Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi…
L’avis de Manu Yvernault :
Rares sont les cinéastes asiatiques qui une fois au pays de l’Oncle Sam arrivent à se défaire du poids et de l’emprise des studios sur les films de commande.
Au tour de Park Chan Wook. Le metteur en scène a toujours su montrer un savoir- faire épatant dans la mise en scène de ses films. À tel point que certains peuvent trouver une démesure démonstrative dans ses précédentes réalisations. Ce serait passer à côté d’un cinéaste qui, en plus d’un art du récit maîtrisé, a une aptitude étonnante à choisir ses cadres, donner du mouvement à sa caméra et un sens précis du découpage. Un cinéaste tout simplement.
Si on attendait beaucoup de sa première production hollywoodienne, on se méfiait également quant au fait que le réalisateur puisse ne pas être en totale liberté créative, surtout avec une major aux commandes.
Quelle savoureuse surprise de voir Park Chan Wook proche de cette entière autonomie, laissant libre cours à de réelles envolées visuelles. Ceci est rendu possible par le biais d’un scénario de Wentworth Miller (Michael Scofield de Prison Break) qui joue avant tout sur les illusions et la manipulation de son récit.
Park Chan Wook n’a ensuite plus qu’à s’emparer de ce scénario. S’il n’est pas d’une originalité fulgurante, ce script a au moins la bonne idée de ne jamais nous prendre facilement par la main pour nous mener dans des recoins convenus. Chaque personnage est assez troublant, afin de questionner le spectateur tout au long du film sur ses réelles intentions, ainsi que sur leur personnalité. Ceci procurant une certaine efficacité à l’histoire, à défaut d’une réelle originalité.
Au jeu des éléments conjugués qui contribuent à la réussite d’un film, le casting. Matthew Goode s’avère être un choix judicieux dans le rôle de l’oncle vampirisant cette mère et fille en deuil. Un jeu qui dessine autant un personnage énigmatique que séducteur. Le comédien réussit à faire oublier son physique de gendre idéal pour aligner une belle performance. Nicole Kidman, qu’on voit finalement peu, joue ce qu’elle sait habituellement faire dans le rôle de la veuve éplorée, séduite par ce prédateur, à la recherche d’un désir consolateur. Hormis, Alice au pays des merveilles, Mia Wasikowska prouve ici qu’elle devient une grande comédienne de film en film, sous les traits de cette petite fille bourgeoise qui nous surprendra dans l’éclat de sa vraie personnalité. Un jeu qui demandait une ambivalence marquée et dont la comédienne en décortique tous les contours.
C’est donc par ce jeu subtil de l’ensemble du casting ainsi que de la direction d’acteurs de Park Chan Wook que Stoker devient une jolie petite pierre à mettre sur l’édifice des thrillers réussis.
Par une mise en scène stylisée, précise et pleine de métaphores visuelles, le réalisateur sud-coréen marque sa venue sur les terres Hollywoodiennes. Le film, illuminé par la photo de Chung-hoon Chung, chef opérateur habituel du réalisateur, assène à chaque séquence une démonstration de savoir faire. L’ensemble de la mise en scène est étonnement précise, peut-être trop pour certains, mais c’est un réel plaisir pour qui s’attache à la qualité première du metteur en scène. En résulte un film étrange mais captivant qui ose parfois effleurer le fantastique sans jamais y déposer complètement son âme. Ainsi, le film en conserve uniquement cette sensation captivante de mystère, tout en gardant sa propre identité, celle de Park Chan Wook. En mêlant thriller et érotisme dérangeant, ce dernier vient de livrer un bien bel objet de studio. On attend donc la suite et cette fois, peu importe les frontières.