Tongue, en Australie, c’est un peu le représentant d’une forme de cinéma de genre et totalement indépendant. Totalement indépendant car société totalement libre qui vit principalement de clips et pubs.
A côté, cela permet à ce petit groupe de passionnés de financer des projets personnels. Le résultat, quelques films dont Hesher (très intéressant), le brillant Animal Kingdom (déjà de David Michôd) et maintenant l’éblouissant The Rover.
Pour sa seconde réalisation, le metteur en scène s’installe en plein désert australien pour donner forme à un western moderne posé dans une ambiance post-apocalyptique.
Le récit en totale contre-utopie dépeint parfaitement un monde imaginaire où l’aridité des espaces répond à la sécheresse des rapports entre les personnages et un bonheur oublié.
Les premières séquences forcent le respect tant en quelques instants David Michôd installe autant le questionnement qu’une distribution subtile d’informations sur les personnages qu’on sera amené à suivre. L’indice de rythme est donné, ce sera lent, voire très lent. Cette nécessité, surprenante au début, devient l’intérêt premier du film tant le metteur en scène pourra poser doucement sa mise en scène et mettre en valeur les dialogues, courts mais toujours justes du film.
En résulte, pour qui se laisserait inviter, un pouvoir attractif en ce anti-héros qui veut à tout prix reprendre possession de sa voiture.
Bien sûr sans spoiler le film, David Michôd n’en restera pas là puisqu’il finira par donner un sens à ce road movie. Là où certains n’auraient fait que du pur esthétisme, le réalisateur ici tend à donner un sens à l’ensemble.
Ce western donc, ici tout ce règle à coup de revolver, ne s’arrête pas à un seul genre (on a déjà cité le road movie) mais flirte également avec les codes du cinéma indépendant US, le film de filiation, le sort des hommes sur terre. De ce fait on pense presque obligatoirement aux romans de Cormac McCarthy, autant dans l’ampleur du propos que dans la rudesse de son décorum.
Et que dire de Guy Pearce qui livre ici une de ses plus belles prestations, entre nombreux silences et phrases courtes, directes, aiguisées, rudes. Un personnage calqué sur l’univers dans lequel il évolue, une transformation humaine imposée par une crise qu’on pense planétaire. Le mystère sur le passé de cet homme n’est dévoilé qu’après une bonne heure de film, lui conférant alors une magie attractive, presque obsédante, profondément ancrée dans une ambiance dramatique totalement séductrice. Robert Pattison flirtant de plus en plus avec le cinéma d’auteur (Cosmopolis, Maps to the stars) n’est pas en reste dans un rôle d’enfant dans un corps adulte où la déficience mentale est plus suggérée qu’appuyée. Il ne tombe jamais dans l’exagération et composent un duo très convaincant, le rôle de père de substitution n’est d’ailleurs pas très loin.
A travers cette œuvre dramatique, où chacun doit trouver une place définie afin de survivre, David Michôd propose un récit profondément âpre et rude, de l’ordre de la suggestion. Comment trouver sa place, suivre un but dans cet espace désertique. Ce propos, fréquemment justifié par le hors champ, est l’âme même de sa réalisation, lents travellings et mouvements de caméras, les fusillades sont aussi filmées d’un seul point de vue. Le réalisateur australien réitère donc de manière plus amplifiée la grammaire cinématographique à laquelle il avait déjà donné corps dans Animal Kingdom.
The Rover par son emprise apathique et précise capte de manière formelle l’attention du spectateur, et ce, paradoxalement par sa lenteur. A ça, le metteur en scène, ajoute le talent de sa direction d’acteurs et la grande prestation de ses comédiens pour réaliser une version captivante et sensorielle de son film.
Si The Rover est un film esthétique (avec également une superbe photo de Natasha Braier), cruel et exacerbé il se veut également inspiré et extrêmement prenant. Un choc pendant et après projection.
Avis de Fabien :
Après l’épatant Animal Kingdom David Michôd revient avec un western moderne situé dans l’outback australien, The Rover.
S’ouvrant avec le regard perdu de Guy Pearce, The Rover nous plonge, dix ans après la chute, dans un monde de désolation, brutal et aride, comme le coeur de l’anti-héros joué par Pearce, un homme mystérieux à la recherche de sa voiture volé par trois types paumés. Dans cet univers féroce et anxiogène où on tue pour survivre, mange des chiens et crucifie sans pitié, un autre royaume des animaux après le cercle familial du premier film de Michôd où règne la loi du plus fort, deux solitudes s’entrechoquent et sont contraints de faire un bout de chemin ensemble : le personnage de Guy Pearce s’associe à un jeune gars idiot (Robert Pattinson) laissé pour mort par son frère, celui de la bande des voleurs de voiture.
En réalisateur méticuleux David Michôd sait installer une atmosphère poisseuse, dangereuse avec de lents travellings et des cadres au cordeau. Grâce à un superbe travail sur l’image et le son dont une remarquable bande originale atmosphérique, l’ambiance devient hypnotique et l’histoire prenante en dépit de nombreuses ellipses. Des éclairs de violence traversent ce road-movie désespéré où deux hommes qui n’ont plus rien à perdre se lancent à la poursuite des voleurs de la fameuse voiture, Michôd combinant très bien, malgré quelques lacunes scénaristiques, l’absurdité avec l’aridité du western (post-apocalyptique). Avec cet anti-héros taiseux, ces seconds rôles patibulaires évoluant dans un décor aride où l’ironie et l’absurde injectés avec parcimonie viennent contrebalancer la violence des rapports humains on pense à Sergio Leone mais aussi à La Route pour l’univers post-apocalyptique sombre, douloureusement réaliste.
Pour faire naître l’émotion à des moments inattendus (une chanson fredonnée en pleine nuit, un échange de regards bienveillants entre deux hommes privés trop longtemps de contacts humains amicaux), il peut compter sur son formidable duo d’acteurs, Guy Pearce d’une exemplaire sobriété avec ce personnage mutique et torturé accompagné d’un étonnant Robert Pattison dans un rôle délicat de demeuré dont il se tire avec brio.
Avec ce Rover impressionnant de maîtrise cinématographique, David Michôd s’affirme comme un des plus prometteurs talents australiens du moment.
Test blu-ray
Comme souvent chez Metropolitan l’image hd est remarquable de précision, le piqué est acéré et la définition exemplaire même dans de nombreuses scènes nocturnes.
La bande-son très travaillée, effets d’une belle diversité et bo très originale, est à l’honneur sur les deux pistes DTS-HD MA 5.1.
Bonus
Passons sur les featurettes promo que sont le reportage (2′) et les entretiens avec l’équipe (10′) pour apprécier le module consacré aux musiques du film (8′), à savoir un mélange sophistiqué de compos originales à la frontière de la trame sonore signées Sam Petty et Anthony Partos, déjà collaborateur de David Michôd sur Animal Kingdom ainsi que de morceaux rock avant-gardiste de Tortoise sans oublier les expérimentations saxophoniques de Colin Stetson.